Liban: Loi électorale, stratégie de défense, Fouad Abou Nader répond aux questions de Libnanews

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Lundi 8 Octobre 2012 – Trois questions à Fouad Abou Nader, président du Front de la liberté.

  1. 1. Quelle est votre proposition en matière de loi électorale ?

Taëf prévoit une « décentralisation » administrative et des élections basées sur la large circonscription, deux principes contradictoires…

Le Front de la liberté propose comme loi électorale:

a) Un scrutin majoritaire à deux tours basé sur la circonscription uninominale (élection d’un seul député par circonscription, comme en France, « one man, one vote ») pour assurer une proximité avec les citoyens et une parité entre chrétiens et musulmans, principe adopté par le Document Constitutionnel en 1976, avant Taëf !

b) 108 (54 chrétiens et 54 musulmans) députés et non 128 comme l’ont imposé les Syriens pendant l’occupation pour s’assurer de la défaite de leurs adversaires!

c) Une véritable loi sur les partis et mouvements politiques est nécessaire. De même que la constitution de partis et de mouvements dépassant les clivages confessionnels.

d) L’abaissement du droit de vote à l’âge de 18 ans.

e) Avec une diaspora de plus de 12 millions de personnes jouant un important rôle économique, il est primordial d’accorder le droit de vote aux émigrés et de leur restituer la nationalité libanaise et les droits civiques.

f) Six circonscriptions (Amérique du Nord, Amérique latine, Afrique, Moyen-Orient, Europe et Océanie) pourraient être ainsi créées pour l’élection de 12 députés supplémentaires (6 chrétiens et 6 musulmans).

g) L’établissement d’un quota de candidatures féminines: 30% conformément aux revendications des instances féministes et à la déclaration de la conférence de Pékin en 1995, que le Liban a ratifiée.

h) Le déroulement des élections sur l’ensemble du territoire libanais en un seul jour.

i) Un plafond pour les dépenses pour garantir l’égalité des chances et la concurrence loyale entre les candidats, en bridant le pouvoir de l’argent, qui a toujours porté atteinte au processus électoral et l’a dévoyé de son sens.

j) En ce qui concerne le Sénat dont la création est prévue par Taëf pour être le lieu du dialogue politique entre les communautés, les sénateurs seraient élus dans le cadre de la loi électorale de 1862 (chaque communauté élisait ses propres représentants), aujourd’hui portée par la “Rencontre grecque-orthodoxe”.

k) Et le président du Sénat reviendrait à un grec-orthodoxe afin que la communauté grecque-orthodoxe jouisse de ses droits et qu’il y ait une véritable parité entre chrétiens et musulmans à la tête de l’État puisque la présidence de la République revient à la communauté chrétienne maronite alors que la présidence du Conseil et celle du Parlement reviennent respectivement aux communautés musulmanes sunnite et chiite.

2. Quelle est votre proposition en matière de stratégie de défense ?

Le Front de la liberté propose la création d’une garde nationale – sur le modèle suédois (Hemvärnet, Swedish National Home Guard) – , institution organisée au niveau des régions, c’est-à-dire par les conseils régionaux élus, dans le cadre du régionalisme.

a) Cette garde nationale, qui couvrirait le territoire national, serait subordonnée dans sa conception et sa stratégie au ministère de la Défense pour les missions militaires avec l’Armée : en cas d’agression étrangère, la garde nationale servirait de corps réserviste ; au ministère de l’Intérieur pour les missions de sécurité intérieure avec les Forces de sécurité intérieure (FSI) : dans des opérations de maintien de l’ordre, la garde nationale servirait de police de proximité et de police anti-terroriste; et, plus largement, au président de la République et au gouvernement.

b) Les dépôts d’armes de cette garde nationale seraient sous le contrôle exclusif de l’Armée et des FSI, par exemple dans les casernes de celles-ci ou ailleurs s’ils doivent demeurer secrets. Ainsi, les forces armées libanaises (Armée et FSI) renforcées par la garde nationale disposeraient seules de la légalité, de la légitimité et du monopole des armes et restreindraient, contrôleraient et gèreraient l’octroi du permis de port d’arme.

c) Il faut restructurer les forces armées (Armée et Forces de sécurité intérieure, FSI) et réorganiser les services de renseignement de l’Etat (second bureau de l’Armée, Sûreté générale et second bureau des FSI) afin que ceux-ci soient unis et complémentaires et non rivaux.

d) Il faut élaborer une politique de sécurité intérieure pour lutter contre le terrorisme, le trafic de drogues et les différentes formes de crimes et éviter tout retour à l’autoprotection.

e) Il est difficile, sinon impossible, d’intégrer purement et simplement des unités paramilitaires dans l’Armée puisqu’il y aurait eu une opposition au sein même de la grande muette.

