« Merci à Antoine Maalouf, pour son accueil amical, visite très instructive et admirative de l’hôpital français du Levant, qui fait l’honneur à la tradition médicale en conciliant la technicité et l’humanité Avec mon amical souvenir. » Jean Leonetti

Quel honneur fut pour nous cher Monsieur le député, Jean Leonetti, de vous avoir au Pays du Cèdre et de vous entendre évoquer cette question de fin de vie, la mort…

Loin d’être une simple conférence entre médecins, le sujet évoqué, par le Professeur Jean Leonetti, député-maire d’Antibes, connu pour la loi portant son nom, la loi Leonetti relative aux droits des malades et à la fin de vie, ancien ministre des affaires étrangères européennes, sur la « Fin de vie : Droit ou Devoir », pose de vrais questions autour de l’accompagnement des malades ; une intervention donnée, le 12 mai 2018, dans le cadre du cycle des conférences « Les Samedis du Levant », organisée par le Directeur Général de la Clinique du Levant, Dr. Antoine Maalouf, à l’initiative et sur invitation du Dr. Elie Aboud, cardiologue et ancien député français. (https://libnanews.com/fin-de-vie-droit-ou-devoir-ethanasie-elie-aboud/)

La mort, et ses tabous… Un sujet crucial !

Si en France nous sommes en avance sur cette question où l’on apprend à faire face « à la mort » même quand on est seul, car dire la vérité au malade est devenue chose acquise, au Liban, cette question, faire face à la mort, reste encore un sujet très délicat. 

Appréhender la mort ou la fin de vie, ou y faire face, au Liban, reste encore une question très douloureuse, une affaire de tabous. Cela ne signifie pas par mes dires, qu’elle ne l’est pas en France, mais en France, il y a eu une avancée à travers des lois et des prises en charge du patient, par l’accompagnement et aussi un soutien psychologique mis à disposition de la famille de la personne en fin de vie, notamment la loi Leonetti.

Et si les soins palliatifs sont bien implantés en France « ce système a encore du chemin à faire, il faut absolument sensibiliser la société », nous affirme le Pr. Jean Leonetti.  « Il est crucial de changer cet état d’esprit sur la fin proche, de briser le silence du tabou de la mort, d’en discuter dans un contexte de vérité, non de déni. L’homme étant le seul “animal” qui sait qu’il va mourir, lui seul peut demander la mort. Une demande qui n’est autre qu’un appel au secours pour mettre fin à la souffrance, plus que le désir de mourir ; un désespoir plus grand que l’amour de la vie. D’où l’importance du rôle des soignants de semer l’espoir et redonner goût à la vie, même si elle ne va durer que des mois ou des heures… Le soignant ne peut être celui qui donne aussi la mort. »

Assister à la conférence du Pr. Jean Leonetti, sur le sol libanais, au cœur de la Clinique du Levant (CDL), l’entendre évoquer cette lourde question autour de la mort, vient à point nommé. Les sociétés évoluent et nous, face aux tabous de la mort, au Liban, comment l’appréhender ? « Accompagner quelqu’un en fin de vie n’est pas chose facile » (Jean Leonetti).

La mort est toujours source d’angoisse, au Liban, comme partout ailleurs. Elle est dans certains cas, au Liban, un secret. Elle devient affaire familiale où toutes les familles, presque, contribuent souvent à cacher ce secret au patient, le principal concerné. On ne lui dit pas qu’il est en fin de vie, que ses jours sont comptés, notamment dans le cas d’une maladie grave.

Par ce geste on cherche à le protéger d’une vérité qui s’impose, la séparation, l’adieu imminent ou dans quelques jours, quelques mois, pour le préserver de cette douleur qui est la mort, voire même cacher le degré et la gravité de son état aux enfants même de la famille, quand il s’agit d’un père ou d’une mère…

Dans une société multiconfessionnelle, comme au Liban, les paroles du Professeur Jean Leonetti, pointant la question de l’euthanasie, la problématique de l’acharnement thérapeutique, l’éthique de l’autonomie du malade en fin de vie, la liberté individuelles ou le droit de décider de son sort, voire sa propre mort, abréger ou pas la vie, choisir ou refuser un traitement, mettre fin à la vie, quand on est en soin palliatif ou sous branchement, ne peuvent qu’avoir grand écho dans les oreilles des intéressés qui sont au cœur de cette problématique et dans une société dite encore traditionnelle. Qui décide de quoi ?

« La médecine doit être au service du malade et de la souffrance avant de répondre au désir de performance », nous dit le Pr. Jean Leonetti. « Elle a d’abord pour mission de défendre la vie et sa qualité ». « Triomphante puisqu’elle guérit et sauve, il faut toutefois, qu’elle accepte ses limites et la mort, qu’elle soulage et respecte dans chaque personne son autonomie et sa vulnérabilité, garantes de sa dignité d’où l’importance des soins palliatifs quand la curative s’avère impuissante ».

