Dans un entretien accordé à Bassam Abou Zeid sur la chaîne de télévision saoudienne Al-Hadath le 1er décembre 2020, le gouverneur de la Banque du Liban (BDL), Riad Salamé, a été égal à lui-même. 

Il a déclaré que la loi sur le secret bancaire et le Code de la monnaie et du crédit l’empêchent de fournir tous les documents requis dans le cadre de l’audit juri-comptable (« forensic audit ») et qu’il faut donc légiférer, ce que la ministre de la Justice Marie-Claude Najm a contesté le 10 novembre 2020 (elle était l’invitée de Mario Abboud à l’antenne de Sawt Beyrouth International).

Ses propos sont un véritable bras d’honneur au Président de la République Michel Aoun et au Parlement mais surtout au Liban et aux Libanais puisque cet audit juri-comptable est exigé par le Fonds monétaire international (FMI) sans l’aide duquel le pays et sa population sombreront encore plus dans la misère absolue. 

Rappelons que la BDL, l’Association des Banques du Liban (ABL) et la Commission parlementaire des Finances et du Budget, soutenues essentiellement par le Courant du Futur dont le leader (le Premier ministre désigné Saad Hariri) est actionnaire d’une banque (Bankmed), le mouvement Amal du Président du Parlement (Nabih Berri) et le Parti socialiste progressiste (de Walid Joumblatt), sont les principales responsables du retard pris dans les négociations avec le FMI. 

En effet, elles ont toutes fait obstruction au plan du gouvernement (accepté par le FMI) en contestant le montant des pertes du secteur bancaire (le reconnaître signifierait pour les actionnaires des banques devoir comme le prévoit le plan du gouvernement les éponger par un effacement du capital existant – « write-off » – de celles-ci et donc la réduction de leur actionnariat à néant – « wipe-out » –) ou en affirmant comme l’a encore fait Riad Salamé qu’il faut légiférer afin de réaliser l’audit juri-comptable. 

Dans le même temps, aucune loi sur le contrôle des capitaux n’a été adoptée alors que les déposants le subissent de fait, de même qu’une décote (« haircut ») en raison de la dévaluation et une « lirification » (ou « lirafication ») de leurs dépôts en raison de la non-disponibilité de dollars.  

Le 27 novembre 2020, le Parlement avait adopté une résolution dans les termes suivants : « Tous les comptes de la BDL, des ministères, des offices autonomes, des conseils, des caisses, des institutions financières et des municipalités doivent être soumis, en parallèle, à l’audit juri-comptable, sans aucun obstacle ni aucun recours au secret bancaire pour justifier une obstruction ». Si le général Michel Aoun, qui avait envoyé une missive au Parlement, avait alors salué un « véritable exploit » et le chef du Courant patriotique libre (CPL), l’ancien ministre Gébran Bassil un « véritable précédent », un grand nombre de personnes avaient immédiatement relativisé la portée de cette résolution parlementaire visant au redémarrage du contrat avec Alvarez & Marsal pour l’audit juri-comptable de la Banque Centrale. Le député Georges Adwan (vice-président du parti des Forces libanaises) avait néanmoins expliqué que le Parlement peut facilement invoquer cette résolution « pour aller vers le vote d’une loi levant le secret bancaire de façon limitative dans le temps et exclusivement aux fins de l’audit juri-comptable ». 

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