Le 21 décembre 2020, les députés ont adopté une loi qui suspend dans son intégralité l’application de la loi de 1956 sur le secret bancaire ainsi que l’article 151 du code de la monnaie et du crédit pour les comptes de la Banque du Liban (BDL) et ceux des institutions publiques détenus à la Banque Centrale. Cette loi fait par ailleurs référence à la déclaration du Parlement du 27 novembre dernier en faveur de l’audit juri-comptable (« forensic audit » ou encore « audit pénal ») puisqu’elle vise à le faciliter : « Tous les comptes de la BDL, des ministères, des offices autonomes, des conseils, des caisses, des institutions financières et des municipalités doivent être soumis, en parallèle, à l’audit juri-comptable, sans aucun obstacle ni aucun recours au secret bancaire pour justifier une obstruction. »

Faisant référence aux raisons évoquées jusque-là par Riad Salamé le gouverneur de la Banque Centrale pour ne pas transmettre les documents et les informations nécessaires à la réalisation de l’audit juri-comptable, la ministre sortante de la Justice Marie-Claude Najm a estimé sur son compte Twitter que « tous les prétextes sont tombés » et a invité « la BDL à remettre au ministère des Finances tous les documents requis ». 

Malheureusement, le Parlement a réalisé un tour de passe-passe puisque la nouvelle loi contrairement à la loi du 28 mai 2020 (autorisant la levée du secret bancaire dans le cadre d’affaires de corruption, de blanchiment d’argent, de financement des campagnes électorales ou de financement du terrorisme) ne concerne pas les comptes de personnes ayant un rapport avec l’argent public comme les concessionnaires de travaux et services publics et les comptes de personnes impliquées dans la vie publique, élues ou nommées (les ministres, les députés, les fonctionnaires, les candidats aux élections législatives et municipales, les chefs de municipalité, les juges, les officiers, les conseillers) ou encore les présidents de conseils d’administration des médias, ainsi que leurs conjoints et leurs enfants. 

Ajoutons toutefois qu’à la demande du Président du Parlement Nabih Berri la loi du 28 mai ne peut pas être activée par la justice mais par une commission nationale pour la lutte anticorruption, qui n’existe pas, et à la commission spéciale d’investigation de la Banque Centrale (SIC), qui possède déjà cette prérogative depuis plusieurs années mais qui ne l’a pas utilisé malgré le transfert de milliards de dollars à l’étranger en 2019 et 2020. 

Le Parlement a donc bien voté une loi le 28 mai et une nouvelle loi le 21 décembre sur la levée du secret bancaire mais la première empêche la justice d’agir (de toute manière le Parlement n’a toujours pas voté la loi séparant le pouvoir politique et le pouvoir judiciaire – notamment le pouvoir judiciaire pénal contrôlé par le procureur général près la Cour de cassation, Ghassan Oueidat, proche de Saad Hariri, le Premier ministre désigné – ce qui rend improbable l’ouverture d’enquêtes judiciaires) et la seconde empêche l’auditeur juri-comptable de remonter jusqu’aux comptes des auteurs et des bénéficiaires de crimes financiers : corruption, malversation, détournements de fonds, blanchiment, etc. 

Un commentaire?