Le ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et économique français a publié une mise-à-jour concernant la situation économique du Liban. Il évoque ainsi la poursuite de la récession qui touche le pays des cèdres, contrairement aux déclarations des autorités financières, économiques et monétaires locales qui évoquent au contraire un possible rebond.

Selon le communiqué

L’année 2022 devrait s’inscrire dans la continuité de la dégradation des indicateurs macroéconomiques, en l’absence de mesures structurantes et dans l’attente d’un programme FMI.

Alors que le FMI ne publie plus de prévisions macroéconomiques sur le Liban, la Banque mondiale s’attend à une nouvelle baisse du PIB en termes réels de -6,5% en 2022. Le PIB nominal a été ramené de 52 Md$ en 2019 à 22 Md$ en 2021, et la tendance baissière persiste (14 Md$ attendu en 2022). L’ensemble des déterminants de la croissance (consommation, investissement, dépenses publiques, échanges extérieurs) ont connu une contraction très marquée et le taux de chômage aurait progressé de 11% en 2018 à 30% en 2021 selon les données officielles. La Banque Mondiale classe depuis cette année le Liban dans la catégorie des pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure, avec un revenu national brut (RNB) par habitant de $3450. En matière de risque-pays, le Liban est désormais comparé à des pays tels que le Soudan et la Libye.

L’inflation demeure très élevée, avec un indice des prix à la consommation en hausse de +150% en 2021 en moyenne d’après la Banque mondiale, et une prévision de +120% pour 2022. Selon les données officielles, l’inflation atteignait +162% en septembre en g.a., avec de très fortes hausses sur certains postes (x3,6 pour le transport, x3,8 pour la santé, x4, pour l’énergie et l’eau, x4,3 pour l’alimentaire).

Certains indicateurs microéconomiques semblent néanmoins suggérer une légère amélioration de l’activité. L’indice PMI a atteint 49,1 en mai, son plus haut niveau depuis janvier 2016. Le nombre d’immatriculation de nouveaux véhicules se redresse (mais reste très en-deçà de son niveau d’avant crise). Le secteur du tourisme est en hausse et la saison estivale a eu des retombées positives à court terme.

2/ Les déséquilibres macroéconomiques persistent dans un contexte de baisse des réserves de change.

La politique budgétaire demeure déséquilibrée, dans un contexte d’amoindrissement des recettes et des dépenses de l’État. Selon la Banque mondiale, les recettes représentent seulement 6,3% du PIB en 2021 (contre 13,1% du PIB en 2020), tandis que les dépenses n’atteignent plus que 7,3% du PIB en 2021 (contre 16,4% du PIB en 2020). La dette publique devrait s’élever à 272% du PIB en 2022, après 181% en 2021. Cette hausse est à la fois liée à une augmentation de la valeur de la dette libellée en devises et une forte diminution du PIB. Cette combinaison rend logiquement la dette publique insoutenable.

Le déficit courant reste élevé, s’élevant à -9,3% du PIB en 2020, puis -18,1% du PIB en 2021 et -12,8% du PIB en 2022 d’après la Banque mondiale. En valeur absolue, le déficit courant serait toutefois dans une dynamique de résorption partielle (1,8 Md USD en 2022 contre 11,4 Md USD en 2019). L’arrêt quasi-total d’entrées de capitaux au Liban depuis 2019 et la dégradation des déficits jumeaux a eu des répercussions négatives sur les équilibres extérieurs et sur la balance des paiements du Liban.

La politique de change semble insoutenable à moyen-terme. Alors que le taux officiel demeure fixé à 1507,5 LBP pour 1 USD, le taux sur le marché parallèle atteint 40 000 LBP pour 1 USD au début du mois de novembre 2022. La Banque du Liban continue en outre d’injecter des dollars sur le marché de change de la plateforme Sayrafa, mais ces interventions et leurs effets n’apparaissent pas soutenables, dans la mesure où elles puisent dans des réserves déjà amoindries par les sorties de capitaux et la politique de subvention des taux de change pour les importations entre fin 2019 et mi-2021. Selon les chiffres officiels, les réserves de change de la Banque du Liban auraient diminué de 3,4 Md$ entre octobre 2021 et octobre 2022, pour atteindre 10,3 Md$.

3/ En l’absence de mesures structurantes, les leviers de sortie de crise et d’amélioration de la croissance potentielle sont de plus en plus fragiles.

L’avancement des actions préalables demandées par le FMI dans le cadre de l’accord technique agréé le 7 avril est très limité. Deux obstacles demeurent du fait de fortes oppositions internes : (i) la difficulté à s’accorder sur les différents textes et chantiers ; (ii) le blocage persistant sur la répartition des pertes et une éventuelle compensation des déposants.

Structurellement, les leviers de croissance potentielle se fragilisent rapidement et pourraient obérer une éventuelle reprise économique à moyen-terme. Les infrastructures publiques se détériorent considérablement : aucun investissement public important n’a été réalisé sur le réseau routier depuis 2020, le port de Beyrouth n’a pas encore été entièrement déblayé ni reconstruit, les centrales électriques du Liban sont vétustes et n’ont pas été suffisamment entretenues. Enfin, même si elle est difficile à quantifier en l’absence de données statistiques, la tendance à la hausse de l’émigration (en particulier d’une population a priori jeune et éduquée) constitue une perte de capital humain pour l’économie libanaise.

Source: Ministère français de l’économie et des finances

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