En cette Journée mondiale de la démocratie, le Liban offre un exemple poignant d’un pays où la démocratie, autrefois vivante et dynamique, est aujourd’hui ravagée par des forces souterraines. Les principes de liberté, de justice et de participation citoyenne sont quotidiennement étouffés par des structures de pouvoir parallèles qui ne répondent qu’à leurs propres intérêts. Si la démocratie libanaise est en crise, c’est en grande partie à cause des mafias et de l’État profond, qui ont non seulement capturé les institutions, mais aussi détruit l’économie, effritant ainsi le tissu social.
La capture de l’État par des élites corrompues
Le Liban est devenu le théâtre d’un jeu d’influence où des familles puissantes, des politiciens corrompus et des financiers liés à des milices ont pris en otage les institutions étatiques. Ce “deep state” est un réseau complexe, enraciné dans les sphères économiques et politiques, qui contrôle tout, des nominations gouvernementales aux décisions économiques. Leur pouvoir s’étend bien au-delà des mandats électoraux, défiant toute forme de responsabilité ou de transparence. Sous leur emprise, les lois, les réformes et les ressources publiques sont détournées pour servir des intérêts personnels, laissant les citoyens désemparés face à un État en faillite.
Une économie détruite par des pratiques mafieuses
Le coup le plus dur porté à la démocratie libanaise est sans doute économique. Les pratiques de détournement massif de fonds, les transferts illégaux de capitaux, et l’effondrement bancaire orchestré par des élites financières alliées aux politiciens ont plongé le pays dans un chaos économique sans précédent. Le rôle de la Banque du Liban, sous la direction de figures comme Riad Salamé, en est un exemple flagrant. Des opérations financières complexes, communément appelées “ingénierie financière”, ont siphonné les réserves du pays tout en enrichissant une poignée de banques privées et leurs actionnaires.
Ces opérations ont coûté des milliards de dollars à l’économie libanaise, asséchant les fonds publics et privant la population des services essentiels. Le résultat ? Un chômage galopant, une pauvreté endémique, et un taux d’inflation qui a effacé les économies des citoyens. Tandis que les services de base comme l’électricité, l’eau et les soins de santé s’effondrent, les responsables de cette crise vivent dans l’impunité, protégés par des réseaux mafieux qui infiltrent chaque recoin de l’État.
La destruction du tissu social
Au-delà de l’effondrement économique, ce sont les fondements même de la société libanaise qui ont été érodés. Les mafias, infiltrées dans les secteurs stratégiques comme l’énergie, la télécommunication, et même l’aide humanitaire, ont sapé toute possibilité de reconstruction sociale. Les milices armées, souvent financées par ces mêmes élites, exercent une domination sur certaines régions du pays, empêchant tout redressement économique ou social. Elles perpétuent un cycle de violence et d’injustice qui ne fait qu’exacerber les divisions communautaires.
Cette situation a provoqué une rupture dans la confiance des citoyens envers l’État. Les Libanais, déjà épuisés par les décennies de guerre et de corruption, se voient contraints d’émigrer en masse, vidant le pays de sa jeunesse et de ses talents. Ce phénomène d’exode n’est pas simplement économique ; c’est aussi un désaveu complet des institutions qui, aux mains des mafias, ont trahi les aspirations du peuple à une vie digne et à une démocratie véritable.
La nécessité d’un réveil démocratique
En cette Journée mondiale de la démocratie, le constat est amer : au Liban, la démocratie ne se résume plus qu’à un idéal lointain, contrecarré par des forces mafieuses qui sabotent toute tentative de réforme. Mais il est essentiel de rappeler que la démocratie n’est pas une réalité figée. Elle peut renaître à condition que le peuple reprenne le contrôle de son destin, que les élites corrompues soient écartées, et que des réformes structurelles profondes soient entreprises.
Le Liban ne pourra pas se reconstruire sans une véritable purge de ses institutions et sans la mise en place de mécanismes de reddition de comptes. Cette journée mondiale doit donc être un appel à l’action, une prise de conscience collective que la survie du Liban passe par la lutte contre cet “État profond” qui a dévoré son économie et détruit son tissu social.
Occident : Le populisme à l’assaut des démocraties
En Occident, la montée des extrémismes et du populisme prend également une tournure alarmante, mettant en danger les démocraties bien établies. Aux États-Unis, l’élection présidentielle de 2024 est marquée par le retour en force de Donald Trump, dont les discours populistes et la remise en question des principes démocratiques fondamentaux – tels que la légitimité des élections – continuent de polariser le pays. Cette dynamique menace non seulement la stabilité politique des États-Unis, mais ébranle aussi la confiance mondiale dans les démocraties occidentales.
En France, la montée du Rassemblement National (RN), autrefois marginal, devient un défi de plus en plus sérieux pour la République. Le RN, sous la direction de figures populistes comme Marine Le Pen, a su capter le mécontentement populaire face aux inégalités économiques et aux vagues migratoires, exploitant les peurs et exacerbant les divisions sociales. Ce phénomène, loin d’être isolé, illustre la montée de mouvements populistes en Europe, qui menacent de faire basculer le continent vers des politiques xénophobes et autoritaires.
Une démocratie en péril, partout
Ces dynamiques globales, qu’il s’agisse de la capture de l’État au Liban, de l’extrémisme en Israël ou de la montée des populismes en Occident, révèlent un malaise profond : la démocratie, partout, est menacée par des forces destructrices. Qu’elles soient le fait de mafias locales, de courants ultranationalistes ou de mouvements populistes, ces forces partagent un même objectif : affaiblir les institutions démocratiques pour mieux servir des intérêts particuliers, souvent au détriment des libertés fondamentales.
La Journée mondiale de la démocratie nous rappelle que la démocratie n’est jamais acquise. Elle est fragile et doit être constamment défendue, que ce soit face aux réseaux mafieux qui pillent l’économie du Liban, face à l’extrémisme qui gangrène la région israélo-palestinienne, ou face au populisme qui s’étend en Occident.
L’heure du réveil démocratique
Pour le Liban, comme pour tant d’autres pays, l’heure est à la reconquête des institutions. Il est urgent de démanteler les réseaux mafieux qui paralysent l’État, de restaurer la confiance du peuple dans ses représentants, et de redonner à la société civile un rôle actif dans la reconstruction du pays. Mais cela ne peut se faire sans une lutte acharnée contre la corruption et un engagement clair en faveur des réformes.
À l’échelle mondiale, la montée des extrémismes exige une réponse démocratique forte, ancrée dans les valeurs de justice, d’égalité et de respect des droits humains. La démocratie ne peut survivre que si elle est nourrie par un engagement constant, une vigilance collective et une volonté politique de combattre les dérives autoritaires.
En ce 15 septembre, prenons conscience de la gravité des menaces qui pèsent sur nos démocraties. Car si le Liban, les États-Unis ou la France faiblissent, ce sont les libertés de chacun qui vacilleront avec eux. La démocratie est un bien précieux, mais fragile. Il est temps de la protéger.