Certains évoquent le recours à l’Armée Libanaise pour ouvrir les routes. Cela fait plusieurs jours que l’institution militaire tente en effet de permettre la communication entre les différentes régions libanaises dont les principaux axes routiers restent aujourd’hui, ce 11ème jour consécutif tout de même, bloqués par les protestataires qui dénoncent une classe politique corrompue ayant amené le Liban au bord de la faillite, si cela n’est pas déjà le cas.

Il sont ainsi intervenus, il y a quelques jours, à Nahr el Kalb – avec succès -, et avec beaucoup de moins de succès à Zouk-Adonis, Jal el Dib où l’on a tous pu voir des scènes touchantes comme un soldat pleurer ou encore celle d’un militaire retrouvant son propre père sur les barricades, et hier, au Rond Point Chevrolet dans la banlieue de Beyrouth ou à celui d’Okaibe dans le Kesrouan. Ces barrages ont tous été rétablis.

Il faut souligner ici que les forces anti-émeutes des Forces de Sécurité Intérieure (FSI) sont totalement insuffisantes et ne peuvent être partout. Elles sont à l’origine du déblocage du barrage Fouad Chehab hier, mais même celui-ci a été depuis rétabli.

Le principal facteur d’échec est, qu’outre le fait que l’Armée Libanaise est celle d’une Armée populaire, issue du peuple, aimée par ce même peuple, elle ne possède pas de formations pour faire face aux émeutes ou à ce genre de situation. Il s’agit, en effet, selon certaines théories, de canaliser les foules, retarder l’usage de la violence, toujours laisser une porte de sortie aux manifestants.

On a pu ainsi tous voir sur les écrans de télévision, des militaires portant leurs armes de services, c’est-à-dire des mitraillettes de type M16, et non des boucliers ou des matraques. Le risque de bavure est réel. On peut très bien imaginer des tentatives de créer plus de troubles à l’ordre public, comme cela était le cas hier avec la tentative d’un terroriste de semer la haine contre l’Armée Libanaise en tirant sur la foule pour que soit accusé l’institution militaire, ou encore de bavures, heureusement jusqu’à présent évitées, par la panique de soldats s’ils ont l’impression que la foule va se prendre à eux.

Dans d’autres pays, après quelques incidents, notamment en France au XIXème avec l’usage de militaires pour contrôler des émeutes, ont été créées vers la moitié du XXème siècle des unités spécialisées, Groupement Mobile d’Intervention d’abord sous le régime de Vichy puis les fameux CRS au sein de la Police, Compagnies Républicaines de Sécurité, dont le rôle essentiel, aux côtés des unités mobiles de la Gendarmerie qui interviennent dans ce genre de situation.

L’intervention d’une force militaire dans ce type de situation a toujours été une mauvaise option. On se souviendra, à fort propos, qu’en 1993, l’Armée Libanaise avait tiré sur des manifestants, ce qui avait provoqué la chute du gouvernement Omar Karamé I et l’avènement du premier Gouvernement Rafic Hariri dont on paye les erreurs en terme de politique économique avec le placement d’un pays sous triple dépendance de secteurs comme celui BTP, de services financiers et touristiques – dans un environnement géopolitique instable – et monétaires avec la parité entre livre libanaise et dollar qui n’ont jamais été sujet d’arbitrage depuis 25 ans.

La probabilité de la répétition d’un tel scénario pourrait augmenter en cas de recours à la force militaire, c’est-à-dire, celle d’un incident majeur, qui amènera au pire.

En cas d’intervention militaire, il faut donc craindre que la moindre étincelle ne puisse avoir des conséquences encore infiniment plus graves que la situation actuelle et qui sont pour l’heure, incalculables.

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