Le canular conspirationniste du réaménagement du Moyen-Orient

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Par  ROBERT BIBEAU – Depuis la présidence de Georges W. Bush (2001-2009), la CIA et le Pentagone, assistés par leur sous-fifre israélien du Mossad, font circuler la rumeur d’un Plan de remodelage du Grand Moyen-Orient.  Tout ce que la toile compte d’experts a repris cette rumeur jusqu’à la présenter comme un fait avéré (1). La question qui se pose aux militants progressistes est de comprendre pourquoi généraux et amiraux tiennent tellement à faire gober cette théorie du complot aux analystes amateurs et à l’intelligentsia de la «gauche» en pleur (2) ?

Ce «Plan de remodelage du Grand Moyen-Orient», ou encore, la «Stratégie du chaos» que la CIA et le Mossad diffusent abondamment, et que relaient tous les géo-stratèges d’Occident, visent un objectif idéologique et un objectif stratégique spécifique. Lesquels?

Posons quelques balises préalables à l’analyse de ce type de canular «complotiste» géostratégique. Il est indéniable que le grand capital divisé est en guerre perpétuelle entre segments et entre alliances et contre les autres alliances internationales. Dans le cadre des ces guerres concurrentielles pour accaparer les marchés, les zones d’exploitation des ressources et les secteurs géographiques de spoliation de la plus-value, chaque alliance concurrente élabore ses plans spécifiques.

Il est évident que le mode de production capitaliste (MPC) étant le mode de production le plus avancé qu’ait connu l’humanité, il a produit la puissance impérialiste la plus belliqueuse et la plus agressive que le monde ait connu. L’alliance étatsunienne élabore des plans ainsi que l’alliance russo-chinoise. Il en est de même pour l’alliance européenne et il en va ainsi de certaines puissances impérialistes moyen-orientales, incluses au sein d’alliances plus vastes (Turquie, Arabie Saoudite, etc.), ou alors, hors de toute alliance  internationale pour le moment comme l’Iran (3). Donc, chaque groupement impérialiste  élabore ses tactiques qui recoupent ou confrontent les plans géostratégiques des alliances et des puissances concurrentes.

Au beau milieu de ces manigances et de ces malversations planifiées et géo-orientées, il y a les populations locales et  régionales, il y a la classe ouvrière locale et régionale, qui obéissent et s’adaptent plus ou moins à ces planifications; qui résistent; qui combattent ou qui refusent de servir de chair à canon pour ces plans de perdition, de démantèlement, de réaménagement, et de conditionnement (4).

Le résultat de ce méli-mélo et de cet imbroglio, et de ces luttes de classes, c’est que aucun de ces «plans manigancés» n’atteint les objectifs visés. Ainsi, il est absolument improbable que l’une des multiples alliances impérialistes s’affairant à semer le trouble au Moyen-Orient ait planifié de remodeler la région en implantant des États terroristes ethnoreligieux et tribaux. Ce serait ainsi offrir aux capitalistes locaux et régionaux une grande force de résistance face aux plans de domination et de spoliation subséquents. Ainsi, c’est la raison pour laquelle les gouvernements dirigés par les Frères musulmans ont été renversés, car ils représentaient la menace d’une trop grande indépendance des capitalistes locaux et pourtant vassaux. Nous l’écrivions précédemment, l’islamisme est aux sociétés du Moyen-Orient musulman ce qu’est le nationalisme aux sociétés industrialisées et occidentalisées (5).

Il suffit d’observer la carte ci-haut projetée par le Pentagone et le Mossad pour comprendre que leurs ambitions étaient ridicules, et allaient à l’encontre des intérêts de la puissance américaine dans cette région. De plus, de telles ambitions allaient à l’encontre des intérêts des autres puissances impérialistes internationales et régionales qui toutes s’immiscent dans les affaires du Moyen-Orient afin de contrôler, de dominer et d’exploiter les ressources, les ouvriers et les peuples de cette région sous pression. Observez à nouveau cette carte, gracieusement diffusée par la CIA. Si on excepte l’État islamique (Daesh), chargé de valoriser le terrorisme étatique des pays impérialistes, aucun des objectifs de démantèlement n’a été atteint depuis l’an 2000.

Pour revenir à l‘État Islamique (EI), bien qu’armer et soutenu par les États-Unis et l’Arabie et le Qatar et la Turquie (avec de plus en plus de réticence), comme le dénonce vertement le gouvernement irakien, cet État fantoche ne durera pas aussi longtemps que le prétend les tacticiens américains depuis qu’une branche du Hezbollah a été établi en Irak, équipée d’armes américaines sophistiquées, empruntées à l’armée irakienne. Cette succursale du Hezbollah libanais a entrepris la reconquête du territoire irakien pendant que l’armée syrienne, toujours soutenue par l‘Iran, les prends à revers en venant de l’ouest avec des tanks Abraham américains (6).

Reprenons notre question initiale « Qui ce canular conspirationniste sert-il en définitive ?»

Le clan impérialiste américain «dévoile» publiquement son plan d’agression, car d’une part, son vrai plan est très différent. C’est ce que l’on appelle de «l’intox informationnelle» dans les centres professionnels de la propagande. D’autre part, l’impérialisme étatsunien aime bien que les ouvriers et les populations locales, et internationales, croient que leur sort leur échappe totalement d’entre leurs mains, et que rien ne sert de se rebeller et de résister, car «Big Brother US» gère tout, planifie tout, décide de tout, et vous pauvres mortels affamés, paupérisés, insécurisés, n’avez qu’à ployer sous le joug du tout puissant et à vous soumettre à votre maître terroriste étatique.

Évidemment, il n’en est rien. À contrario, il est du devoir révolutionnaire de proclamer que l’avenir de l’humanité n’est pas écrit sur un papier, un parchemin, un grimoire, un compendium, un plan «secret» du Pentagone, ou dans un livre «saint» (sic) dévoilé par Georges W. Bush et propagé par B. Netanyahou ou par un quelconque ripou. La classe ouvrière ne doit porter aucune attention à ces machinations – aucune crédibilité à ces manigances – aucune foi à ces plans d’effrois et poursuivre sa résistance de classe au Moyen-Orient, évidemment, mais ailleurs également, en Grèce, en Espagne, en France, au Canada et aux États-Unis. C’est ainsi que nous déjouerons les malversations conspirationnistes et alarmistes des États policiers  terroristes.

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