Le nouvel opium du peuple qui cartonne est la fameuse loi électorale supposée le sauver de tous ses soucis et lui permettre d’être enfin représenté par les mêmes députés qu’il a aujourd’hui. Le slogan-hit du moment c’est “la proportionnelle”. Quand tes copains entendent ce mot, c’est joie, euphorie, extase et jouissance. Pourtant, aucun d’eux ne s’est donné la peine de lire les lois proposées ou de googler “qu’est-ce que la proportionnelle, p… de m…!”.

S’ils s’étaient donné la peine de réfléchir ils auraient compris que le système libanais, par nature, est à 100% et sans l’ombre d’un doute mathématique, proportionnel. Le système dit du “6×6 et je t’en rajoute” fait que tous les postes de la fonction publique, du bas de l’échelle jusqu’à la présidence, sont répartis également sur tous les membres de toutes les communautés indépendamment de leur intelligence. De plus, les chrétiens sont surreprésentés: d’après les statistiques les plus optimistes qui ne tiennent pas compte de tout ce qui bave, tête, chie dans sa couche et votera dans 10 ans, les chrétiens représenteraient aujourd’hui 38% du troupeau. Or, ils forment 50% du cabinet et élisent d’après la loi de 1960, au moins 95% de leurs députés. Pareil pour les musulmans, à part que, eux, représentent 62% de la population et élisent 95% de leurs députés.

Oui, mais vas-tu me dire, dans chaque communauté, il y a des minorités non représentées et nos zaïms dans leur suprême magnanimité ont voulu leur donner une chance. Parlons-en. Pour qu’une loi électorale proportionnelle fonctionne réellement, il faut que les alliances soient claires. C’est-à-dire que le tandem FL-CPL ou Hezbollah-Amal ne peut pas fusionner dans les circonscriptions où ça l’arrange et jouer aux frères-ennemis en créant deux listes adverses dans d’autres circonscriptions pour couper la route à la société civile. Encore, dans le cas d’une vraie élection sur base de la proportionnelle, les Forces Libanaises ne pourraient pas s’allier au courant du futur à Beyrouth, et avec le CPL, contre le courant du Futur à Baabda. Ceci biaiserait complètement la représentativité du futur parlement.

Alors, me diras-tu, pourquoi cette loi électorale new wave? Tout d’abord pour faire tomber l’équilibriste de la république, Walid Joumblat. Avec son jeu de demi-mesure, une fois à gauche, une fois à droite et toujours au milieu, il nous a tous évité de tomber dans les extrêmes et nous a permis depuis 2005, contre notre volonté, de choisir le moins pire parmi tous les pires possibles.

Le deuxième objectif, c’est, pour les deux grands partis chrétiens, de reprendre ces 4 ou 5 chrétiens qui sont élus par les autres communautés. Noble tâche, ne serait-ce le fait que, de toutes façons, au su des alliances dites “électorales”, la plupart de ces députés sont déjà choisis par les “grands partis chrétiens”. A titre d’exemple et entre autres, le député Emile Rahmé et certains députés de Baabda et d’ailleurs, proches du CPL et élus grâce à des voix non-chrétiennes.

Le troisième objectif, c’est d’éliminer le petit chrétien. Et, Sami Gemayel l’a bien compris. D’où ses dernières prises de position façon la mort du loup de Vigny qui chante le cygne.

De toutes manières, pour le citoyen lambda, rien ne va changer. Comme pour le dernier gouvernement, la surprise va être totale, un peu comme quand tu joues au Poker et à chaque coup tu as les mêmes cartes.

Alors, pourquoi le retard? D’après l’ancien député Salah Honein, la loi mixte a une marge d’incertitude de 5% (soit, au meilleur des cas, 6 nouvelles têtes sur 128 au parlement). Or, cette incertitude est inacceptable pour l’oligarchie régnante qui vit son âge d’or à sucer ton sang et tes dollars depuis 2005.

Le second problème de la loi électorale proportionnelle au Liban, c’est son application. Jusque-là, toutes les solutions proposées sont en grande partie “théoriques”. Comme l’a dit Fayçal Karamé – je cite: “Le projet de loi dont on entend parler semble une anomalie de la nature. Même celui qui l’a mis au point ne parvient toujours pas à l’expliquer au public.”

Pire encore, le ridicule des petits moutons, c’est de croire que les parlementaires pourraient voter pour une loi qui ne leur assure pas la victoire absolue.

Alors, Alice, me diras-tu, il n’y a aucun espoir de sortir de ce pays de merdeveilles? Si, plusieurs lois pourraient assurer une plus grande représentativité et moins d’extrémisme mais elles ne sont pas proposées. Une application réelle des slogans publicitaires (pas juste pour la photo Kolynos), comme celui de l’unicité des chrétiens, pourrait complètement changer et renforcer le rôle de cette communauté éclatée (pourquoi faut-il que les chrétiens soient divisés en 7 communautés ?). L’exigence de la carte pré-imprimée proposée par l’ancien ministre Ziad Baroud pourrait réduire sensiblement l’influence de l’argent et des techniques d’intimidation. L’informatisation du système sous supervision des ONG spécialisées pourrait protéger les votants à contre-courant des représailles. Plus simplement, permettre aux électeurs de voter hors des “zones d’influence” pourrait aussi aider.

Finalement, quelle que soit la loi, au Liban, 50% de l’électorat n’a jamais voté, même au plus dur des crises libanaises. Il ne votera probablement pas cette année aussi, laissant les moutons voter en masse pour le renouvellement et la légitimité du même cabinet.

Oui, Alice, tu aurais dû rester de ton côté du miroir au lieu d’espérer, comme le disait Zarathoustra ou peut-être un copain à lui, qu’à force de faire mal aux petits moutons, comme par exemple avec cette nouvelle excitante série de taxes faramineuses que lui cocottent avec amour, passionnément et sans complexe, tous nos politiciens, ils finiraient par trouver le bouton qui fait démarrer le cerveau et briseraient leur silence des agneaux…

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