f) Le principal problème de l’Armée n’est pas son incapacité à défendre le Liban, mais l’absence de leadership et de décision ferme et forte de la part du gouvernement civil. Le Front de la liberté appuie l’État fort basé sur le régionalisme et la neutralité.

g) Il faut établir le principe de l’unité de la défense et de la conception stratégique qui doit être coiffée par l’autorité politique (le président de la République commande aux armées d’après la Constitution) et militaire (commandement de l’Armée et des FSI). Ce principe inclut les déclarations de guerre et de paix.

h) La défense est une affaire de stratégie. Elle doit être faite par les militaires et acceptée politiquement par le président de la République, le gouvernement et le Parlement, à commencer par la commission parlementaire en charge de la Défense. Ensuite, elle doit être mise en pratique.

i) La défense de l’unité du territoire (conformément à la Constitution). Il ne doit pas y avoir de défense sectorielle. Principes de la fonctionnalité, de la responsabilité et de la répartition.

j) Le Liban doit respecter ses engagements : l’armistice de 1949 et la résolution 1701 de l’ONU.

k) Le Liban doit exiger l’abrogation du Traité de défense commune et de coopération économique entre les États de la Ligue arabe dans le cas d’un nouveau conflit israélo-arabe, traité signé le 7 juin 1950, car alors que le Conseil de défense commune créé dans ce cadre est sous le contrôle du Conseil de la Ligue qui prend ses décisions à l’unanimité, l’Égypte et la Jordanie ont signé un traité de paix avec Israël ce qui rend obsolète la partie du traité relative à la défense commune. Il faut donc remplacer ce traité par un pacte définissant un partenariat et une coopération militaire et sécuritaire entre les États arabes dans le respect de la neutralité libanaise, comme c’est le cas entre les États neutres européens et l’Organisation du Traité de l’Atlantique-Nord (OTAN).

3. Que pensez-vous des dirigeants des organisations politiques à assise chrétienne?

Ils n’ont aucune vision d’avenir et n’offrent aucune solution aux problèmes. Ils ne défendent pas les intérêts des chrétiens mais leurs intérêts électoraux. Leur comportement est irresponsable et déplorable. Preuve en est ce qui s’est produit à Mayfouk. Les églises sont les maisons de Dieu et non celles d’organisations de quelque nature que ce soit. Les églises sont ouvertes à toutes et à tous dans le respect de la prière. Dans les églises, on prie, on fait la paix, on pardonne, on se réconcilie et on s’unit. Je rappelle que le premier partenariat entre les communautés chrétiennes et musulmanes libanaises a été scellé dans une église du temps de Fakhreddine. Les provocations, les conflits, les affrontements, les tentatives d’assassinat et les tueries n’ont pas de place dans une église.

Ces dirigeants ont verrouillé la démocratisation de leurs organisations et de la loi électorale pour empêcher tout débat, toute contestation et toute remise en cause de leurs pouvoirs. Or, aucune vision d’avenir et aucune solution aux problèmes ne pourront être dégagées sans débat et sans vote, sans démocratie au sein des organisations et sans la nouvelle loi électorale que j’appelle de mes vœux. Les chrétiens en ont marre de ceux qui les ont conduits à la défaite, à l’impasse et au statut-quo. J’appuie toute initiative visant à instaurer un débat et des règles démocratiques au sein des organisations ayant une assise chrétienne. Après le départ des Syriens, j’avais moi-même lancé une telle initiative au sein du parti Kataëb. Bloqué, j’ai créé avec mes compagnons de la Résistance libanaise, le Front de la liberté, authentique déclinaison politique des Forces libanaises. C’est pourquoi, je ne peux rester indifférent aux revendications de Hanna Atik au sein du dit « parti des Forces libanaises » que Samir Geagea dirige comme il commandait sa milice.

J’espère qu’il y aura des initiatives similaires car un chef ne peut diriger une organisation politique comme il dirigerait une milice, une famille, un clan ou l’Armée. Ainsi, Michel Aoun ne peut pas diriger le Courant patriotique libre comme il dirigeait l’Armée.

On n’établit pas un État en gérant les affaires publiques comme on gèrerait une ferme ! Comme l’a dit le patriarche Raï, il faut un printemps chrétien ! Il n’y aura pas de printemps musulman s’il n’y a pas de printemps chrétien. En l’absence de printemps chrétien, on voit aujourd’hui, un automne islamiste intégriste. Est-ce le Moyen-Orient que nous voulons ? Est-ce le Liban que nous voulons ? Si nous ne réagissons pas immédiatement en forçant le leadership chrétien à composer avec le jeu démocratique au sein des différentes organisations politiques et au niveau de la loi électorale alors bientôt les chrétiens seront les nouveaux Palestiniens du Moyen-Orient! Je compte et mise sur les jeunes.

MF

Libnanews

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