« Beyrouth est devenu ruines. Avec le temps, les ruines deviennent belles. Mais moi, je ne m’habituerai pas. Beyrouth était laide, peut-être. Mais c’était ma ville. Elle était mauvaise, peut-être. Mais c’était ma ville. »

Beyrouth, je m’adresse à toi …

Moi qui ai l’âge de ton dernier souffle…

Moi qui ai grandi avec tout l’amour que t’as pu offrir…

Toi qui est devenu siège du temps…

Toi qui a siégé mon bonheur avec toi…

Toi qui as pris mes plus belles 23 minutes…

23 minutes, durée d’un trajet que je traverse tous les jours au sein de Beyrouth…

23 minutes, de ‘Napoli’ à ‘Paul’…

Pour te retrouver, toi qui m’attendait, au bout de mon chemin avec une fleur à la main… 

23 minutes mon amour, 23 minutes mon Beyrouth…

Attends-moi, j’y suis déjà…

23 minutes…

Mais la mort tracassa… Frappant comme un fardeau… Interrompant mon trajet et transformant les pétales de la fleur en poussières… 

23 minutes marqueront une trace sombre dans mon histoire ainsi que dans l’histoire de maintes d’autres personnes qui, ce jour-là, flânaient les ruelles pittoresques de Beyrouth ou s’asseyaient dans les cafés ravissants ou même préparaient le diner dans le confort de leurs maisons… 

23 minutes et mon Beyrouth se transforma en ruines…Tant voulues et recherchées, souffrance et peur deviennent ses propres conditions de survie et ses signes d’existence… 

Imparfait et informe, mon Beyrouth devient synonyme d’un combat éternel, recherchant inlassablement à se vider de ce tourment et à rechercher une nouvelle existence, acceptant sa réalité éphémère… 

Deux an après, comment puis-je parler de ces 23 minutes ? Comment parler de cette expérience qui a changé ma vie pour une éternité ? Comment parler de ce que j’ai passé deux ans complets à oublier ? 

Aujourd’hui, ces 23 minutes me séparent d’un avenir où Beyrouth ne sera plus qu’un mot annexé au phénix renaissant de ses propres cendres et que les Cèdres majestueux ne seront plus qu’un paysage appétissant sur une carte postale…

23 minutes pour dire adieu à tes escaliers garnis de fleurs de toutes les couleurs et de musique de tout pays…

23 minutes entre tes cafés qui s’étalent à chaque coin et où les jeunes se réunissent célébrant ton charme et ta beauté…

23 minutes entre tes ruelles, où à chaque moment de la journée on peut entendre des milles langues te transformant en Babel de notre ère… 

23 minutes pour dire adieu à tes restos et tes bars. C’est là qu’on a échangé des histoires, qu’on a pleuré et rêvé. C’est là qu’on a gravé nos souvenirs sur tes murs et tes pavés. 

23 minutes pour dire adieu à ma ville, à toute une vie passée au sein de ses bras.

Oh qu’elles sont courtes ces 23 minutes !                                          

Oh mon Beyrouth, comment puis-je imaginer un avenir sans toi ? Comment puis-je te dire adieu ? Comment puis-je te tourner le dos ? 

C’est là que j’ai passé ma vie, grandi, aimé et pleuré. Chaque coin en toi raconte une histoire, mon histoire…

Beyrouth, où es-tu ? Lèves-toi ! 

Comment puis-je te survivre ? Toi, mon Beyrouth, qui hanteras mon existence, mes pensées et mes écritures…

Quand je dois passer toute une vie à te manquer…

Toi…

Mon plus grand chagrin et mon plus profond des silences…

Quand ma douleur intolérable a un nom : Beyrouth !

Oh mon Beyrouth ! Je te promets, ce n’est qu’un au revoir…

Là où j’irai, tu seras. Tu existeras à travers mes mots, mon amour et le souffle de vie que tu m’as donné…

Même s’il ne me reste qu’un petit espoir de te revoir un jour, ci-lointain, de revoir le Beyrouth de mon enfance et de ma jeunesse, je te promets d’y revenir…

Je t’imagine déjà… comme une déesse de beauté, portant dans son sang la fermeté des beyrouthins, l’audace des aïeux phéniciens et la délicatesse de son vent de jasmin…

Toi, témoin de ce qui fut un jour et de ce présent suspendu dans le temps, dans ton deuil et ta vie, tu existes… Beyrouth qui se soustrait du temps, vit !

Là où j’existe… Tu existes… Hors des commencements et hors des fins, hors des limites du temps, tu existes éternellement…

23 minutes me dessinent une nouvelle voie…

Et me prennent loin de toi… 

23 minutes me semblent comme un laps dans le temps…

Où le futur n’existe pas, sans toi…

23 minutes mon amour, 23 minutes mon Beyrouth… 

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