La Vérité si je mens

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Le 26 Août, dans un article consacré au dernier discours du secrétaire général du Hezbollah, le sayyed Hassan Nasrallah, l’Orient-le-jour, titrait : “La libération des militaires otages passera par Damas, lance Nasrallah”. Une manchette mensongère et une déformation flagrante de ses propos, du contenu et du sens de son discours.

Nous ne sommes pas en présence d’une erreur, d’un problème d’interprétation ou de traduction, d’un moment de distraction, d’un manque de concentration ou de compréhension, d’une incapacité intellectuelle ou cognitive, qui dans tous les cas traduisent un manque de professionnalisme. Malheureusement la réalité est bien plus affligeante ; plus que de la démagogie il s’agit bien de désinformation, d’une déformation volontaire, d’une distorsion des mots mais aussi de la pensée de l’intervenant et donc d’une absence abyssale d’éthique, de probité et de sens de responsabilité. Un procédé des plus courants auquel a recours, en toute connaissance de cause, une grande majorité des médias, autant audiovisuels que la presse écrite, qui ne sont, à quelques rares exceptions, que les portes paroles de courants politiques et leurs instruments de propagandes. En fait, ils sont le reflet des mœurs et de la praxis politiques. La liberté d’expression est sacrée de même que celle d’opinion et de pensée mais on ne peut pour autant les confondre avec le devoir d’informer. En aucun cas ces libertés ne légitiment le droit à la désinformation ni n’autorisent la délation et la diffamation. A moins de se proclamer ouvertement et explicitement comme un média satirique qui publie des informations fausses et complètement saugrenues à la manière du “Gorafi”ou d’El Manchar.

Nous oscillons entre la bêtise et la malhonnêteté, la mauvaise foi et le délire. C’est comme si les faits et la réalité n’avaient plus aucune prise sur l’information.

Faisons abstraction un moment du discours de Nasrallah et revenons à la polémique autour du pêché capital de la coordination avec le régime syrien.

A ma connaissance c’est bien l’armée syrienne qui a repris le contrôle de la frontière avec le Liban. C’est aussi avec son accord et sa collaboration que s’est faite l’évacuation des combattants d’Al Nosra suite à l’accord conclu avec le Hezbollah à l’issu la bataille d’Ersal. Un échange qui n’a pas eu lieu au détriment de la souveraineté libanaise et dont la négociation et l’exécution se sont faites sous la supervision de l’Etat dûment représenté en la personne du Général Abbas Ibrahim, directeur de la Sureté Générale qui dispose des prérogatives, des compétences et de toute la qualité officielle et légale qui l’habilite à mener une telle mission.

Toujours à ma connaissance, les terroristes affiliés à Daesh sont pris en étau entre l’armée libanaise d’un côté de la frontière, le Hezbollah et l’armée syrienne de l’autre, encerclés au milieu d’une zone d’opération dont 20 km² sont situés en territoire libanais et 40 km² sur le territoire syrien où seraient détenus les militaires otages.

Que nos irrédentistes “souverainistes” nous expliquent donc par quel tour de magie ou de passe-passe, où et comment, ils proposent d’évacuer les Djihadistes ? par fusée spatiale ? En les catapultant ? par les égouts ? en creusant un tunnel jusqu’à Deir el Zohr? par sous marin à partir du fleuve AL Assi avec escale par l’Atlantide? ou peut être de les envoyer en Israël à partir du sud Liban?

Quand aux militaires retenus en otages, probablement de l’autre côté de la frontière, il est exclu de les confier aux autorités syriennes étant donné que tout contact ou coopération sont à bannir. A qui faut-il alors les remettre dans le cadre d’un éventuel accord ? Al Nosra ? à l’opposition syrienne dite modérée ? les faire transiter par Mars ? peut être devraient-ils accompagner les Jihadistes vers les régions qu’ils occupent encore en Syrie; ces derniers se feront un plaisir de les remettre aux autorités jordaniennes ou Turques.

On veut bien recevoir de l’électricité en provenance de Syrie, y faire transiter des biens et des produits à travers les douanes mais pas nos soldats kidnappés.

Mais peut être que leur sort est secondaire par rapport aux hautes considérations formelles et procédurales des « souverainistes » qui bien entendu ne reculent devant rien et personne pour défendre leurs principes, leurs considérations personnelles et surtout leur point de vue. Et puis il faut bien continuer à donner le change à leurs partisans. Et puis on les a bien laissés croupir trois ans sans intervenir ni donner le feu vert politique pour une intervention militaire.

Nos militaires ne seront plus les otages de vos querelles futiles ; leur vie vaut bien plus que les égos obstinés et la fierté mal placée de tous les dirigeants politiques confondus. Peu importe qui les libère, en espérant qu’ils soient encore vivants, l’Etat et l’armée sont en droit de coopérer et de coordonner avec qui bon leur semble, même avec le diable s’il le faut. D’ailleurs nombreux sont ceux qui n’ont pas hésité par moment de pactiser avec lui.

Camille Najm
Analyste, chercheur, consultant et journaliste politique basé entre Genève et Beyrouth. Auteur d’études, de rapports, d’articles de presse et pour revues spécialisées, d’éditoriaux, de chroniques. D.E.A en Science politique et relations internationales – Université de Genève. Domaines de spécialisation : Les rapports entre la culture, la religion, identité et la politique – Les minorités religieuses, culturelles, ethniques du monde arabe – Les relations islamo-chrétiennes – le christianisme dans le monde arabe – Laïcité, communautarisme et multiculturalisme – Le Vatican – Le système politique libanais, les institutions et la démocratie – De nombreuses problématiques liées au Moyen Orient (Liban, Syrie, conflit israélo-arabe).

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