“Je suis Charlie” et liberté d’expression par Pierre Krebs

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Toute la France est évidemment profondément attristée et meurtrie par ce qui vient de se passer. C’est l’attentat le plus terrible depuis plus de 50 ans et il y a encore eu une fusillade ce matin à Montrouge qui a au moins coûtée la vie à une policière.
Le sursaut d’unité du pays est évidemment louable et nécessaire après un tel événement. De plus il apparaîtrait que de très nombreuses personnes dans de très nombreux pays s’associent à la France dans ce moment difficile, ce qui est réconfortant et qui motive nos efforts pour lutter.

Amar Lasfar

Les réactions des personnalités de la religion Musulmane sont aussi très apaisantes et intelligentes.  Je retiens surtout celle d’Amar Lasfar (Recteur de la mosquée de Lille et président de l’UOIF) sur le journal télévisé de 20h de France 2. Il appelait à dénoncer la violence et il a très bien parlé de la liberté d’expression. C’est à dire qu’au moment où Charlie Hebdo avait sorti ses caricatures les plus controversées sur Mahomet, il a redit avoir porté plainte contre Charlie Hebdo. Effectivement il trouvait ça choquant. Mais c’est la toute la beauté du témoignage. Contre ça, ils ont à l’époque utilisé toutes les voies légales et offertes par la loi et la République. Ils ont par la suite respectés la décision de la justice. Il a donc refait apparaître, en rappelant ces faits, le débat sur les limites de la liberté d’expression qui est à mes yeux vital dans une société. Encore plus dans une société multi culturalisée. Mais il a aussi dénoncé avec la plus grande fermeté les méthodes de ces terroristes.

Il y a donc seulement deux aspects sur lesquels je voudrais revenir dans toute cette histoire. Le premier est la phrase « Je suis Charlie » et le deuxième le concept de liberté d’expression ainsi que les responsabilités à prendre en l’invoquant.

La phrase que tout le monde utilise ne me paraît pas opportune. « Je suis Charlie » n’englobe déjà pas les policiers qui étaient là sur les lieux et qui se sont fait tués. Même si on imagine bien que les gens ne les oublient pas dans l’immédiat, est-ce que dans 50 on y pensera encore ? Et surtout « Je suis Charlie » (donc Charlie Hebdo) voudrait dire que tout le monde s’aligne sur le fonctionnement, les valeurs et la ligne éditoriale de ce magazine. Hors je n’aime pas du tout ce magazine qui, sous couvert d’humour, provoque violement. Ils savent très bien qu’ils heurtent profondément les consciences bien souvent. Je te mets un dessin qu’ils avaient publié un jour sur un évêque de France. A chacun de juger si l’humour est utilisée à bon escient. Ils ont notamment une défiance (le mot est faible) contre toute religion qu’ils jugent « d’idéologie ». Tout en déplorant les morts inutiles et la violence insensée, je ne crois pas devoir me mettre derrière l’identité de ce magazine en disant « Je suis Charlie ». Et mon opinion est que, à mon humble avis, les gens ne savent pas vraiment ce qu’il y a derrière ce nom. Je dirais donc plutôt « Je suis les 12 victimes de cet attentat ». Mais évidemment, c’est moins « catchy ».

Je voudrais enfin revenir sur le principe de liberté d’expression qui est, finalement, la cause de ce drame. En effet, nous sommes du pays de Voltaire. En effet, nous avons une culture qui utilise la satire. En effet, nous sommes très attaché à la liberté de la presse qui est vitale au bon déroulement d’une démocratie. Mais pour moi toute liberté implique des devoirs et des responsabilités. Pour le bien de la société je ne pense pas dire tout et n’importe quoi quand on sait que nos paroles peuvent être entendues par des milliers. Diriger un journal, ce n’est pas parler avec un ami dans un bar. Et dans ce cas je suis très réservé sur les dessins et la provocation de Charlie Hebdo. Je ne suis pas certain de son utilité publique. Surtout qu’on sait qu’il y a des fous dans la nature qui vont tomber sur ces desseins et qui ne vont pas rire du tout…on vient de le voir. Charlie Hebdo avait d’ailleurs déjà attaqué au cocktail Molotov il y a quelques mois. Donc la liberté d’expression oui, mais avec le devoir de se retenir de dire des bêtises quand on a un poids important dans le débat Français.

Voilà j’espère juste que le débat sur la liberté d’expression ne sera pas étouffé une fois le calme revenu. Et en attendant « Je suis les 12 victimes de cet attentat » et je suis comme tout Français impatient qu’on mette la main sur ces malfaiteurs pour les juger.

Pierre Krebs, étudiant français en Master 1 spécialisation Audit/Control à l’IÉSEG School of Management à Lille.

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