Le PIB du Liban passe ainsi de 5 510 USD par habitant en 2020 à seulement 2 640.4 USD par habitant en 2021. Pour rappel, il était de 7 590 USD par habitant en 2018 avant la crise économique.

Au niveau du PIB, le Liban se place ainsi juste en-dessous de l’Iran avec 2 756.7 USD/Habitant en 2020 ou encore la Côte d’Ivoire avec 2 578.8 USD/Habitant en 2021, non loin du Bangladesh avec 2 503 USD par habitant. Devant le pays des cèdres, se trouvent les Philippines (3 548.8 USD/Habitant), la Palestine (3 664 USD/Habitant) ou l’Egypte (3 876.4 USD/Habitant).

Si cette chute ramène le Pays 27 ans en arrière, elle n’est au final pas surprenante au regard des statistiques concernant la récession économique que traverse le pays des cèdres depuis 2019.

Certes, cette chute a été induite par la crise elle-même, avec l’inflation des prix, la perte de valeur de la livre libanaise par rapport aux devises étrangères et la destruction des emplois, le fait que beaucoup de libanais aient eu à quitter le pays et oeuvrent désormais pour des économies étrangères, par la perte de valeur des dépôts, mais aussi par la destruction du secteur financier du pays et l’incapacité des banques à financer les projets du secteur privé.

En effet, le PIB comporte 3 composantes, les dépenses publiques touchées par l’austérité, les investissements privés touchés par l’absence de capitaux disponibles et la consommation touchée par l’inflation.

Les calculs du PNB/habitant confirment cette tendance

Cette information intervient alors qu’un blog de la Banque Mondiale a publié de nouveaux chiffres concernant le PNB du Liban, estimant celui-ci à 3 450 USD en 2021, démontrant que le Liban en fin de compte se vide de ses richesses. Le PNB est aujourd’hui une mesure moins usitée. Cependant, cette publication dénote aussi que le Liban s’appauvrit.

Si le PIB mesure la valeur de tous les biens et services produits dans un pays sur une année, le PNB correspond à la somme des richesses crées par les acteurs économiques localement et à l’étranger avec en moins, les revenus issus des opérateurs étrangers.

En effet, le PNB du Liban était de 5 510 USD par habitant en 2020 et seulement 3 450 USD aujourd’hui, soit une baisse sur une année de 2 060 USD. Si on prend la différence entre PIB/habitant et PNB/Habitant, en 2020, elle est de 610 USD. En 2021, les libanais produisent donc une différence de 900 dollars à l’étranger, un chiffre qui progresse mais toutefois trop lentement puisqu’en parallèle, l’économie libanaise s’est dégradée de 10% en 2021 et de plus de 28% en 2020. On aurait pu s’attendre à une forte hausse au contraire en raison notamment du départ de nombreux libanais à l’étranger. Le fait que cette forte hausse ne se soit pas produite est un sujet d’inquiétude.

L’autre sujet d’inquiétude est qu’il s’agit d’une nouvelle démonstration du recul du Liban puisque cela le place dans la catégorie de la tranche inférieur des pays à revenu intermédiaire selon le classement publié par la Banque Mondiale.

Le résultat d’une mauvaise politique économique basée sur l’endettement et la quasi-absence du secteur bancaire pour le financement des investissements privés

Ce résultat n’est en effet par surprise puisque la croissance libanaise était basée depuis des années sur de la dette avec une balance commerciale structurellement déficitaire depuis des décennies. Les hausses du PIB, la croissance en d’autres termes, était artificiellement générée par plusieurs facteurs sans que des investissements productifs majeurs ne soient effectués. Plus de 40% du budget public allait ainsi dans les salaires des fonctionnaires plus de 50% dans le service de la dette et seulement le reste dans l’investissement public.

L’autre facteur limitant est la corruption qui ravage les administrations publiques, corruption qui constitue un coût d’entrée pour tout nouvel investisseur. Pour rappel, en 2018, un rapport estimait à 5 milliards de dollars soit 10% du PIB de l’époque, le coût de la corruption pour l’économie libanaise.

