Suite à différentes procédures judiciaires visant les banques libanaises, y compris la Banque du Liban elle-même et leurs dirigeants, le premier ministre Najib Mikati a convoqué le conseil des ministres pour une réunion extraordinaire annoncée hier en présence du président de la république, le général Michel Aoun et du président de la chambre Nabih Berri.

Cette réunion devait initialement se tenir en présence des responsables de l’appareil judiciaire dont le procureur de la république, le juge Ghassan Oweidat, le président du Conseil supérieur de la magistrature, le juge Souhail Abboud, et le président de la Commission d’inspection judiciaire, Berkan Saad. Cependant, ces derniers se sont abstenus de répondre à cette convocation qui se déroule au Grand Sérail et non en présence du président de la république, le général Michel Aoun, au palais présidentiel de Baabda.

Le premier ministre aurait tenté de justifier l’absence de ces derniers, indiquant avoir annulé la convocation du procureur de la république, du président du Conseil supérieur de la magistrature et du président de la Commission d’inspection judicaire suite aux conseils du ministre de la justice, Henry Khoury. En effet, celui-ci estimait dangereux de voir une telle ingérence politique au sein de la justice, notamment alors qu’une partie de l’aide internationale est aussi conditionné à l’arrêt de celle-ci et à la transparence des enquêtes en cours.

Bien que désavoué au final par l’absence des responsables de l’appareil judiciaire, le premier ministre – par ailleurs actionnaire d’une des principales banques du pays et aussi accusé de détournements de fonds pour avoir acheté des biens immobiliers via des fonds à l’origine destinés à des personnes vulnérables – aurait dénoncé, lors de ce conseil des ministres, les mesures selon lui dangereuses “qui affectent le travail judiciaire et le travail des banques” tout en estimant ne pas s’ingérer dans les décisions de justice.

La Banque du Liban et les banques libanaises désormais dans l’oeil de la tempête, 3 ans après le début de l’effondrement financier

Najib Mikati aurait tenté, à plusieurs reprises, de faire dessaisir la procureur du Mont Liban, la juge Ghada Aoun, allant même jusqu’à menacer de démissionner en cas d’inculpation du gouverneur de la Banque du Liban. Ce dernier bénéficierait, outre de l’appui des banques locales, de celles des dirigeants religieux maronites et sunnites.

Pour rappel, Raja Salamé, le propre frère du gouverneur de la Banque du Liban a été appréhendé et se trouve actuellement à la prison de Baabda sur décision de la procureur du Mont Liban, la juge Ghada Aoun et de preuves fournies par les enquêteurs étrangers dans le cadre de l’affaire Forry Associates. Il est soupçonné, ainsi que son frère Riad Salamé et plusieurs dirigeants de banques d’avoir permis de détourner plusieurs centaines de missions de dollars de la Banque du Liban. Au-delà des banques, la question de la responsabilité de leurs actionnaires, dont de nombreux hommes politiques, se pose également alors que ces derniers ont saboté les tentatives de réformes et même de restructuration du système financier jusqu’à présent.

Ce lundi, Riad Salamé, qui bénéficiait jusqu’à présent de protections accordées par le procureur de la république ou encore par le général Imad Othman, commandant des FSI, deux proches comme lui de l’ancien premier ministre Saad Hariri, devrait être à nouveau convoqué, cette fois-ci devant le juge d’instruction Nicolas Mansour. Il avait déjà refusé à 4 reprises de comparaitre devant la procureur du Mont Liban, la juge Ghada Aoun. Cette dernière a déjà mis en examen et gelé les biens de 6 banques et de leurs dirigeants dont ceux de la Bank of Beirut, Salim Sfeir, par ailleurs président de l’Association des Banques du Liban.

Pour sa part, l’ABL a ainsi appelé à une grève générale “d’avertissement” pour les 2 prochains jours ouverts, c’est à dire lundi et mardi.

Par ailleurs, suite aux décisions des juges d’application des peines à Beyrouth et à Tripoli au Nord du Liban avec la mise en scellé des biens de la Fransabank et de la BLOM Bank, les banques craignent désormais une cascade de procès non seulement à l’étranger comme cela était le cas jusqu’à présent avec des décisions en France ou encore en Grande Bretagne ordonnant le versement d’importantes sommes gelées depuis l’imposition d’un contrôle informel des capitaux en novembre 2019, mais également désormais légalement, ce qui conduirait de facto à une panique bancaire et des faillites en cascade. Face à ces menaces, les banques locales estiment que la responsabilité de la crise de ce secteur revient à l’état, à la Banque du Liban, mais également désormais aux déposants s’ils entreprennent de telles actions et estiment devoir arrêter leur activité. Ils menacent ainsi de geler le versement des salaires tant des employés de la fonction publique que privée.

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