La belle et les édentés

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Au temps des tablettes de Moïse, on pensait que le set minimal de commandements était de dix. Avec le temps, ton zaïm les a réduites à deux: tu croiras ton zaïm sans réfléchir et crèveras heureux, dans la misère, pour lui.

Il n’y a que miss Liban qui ne dois retenir qu’une seule règle dans sa vie: tu ne prendras pas de selfie avec Miss Israël. Et, pourtant, ça ne rate pas. Tu l’envoie en mission “Georgina Rizk 2.0”, et le lendemain, sa photo avec la feuj fait le tour du web et tu la ramènes dans la soute à bagages.

Nous en sommes déjà à trois miss tombées dans le même piège. La dernière en lice a même dépassé tous les records d’excuses débiles en prétextant qu’elle s’était trompée parce qu’elle pensait que “Palestine” s’écrivait avec un “r”.

Pourtant, comme à chaque fois que tu te dis que “ça y est, tu as vu le fond de la caisse et que tu peux enfin décerner le prix de la connerie à quelqu’un”, il y a un truc plus fort qui te remets ton compteur à zéro.

Le 31 octobre, anniversaire du tiers du «mandat», j’avais comme le profond espoir niais, que la pudeur l’emporterait et, à défaut de voir nos zaïms s’excuser pour nos malheurs et s’auto-pendre sur la place publique, ils observeraient un jour de silence. Que nenni! Le hashtag de l’occasion a fait le tour de twitter arrosé de salamalecs et de prosternations verbales devant les victoires et les succès du régime.

J’ai alors pris mon mal en patience et décidé de revoir l’interview du Président sur YouTube. Le tout a commencé par une pub dont la morale était que la dé-corruption commence par soi. Un peu comme un cauchemar vegan où tu disais aux vaches que si elles arrêtaient de tuer, le monde deviendrait le paradis des vaches. Comble de l’ironie, dans la pub, “le jeune Marwan qui dévoile la corruption où qu’elle soit” ne se fait pas arroser ou remettre au pas parce qu’il est descendu à la manif se plaindre des odeurs de poubelle ou a exprimé le fond de sa pensée sur Facebook. Drôle de pays où c’est au peuple de combattre la corruption, pas aux ministres.

Mais, comme on le disait plus haut, les voies de la bêtise sont incommensurables et infinies: pour la vidéo de l’opinion du peuple de la rue, l’enthousiasme était à son comble et, à quelques cheveux blonds près, tu te serais demandé si l’interview ne se passait pas en Norvège. Seul bémol, c’est que la plupart de ces gens heureux qui louaient le pays et la situation, n’avaient pas de quoi se payer de nouvelles dents…

Entre la belle, les édentés et le sunnite manquant du gouvernement, j’ai décidé de me priver de télé, ne serait-ce que pour mon hygiène dentaire.

Nasri Messarra
Nasri Messarra est maître de conférences et docteur en gestion, spécialisé dans la communication et les stratégies du marketing viral sur Internet et sur les réseaux sociaux en ligne. Il joue le rôle de consultant auprès de plusieurs entreprises, organisations et individus (personal branding) depuis 1994.

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