Et cette pollution qui ne fait plus commerce

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Après une semaine dernière plutôt consacrée à l’émoi, les coups d’éclats se multiplient sur les réseaux sociaux, photos à l’appui, de volontaires qui nettoient les plages. L’action est évidemment à saluer. Ils œuvrent pour le bien public, là ou l’état a démissionné.

Ces déchets ne sont pourtant que le sommet de l’Iceberg que la population refuse de voir.

On peut également douter de l’efficacité de la chose. Là ou ces associations œuvrent sont déjà des plages qui ont été nettoyées l’année dernière. Mieux ou pire encore, là ou ils nettoient, il s’agit de plages ou les promoteurs immobiliers se refusent de le faire contrairement à d’autres stations balnéaires. Ce n’est pas en nettoyant 16, 17, 18 fois ou plus encore qu’on résout une conséquence d’un problème mais en s’attaquant à la racine même de la problématique.

Ces types de pollution ne sont pas visibles et donc font moins parler. La population s’était réjoui de ne plus voir ses ordures dans les rues en 2015. L’opinion publique s’est retrouvée rattrapée par le scandale de la pollution des plages à la faveur de la première tempête de janvier 2018. Il s’agit maintenant de toutefois la confronter à la réalité quotidienne qui demeure invisible pour la plupart.

Notre population connait 250 cas de cancers pour 10 000 habitants contre une moyenne régionale de 180 cas. Cette différence démontre qu’il y a un facteur environnemental qui entre en compte et qu’il s’agit de l’éliminer.

Et la pollution des pesticides?

Passons sur cela. Enlever la pollution visible est une chose qui sert à oublier les autres types de pollution dont on a affaire et qui font que le Liban est l’un des pays dont la population connait l’un des taux plus élevés par habitant. Une enquête effectuée il y a quelques années avait déjà évoquée la pollution de nos produits alimentaires avec notamment les pesticides.

“40% en moyenne des cultures contiennent des résidus de pesticides, mais qui varient selon les régions: 39% des cultures à Akkar sont contaminés, 17% au Chouf, 26% à Iklim-al-Kharroub, 50% dans les zones proches de Beyrouth, et 58% au Liban Sud.

De plus, le taux de contamination varie également d’une culture à l’autre: 40% des fraises renferment des résidus de pesticides, 32% des oranges, 30% des tomates, 49% des concombres, 14% des citrons, 33% des prunes, et 100% des courgettes[.”

En 2016, les ministres de l’Environnement et de la Santé d’alors, Akram Chehayed et Waël abou Faour, avaient admis que 45 pesticides de type cancérigènes étaient utilisés au Liban.

Les eaux usées, principale source de pollution

Le deuxième type de pollution à laquelle les libanais font face est celle des nappes phréatiques. Il s’agit même de la principale pollution pour laquelle les libanais sont exposés. La plupart des régions libanaises ne disposent pas de stations d’épuration des eaux usées. L’autre facteur important de pollution des nappes phréatique est d’origine soit agricole, avec l’utilisation d’engrais, soit industriel.

Soient elles n’existent que sur les papiers, soient elles sont construites mais elles ne sont pas connectées au réseau des égouts publics, et dans quelques rares cas, elles sont construits et opèrent. L’essentiel des égouts au Liban – 85% en 2013 – sont donc directement rejetés dans les rivières, fleuves voir en mer. Ces polluants affectent donc tout autant notre chaine alimentaire terrestre que maritime et demeure invisible pour la plupart d’entre nous.

Un des exemples les plus frappants est aux portes mêmes de Beyrouth, à savoir Nahr Beyrouth transformé en véritable égout à ciel ouvert. Certaines plages les plus connues, comme celles de Byblos sont traversées par des égouts, les promoteurs de ces plages recouvrant de sable ces égouts pour que la clientèle ne s’en aperçoivent pas.

Différents projets sont en cours, financés par des institutions étrangères notamment des pays européens, ou le FMI ou encore la Banque Mondiale. Il demeure qu’équiper la totalité des régions libanaises en unité de retraitement des eaux usées est estimé à 400 millions de dollars.

La pollution de l’air, la rengaine de nos embouteillages et du peu de nos industries

Jour après jour, on peut voir une sorte de fog au dessus de Beyrouth. Cette pollution est causée par le trafic routier d’une part et par certaines usines comme la centrale électrique de Zouk Mosbeh ou encore des générateurs de quartiers qui ne sont évidemment pas équipés des filtres nécessaires.

Ainsi,  la pollution de l’air par particules était 40% supérieure en temps de trafic routier au Liban selon une étude publiée par Najat Saliba, chercheuse à l’AUB. Ces particules en suspension, peuvent pénétrer dans le corps via les poumons, circuler dans le sang et provoquer des cardiopathies, des cancers du poumon, des cas d’asthme et des infections des voies respiratoires inférieures.

Un nouveau type de pollution: les dioxines de nos ordures

Incinération de déchets en plein air dans une décharge de Majadel, dans le sud du Liban. © 2017 Human Rights Watch

Le dernier type de pollution dont on a découvert dernièrement l’ampleur est celle liée à la crise des déchets, à savoir le fait que des décharges sauvages soient volontairement incendiées, provoquant des rejets importants et incontrôlés de dioxines. HRW a publié en décembre 2017, un rapport sur la question qui semble être assez inquiétant.

Le ministère de l’Environnement et le Programme de développement des Nations Unies (PNUD) ont fourni à Human Rights Watch une carte de 617 décharges municipales pour déchets solides non contrôlées, dont 150 pratiquent l’incinération au moins une fois par semaine. La grande majorité des habitants des localités incriminées interrogés dans le cadre de ce rapport ont rapporté des effets sur leur santé qu’ils attribuent à l’incinération et à l’inhalation de fumées de combustion des déchets en plein air, notamment des problèmes respiratoires comme la broncho-pneumopathie chronique obstructive, la toux, l’irritation de la gorge et l’asthme.

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