Trois fondements ont été cités par le professeur Leonetti lors de cette conférence : « On n’abandonne pas un malade inéluctablement condamné à la mort, on lui épargne la souffrance et le prolongement anormal de sa vie dans cette condition ; on améliore surtout sa qualité de vie dans la dignité, l’altérité et la fraternité ; on améliore surtout sa qualité de vie, dans la dignité, l’altérité et la fraternité. »

Afin de bien cerner l’importance d’une telle conférence donnée au Liban, par le Pr. Jean Leonetti, député français et ancien ministre des affaires étrangères et européennes, et ainsi réaffirmer ma reconnaissance et mes remerciements aux organisateurs, notamment Dr. Antoine Maalouf et Dr. Elie Aboud, d’avoir ouvert le débat sur cette question de fin de vie, un retour sur cette loi, la loi Leonetti et ses principes, me paraît indispensable pour nous tous et aussi pour l’ensemble des personnes touchés par cette question.

Connaître cette courageuse et audacieuse loi Leonetti, c’est avant tout accepter d’aborder le thème de la mort même si au quotidien, parce qu’on est en bonne santé, on ne veuille pas y penser, on essaye d’y échapper ou on ne veuille pas prévoir et organiser les modalités de notre fin de vie. Et si cela nous arrivait un jour, ou arriverait à l’un de nos proches ?

La loi Leonetti, votée le 25 avril 2005, relative aux droits des malades et à la fin de vie, pour défendre le droit des malades et la fin de vie, est une loi française adoptée le 12 avril 2005, promulguée le 22 avril 2005. Elle est la seule loi de la Ve République à être votée à l’unanimité. Elle porte le nom du député, Jean Leonetti, qui l’avait proposée au vote du Parlement. En France, « depuis 2005, les décrets d’application, comme celui du 29 janvier 2010 relatif aux conditions de mise en œuvre des décisions de limitation ou d’arrêt de traitement, ont fait évoluer le Code de la Santé publique ». Cette loi, en 15 articles, a donc permis de modifier, plusieurs dispositions du Code de la santé publique et du Code de l’action sociale et des familles.

Elle a pour objectif, le développement des soins palliatifs et éviter les pratiques d’euthanasie ; faire en sorte que la souffrance soit mieux prise en compte sur le plan médical et empêcher l’acharnement thérapeutique et permettre aux patients de choisir un cadre précis et l’arrêt de son traitement si celui-ci est trop lourd ou devenu insupportable ;
faire en sorte que les directives anticipées aient un caractère contraignant plus net qu’aujourd’hui.

Rappel des cinq principes fondamentaux de la loi Leonetti

1- Bénéficier des soins palliatifs dans le but d’apaiser la douleur, d’accompagner le malade et sa famille, durant cette épreuve, et de veiller à ce que la dignité du patient soit préservée durant toute la durée de son traitement. Sont donc prescrites « L’obstination déraisonnable » du corps médical et la « prolongation artificielle de la vie » du patient (articles 1 et 9) même quand le patient est hors d’état d’exprimer sa volonté. Le médecin ne décide plus seul.

2- Exercer son droit à ne pas souffrir : être préservé de la douleur par tous les moyens possibles est un droit essentiel pour le patient en fin de vie. La cessation d’administration d’un traitement, lorsque le prolonger semble relever de « l’obstination déraisonnable » doit être collégiale et ne peut être prise qu’après consultation de la « personne de confiance », de la famille, ou à défaut d’un de ses proches et des « directives anticipées » du patient (articles 1 à 9).

3- Ne pas avoir à subir un acharnement thérapeutique. Ainsi, la volonté du patient de limiter ou de cesser un traitement doit être respectée (articles 5 à 9).

4- Recourir aux directives introduites par la loi Leonetti en 2005 sur le droit à la fin de vie, un moyen supplémentaire pour garantir au patient le contrôle des soins qui lui seront prodigués au cas où sont état ne lui permettrait plus de communiquer. Ces directives permettront au patient d’accepter ou non certains traitements

5- Nommer une personne de confiance. Le patient doit être informé des conséquences de sa décision et l’avis de la « personne de confiance », choisie par le patient pour l’accompagner dans ses démarches et, si le patient le souhaite, dans ses entretiens médicaux, doit être consulté (articles 2, 5, 8 et 9).

« Les professionnels de santé mettent en œuvre tous les moyens à leur disposition pour assurer à chacun une vie digne jusqu’à la mort. Si le médecin constate qu’il ne peut soulager la souffrance d’une personne, en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause, qu’en lui appliquant un traitement qui peut avoir pour effet secondaire d’abréger sa vie, il doit en informer le malade,[…] la personne de confiance […], la famille ou, à défaut, un des proches. » (CSP Article L1110-5).
« Ces actes ne doivent pas être poursuivis par une obstination déraisonnable. Lorsqu’ils apparaissent inutiles, disproportionnés ou n’ayant d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, ils peuvent être suspendus ou ne pas être entrepris. Dans ce cas, le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa vie en dispensant les soins visés à l’article L. 1110-10. » (CSP Article L1110-5).

En dernier, je conclue mon article par cette citation du Pr. Jean Leonetti, ce 12 mai 2018, qui en dit long sur notre manière d’appréhender la mort, cette question si personnelle mais aussi affaire de société :
« La mort médicalisée est une affaire existentielle, impliquant la société […] La mort n’est pas que la fin de la vie. Elle donne du sens à la vie. Un sens que nous n’aurions pas si nous étions immortels » « Fin de vie, « un désespoir plus grand que l’amour de la vie. »

Jinane Chaker-Sultani Milelli  

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