La nouvelle circulaire de la Banque du Liban signée par le gouverneur de l’institution, Riad Salamé, tente à faire croire qu’il s’agit, en fin de compte d’une reconnaissance par la Banque Centrale d’une dévaluation de facto de la Livre Libanaise, chose que les responsables de la politique monétaire étaient en peine d’admettre encore il y a 6 mois quand ils n’évoquaient “que des soucis logistiques” concernant le retrait des devises étrangères.

Ainsi, selon cette nouvelle circulaire, les dépôts en devise étrangère, au-delà de 3 000 USD ou équivalent, peuvent désormais être retirés en totalité selon une parité “du marché”, à savoir selon la nouvelle plateforme mise en place par la BDL, les banques libanaises et le syndicat des agents de change, donc à 2 600 LL/USD. On reste donc loin de la parité de 1 507 LL/USD, toujours officiellement maintenue, on ne sait par quel miracle.

Autre point sur lequel on peut s’interroger: la circulaire de la BDL indique que chaque banque est laissée libre d’appliquer “ses propres mesures et ses propres limites par rapport à ces retraits.

On reste cependant loin de la parité au marché noir, qui est en fin de compte celle qui reflète l’offre et la demande, et qui est de 3 150 LL/USD à l’achat et à 3 250 LL/USD à la vente ce mardi.

De facto, par conséquent, chaque déposant perdrait ainsi 25% de la valeur de ses fonds à chaque retrait, un haircut sans le dire sur les dépôts en devise étrangère qui constituent 77% des dépôts bancaires actuels.

Pourquoi une telle stratégie?

Déjà, depuis quelques semaines, on pouvait se douter que la Banque du Liban allait intervenir pour tenter d’imposer une nouvelle parité à hauteur de 2 600 LL/USD au lieu de 1 507 LL/USD avec comme avantage de diminuer la pression sur la livre libanaise, alors que les banques libanaises peinent toujours à faire face aux demandes de retrait en devises étrangères de la part de leur clientèle.

La première indication est venue d’un projet d’instauration d’une parité à 2 600 LL/USD lors d’une réunion entre banques privée, BDL et changeurs. Cela intervenait alors que les dirigeants de banques libanaises avaient été tenus directement responsables de la mise en place d’un contrôle des capitaux jugés illégal par le système judiciaire. Mais cependant, il est était aussi inconcevable de laisser les banques aller à la faillite puisque la levée du contrôle des capitaux allait provoquer une panique bancaire et non un soft Lansing, avec les conséquences que cela aurait amené.

Cependant, une bouffée d’air qui est insuffisante pour régler le fond de la question

La question de savoir qui sont les bénéficiaires de ces mesures. À priori, les dollars “ainsi récoltés” pourraient bénéficier pour reconstituer les réserves monétaires de la Banque du Liban mais aussi aux banques libanaises, une sorte de haircut déguisé en leur faveur. D’autre part, cela ne résout évidemment pas la problématique de la restructuration du secteur bancaire privé, qui est estimé à plus de 50 milliards de dollars (16 milliards d’annulation de la dette couverte par l’annulation du capital des actionnaires existants et la recapitalisation des banques, induites par la perte de l’argent placé par les établissements privés au sein de la Banque du Liban sous forme de CDC et qui arrivent principalement à échéance en 2023 et 2024 pour un montant important. Ce dernier paramètre doit être à priori couvert par un bail-in ou sinon cela constituera une perte totale avec les risques de faillites d’établissements majeurs.

D’autre part, cela débloque une partie des fonds nécessaires pour donner également une bouffée d’air à l’économie libanaise même si cela est insuffisant, une chose nécessaire non seulement en raison de la crise économique elle-même mais aussi par le lockdown induit par le risque coronavirus.

Aussi, un risque d’augmenter la dévaluation de la livre libanaise en raison du défaut de confiance envers le système financier

Par ailleurs, la première chose que pourraient faire les personnes qui disposeraient ainsi de leurs fonds en livre libanaise serait de se prémunir face à la crainte de voir la livre libanaise être encore plus dévaluée. Ainsi beaucoup pourront alors prendre en compte ce facteur pour changer leurs livres libanaises, reçues en place et lieu des dollars qu’ils possédaient, pour les changer à nouveau en dollars, même à perte. Ce facteur pourrait encore aggraver les tensions monétaires et la dévaluation de la livre face au billet vert.

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