Le Noël de nos arrières-grands-parents n’a rien à voir avec les festivités et les célébrations que nous manifestons allègrement de nos jours. Ce n’était pas la course aux cadeaux, ni les embouteillages monstres, ni les sapins importés ou artificiels agrémentés de boules et de joujoux en tous genres. Ce n’était ni la dinde, ni la bûche de Noël, ni l’éventail des délices en chocolat. Ce n’était surtout pas le Père Noël. C’était la simplicité, le recueillement, un savoureux festin traditionnel aux couleurs locales, mais surtout la paix et la réconciliation.

Une fête de moindre importance

Il y a une centaine d’années, Noël n’était pas une fête majeure pour la communauté chrétienne. On considérait Pâques comme étant la fête la plus importante, d’ailleurs désignée comme « Eïd el Kbir » (la grande fête), commémorée avec une ribambelle de traditions.

Anis Freyha, dans son recueil sur les traditions du village libanais, précise que Noël ne fait pas partie du cycle des grandes fêtes, et ne se célébrait pas tel qu’il est d’usage dans les pays du Nord. On apprend dans ce recueil écrit dans les années cinquante, que les traditions de Noël adoptées dans les milieux urbains libanais telles que le sapin orné de bougies et de couleurs ainsi que les mets fastueux, sont considérées comme étant importées, selon Freyha, des pays nordiques et germaniques.

Nos grands-parents racontaient qu’en guise de sapin, ils allaient couper une large branche de pin qu’ils décoraient avec des rubans, des bougies, des clémentines, des noix, et des friandises faites maison en tout genre. Ils mettaient des santons en guise de crèche, devant laquelle ils posaient des soucoupes de pousses de graines de blé qu’ils avaient pris le soin de préparer trois semaines à l’avance, le jour de la fête de la Sainte Barbe.

Traditions culinaires

Dans les villages, les enfants attendaient impatiemment le succulent repas préparé par la mère ou la grand-mère pour le soir de Noël. Les villageois, aux revenus plutôt modestes, étaient habitués à manger occasionnellement de la viande, leurs mets quotidiens étant pour la plupart végétariens. Le jour de Noël constituait une occasion de cuisiner avec de la viande :un coq ou une poule farcie, une côte de bœuf, un collier de bœuf farci, du kebbé au four ou bien des Fouérigh ou boyaux farcis.  

Pour ce qui est du dessert, on célébrait la naissance du Christ en préparant un dessert local à la cannelle : le Meghli. Ce dessert est un mélange bouilli de riz, d’eau, du sucre, de la cannelle, de l’anis et du cumin. Il est confectionné en l’honneur d’un enfant nouvellement né. Ce geste de préparer cette douceur également pour la naissance du Christ est là pour confirmer que le Fils de Dieu a bel et bien pris chair et a vécu parmi nous comme n’importe quel autre enfant nouveau-né.

Les parents offraient aux enfants des confiseries, des fruits confits, des noix et des amandes, ainsi que des oranges, le fruit juteux de la saison. Dans les villages on n’offrait pas des cadeaux, cette tradition importée de l’Occident était plutôt courante au début du siècle dernier dans les milieux urbains.

Un temps pour le recueillement et la réconciliation

Noël, c’était surtout la messe de minuit. Les jeunes se dépêchaient pour arriver à l’église et sonner la cloche au rythme de joie – de quatre temps – afin d’appeler les fidèles à la messe. Dans certains villages, on se réunissait devant l’église autour d’un feu que l’on remuait avec des bâtons de bois pour produire des étincelles qui s’élevaient dans le ciel obscur, pour symboliser la lumière de l’étoile qui luisait pour la naissance de l’Emmanuel.

Mais c’était surtout une occasion pour les villageois de faire la paix, de pardonner ou se faire pardonner en cas de différends entre eux, parce que l’esprit de Noël, pour nos ancêtres il y a cent ans dans les bourgades libanaises, c’était avant tout le pardon, la réconciliation et la paix dans les cœurs.

Tout en vous souhaitant cher(e)s lectrices et lecteurs, un Joyeux Noël et de la Paix dans notre pays, dans nos foyers et dans nos cœurs.

Marie Josée Rizkallah
Marie-Josée Rizkallah est une artiste libanaise originaire de Deir-el-Qamar. Versée dans le domaine de l’écriture depuis l’enfance, elle est l’auteur de trois recueils de poèmes et possède des écrits dans plusieurs ouvrages collectifs ainsi que dans la presse nationale et internationale. Écrivain bénévole sur le média citoyen Libnanews depuis 2006, dont elle est également cofondatrice, profondément engagée dans la sauvegarde du patrimoine libanais et dans la promotion de l'identité et de l’héritage culturel du Liban, elle a fondé l'association I.C.H.T.A.R. (Identité.Culture.Histoire.Traditions.Arts.Racines) pour le Patrimoine Libanais dont elle est actuellement présidente. Elle défend également des causes nationales qui lui touchent au cœur, loin des équations politiques étriquées. Marie-Josée est également artiste peintre et iconographe de profession, et donne des cours et des conférences sur l'Histoire et la Théologie de l'Icône ainsi que l'Expression artistique. Pour plus de détails, visitez son site: mariejoseerizkallah.com son blog: mjliban.wordpress.com et la page FB d'ICHTAR : https://www.facebook.com/I.C.H.T.A.R.lb/

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