Côté bancaire, les capitaux des banques étaient eux-même attirés par les forts d’intérêts dans la dette publique qui siphonnaient ainsi, par facilité, tout investissement majeur au niveau des entreprises au lieu de privilégier les secteurs productifs capables d’équilibrer les flux financiers entrants dans le pays par la création de valeur rajoutée et non en faisant appel aux deniers de la diaspora qui représentent 15% du PIB à eux seuls, alors que le pays est un pays importateur pour plus de 70% de ses besoins.

Si le PNB n’augmente pas aussi fortement qu’on pouvait en effet s’y attendre, plusieurs facteurs y contribuent comme le retrait des banques libanaises de l’étranger d’une part mais aussi l’absence de possibilité de financement pour les entreprises libanaises afin de se développer sur le marché externe pour des raisons parfois politiques mais principalement pour des raisons financières et l’incapacité à obtenir des prêts locaux ou encore de banques étrangères en raison de difficultés à présenter des collatéraux suffisants.

Autre sujet d’inquiétude, la déconnexion du système financier local par rapport au système financier international, le fait que les banques refusent d’ouvrir de nouveaux comptes, le fait que les banques sont déficientes ou encore sont considérées comme en faillite par la communauté internationale n’aide pas à la relance de l’économie.

Il est donc nécessaire de restructurer le système financier en toute priorité afin de rétablir la confiance des acteurs internationaux et ainsi rétablir la possibilité d’investissement étrangers, non pas dans de l’immobilier ou d’autres secteurs improductifs comme cela était jusqu’à présent le cas mais dans des secteurs productifs, industriels, New Tech ou autres où les libanais possédaient un savoir-faire qui s’exporte malheureusement aujourd’hui à la plus grande perte de l’économie locale.

En effet, un des autres facteurs de la crise libanaise est en effet induit par ce qu’on désigne en économie comme étant le syndrome hollandais et la destruction des secteurs productifs locaux en raison d’une rente sur l’économie libanaise. Si le secteur bancaire et le secteur public ont pu bénéficier des apports en devises des membres de la diaspora, celle-ci a aussi été destructive d’emplois locaux et donc de la compétitivité de l’économie libanaise et du travailleur libanais.

Le PIB par habitant est donc directement impacté par cet effet pervers qui s’est auto-entretenu par la crise aujourd’hui avec 40% de la population qui désire émigrer sous des cieux plus accueillants. L’hémorragie et l’exode des cerveaux est la première chose à limiter, un rapport de Fitch Solutions notant en 2020 par exemple que des lacunes de compétences pertinentes sur le marché limitaient les capacités de notre économie.

Et les perspectives ne sont guère meilleures

Côté perspectives, désormais les observateurs et les investisseurs restent pessimistes quant à une possible sortie de crise. Il y a un défaut flagrant de confiance envers le secteur bancaire tant que les mêmes acteurs économiques et politiques sont présents – il faut rappeler que 43% des actions des banques appartiennent à des hommes politiques qui bloquent toute restructuration réelle de ce secteur d’activité. Ainsi, les fameux eurobonds du Liban sont passés d’une valeur nominale de 1 USD à seulement 6 cents, soit une dégradation de leur valeur de 94% alors que les négociations avec les créanciers n’ont pas encore même débuté.

Les derniers propos du premier ministre Najib Mikati – actionnaire de banque détenant une part importante d’une des premières banques libanaises -, remettant sur le table la création d’un fonds alimenté par les biens publics est contraire à l’esprit du staff agreement qui a été conclut avec le FMI. Le FMI estime en effet les biens publics comme n’apportant pas assez de profits puisqu’il s’agit avant tout de biens immobiliers dont la valeur est surestimée d’ailleurs comme ceux des biens immobiliers des banques privées libanaises d’une part et d’autre part, cela induit le fait que le temps de recouvrement de la dette déjà estimée à 25 ans passera à une période beaucoup plus longue comme 50 ou 70 ans avec l’incertitude que cela comporte d’une part et d’autre part, la création d’un tel fonds ayant déjà été refusé par l’institution internationale.

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