Le Libanais aujourd’hui vit l’un des moments les plus difficiles de son histoire: où passera-t-il ses vacances de Noël si les gilets jaunes ne dégagent pas des Champs Élysées? Qu’arrivera-t-il à Chanel? Louis Vuitton? Hermès et les autres? Est-ce que l’Amorino de Rome sera-t-il aussi bon que celui de Paris?

Rares sont les moments où les libanais ont eu plus sombre moral. Pour une fois, l’hominide libanais a d’autres soucis que le conflit Irano-Saoudien, la politique de Donald Trump et l’origine du hommos-pois-chiche. Il faut dire que le Libanais se sent plus chez lui au XVIe, à Ryad ou à Tehran, qu’à Beyrouth. Pourtant, Beyrouth est la seule ville où il jette ses Kleenex parfumés au H1N1 par la fenêtre de sa voiture.

Et tout ça tombe pile poil le mois du Koullouna. Heureusement que les trois quarts de nos politiciens assis dans les tribunes portent fièrement, dans la poche intérieure de leur veste, le passeport français. Sinon, on se serait senti un peu mal de fêter l’indépendance au lieu de la solidarité, vu les circonstances.

On était tellement pris par le Koullouna et les gilets jaunes, qu’on n’a pas vu passer le dernier épisode de “la guerre des beaufs”. En effet, un beau matin, le Ministre-Député Bassil a demandé aux députés du Kesrouan (comprendre “son beauf”), de placer une stelle à Nahr el Kalb pour commémorer le départ des touristes syriens de 2005. La nouvelle n’avait même pas atterri dans l’oreille du beauf, que le député Jamil el Sayyed a expliqué en termes très clairs à G.B. que s’il pouvait faire la fête les 13 Octobre, il devait attendre les calendes grecques avant de fêter le 30 Avril.

C’était pas gentil…

Il faut dire que, malgré les millions qu’ils n’ont pas et qu’ils se sont promis de dépenser pour Noël, l’esprit des fêtes ne réchauffe pas le coeur de nos politiciens et, à défaut de penser à l’avenir, ils refont le passé: efface Bechara el Khoury et Riad el Solh de ton livre d’histoire, le député Nawaf el Moussawi a décidé que le vrai héros de l’indépendance est Adham Khanjar, un résistant libanais pro-syrien. Evidemment, le concept n’a pas été adopté à l’unanimité mais, soyons positifs: depuis le temps que les étudiants se plaignent du programme, il serait peut-être temps de réinventer l’Histoire. Même qu’on pourrait demander à chaque étudiant de s’inventer sa propre version et d’avoir ainsi un 20/20.

Comme il se sentait un peu oublié surtout qu’il est un des rares de la bande à ne pas avoir été promu député, l’ex-Ministre Wiam Wahhab a lancé ses troupes dans la gueule du Joumblat. On aimerait bien savoir par qui, pour qui et pourquoi est mort son garde du corps.

Ca t’en met un coup de pessimisme? “Ne t’en fait pas”, dit le mandat qui vient de fêter ses deux ans de miracles, car, à un sunnite près, le nouveau gouvernement qui est presque exactement le même que celui qui gère le Liban depuis dix ans, va combattre la corruption, assurer l’eau et l’électricité, arrêter de dévaster montagnes et forêts, stopper le projet des incinérateurs, renflouer les caisses de l’Etat et rendre les gens riches, heureux et en bonne santé, contrairement à ce que suggère le ministre des finances qui affirme qu’il n’y a plus que des billets de Monopoly dans la caisse.

Pour accélérer la formation du gouvernement et sauver le pays, le patriarche Raï a proposé un nombre réduit de ministres technocrates non partisans. Comme beaucoup, il ne réalise pas que la formation du gouvernement dépends de calculs complexes relevant de sciences occultes et modernes comme la physique quantique et la théorie du E8. D’ailleurs nos grands mathématiciens, Saad, Bassil, et leurs frennemis sont versés depuis huit mois dans des calculs d’intégrales avec des nombres imaginaires qui tendent vers l’infini.

Oui, à l’aube de 2019, tous les indices sont au rouge, la corruption, la mauvaise gouvernance, la liberté, l’émigration, et les autres. Tout le monde réalise que ça va très mal. Koullouna? Non, car une bande de d’irréductibles zaïmistes résiste encore et toujours à l’envie de sauver ce qui reste du pays…

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