La révolution est juste et ils sont despotiques. La révolution appelle au renouveau et ils vivent d’obscurantisme. Elle exige la transparence et ils sont cyniques. Elle demande la justice et ce sont des brigands. Elle aspire à la démocratie et ils ont impunément vandalisé toutes les ressources du pays.

Cela devrait nous suffire pour comprendre qu’ils ne partiront jamais d’eux-mêmes.

Mais, à la base, comment se fait-il qu’ils soient au pouvoir alors qu’ils ne devraient pas y être ? Comment avons-nous fait pour les supporter depuis si longtemps ?

La classe politique dans son écrasante majorité est endurcie, avide, enracinée dans le déni, incapable, hypocrite, impitoyable, au point qu’elle reste sourde à la vérité scandée par le peuple.

Mais pourquoi bon Dieu sont-ils encore là ? Comment en est-on arrivé à cette absurdité ?

La réponse est aussi simple que douloureuse : ils sont là parce que nous les avons mis là.

Nous en sommes arrivés là parce que nous les avons acceptés, toutes ces années durant.

Nous les avons même voulus car cela servait nos intérêts à court terme.

Nous les avons trop longtemps considérés comme un moindre mal, leur laissant toute la labilité de devenir le mal absolu.

Nous les avons trop longtemps adoubé comme étant les protecteurs de nos groupes confessionnels, communautaires ou clanique, leur laissant tout le loisir de disposer de nos destins, de nos richesses, et maintenant de nos vies.

Nous avons été si dociles, si complices, si serviles, qu’ils n’arrivent toujours pas à croire que l’on puisse nous rebeller contre eux, et ils continuent, sans vergogne, dans leurs pratiques illégales et criminelles.

Ils sont l’incarnation monstrueuse de nos propres turpitudes.

Voilà pourquoi ils résistent si fortement, et voilà pourquoi c’est à nous d’abattre l’hydre que nous avons nous-mêmes nourrie.

Nous les avons mis là.

Maintenant que nous sommes sortis de notre torpeur, c’est à nous de les déloger.

Nous avons compris que nous subissons tous les mêmes calamités : l’injustice, le clientélisme, les pratiques mafieuses, l’humiliation, la subordination, la misère.

Nous avons compris que nous partageons tous le même ciel, nous nous réchauffons sous le même soleil et nous admirons la même nature

Nous respirons le même air, et nous voulons avoir un travail digne et une vie de famille sereine, heureuse et paisible.

Nous voulons vieillir en voyant nos enfants grandir et nos petits-enfants éclore sur une terre fertile.

Nous, c’est les Libanais, de toutes les confessions et eux ce sont les corrompus de toutes les confessions.

Elle est là désormais la nouvelle ligne de démarcation, elle n’est pas confessionnelle, elle est existentielle.

Elle sépare la corruption de la nation.

C’est ce combat-là qui est engagé.

C’est ce combat que la conscience de notre société, et spécialement de notre jeunesse, est entrain d’assumer.

La génération qui a connu la guerre a tout accepté des anciens chefs de guerre, devenus chefs de partis politiques, par crainte de la reprise des conflits et dans le seul espoir de préserver la paix.

Privée elle-même de jeunesse du fait des années de guerre, elle a élevé ses enfants dans une totale liberté d’esprit et une grande ouverture sur le monde.

Ce réflexe de survie par le don de soi a été salvateur via la génération qui a suivi.

Car voilà que nos enfants nous disent ce qu’il faut faire. Ils déterrent notre espoir, depuis si longtemps enseveli.

Ils nous rappellent à nous-mêmes en nous rappelant que le pouvoir est en nos mains. Ils nous demandent d’agir conformément à l’éducation que nous leur avons donnée.

Ils veulent reprendre en mains un pays que nous leur avons appris à aimer, afin qu’ils puissent continuer à y vivre.

Le combat ne s’arrêtera pas là, il est de ceux qui forgent l’histoire d’une nation.

Notre jeunesse a tous les moyens physiques, psychiques, intellectuels, spirituels, techniques, sociaux et médiatiques pour remporter le combat.

La résilience de ceux qui luttent bénévolement pour la liberté dans la dignité est une arme d’une redoutable efficacité. Elle est à la source d’une force insoupçonnée, y compris pour ceux qui la détiennent. Elle les affermira de jour en jour, quand les mercenaires et les achetés d’en face fondront comme neige au soleil.

Nos hommes, dits politiques, devraient se repentir tant qu’il est encore temps, du moins pour les cas non désespérés.

Tout ministre, tout élu, toute personne qui occupe un poste de pouvoir ou une responsabilité publique, et à qui il reste une forme de lucidité, devrait sérieusement songer à dénoncer le pouvoir en place et à se rallier ouvertement à la révolution.

C’est uniquement en venant en aide à la révolution, par des déclarations claires et des actions fortes, qu’ils pourront démontrer l’authenticité de leur démarche et la véracité de leur conversion.

Sinon, ils seront emportés avec les autres.

Car le cri de la colère est lancé et il ne s’arrêtera pas.

Un jour viendra, où ce cri résonnera si fort que ces hommes, dits politiques, l’entendront jusque dans les tanières des pays lointains où ils se seront terrés.

Mario Abinader
Médecin-cardiologue, exerçant en France depuis 1995, Mario Abinader est viscéralement attaché au Liban, sa terre d’origine. Avec le recul que confère l’expatriation, il a écrit des articles relatant la métamorphose sociale et politique du pays. Il est également l’auteur d’un recueil de poèmes. Il a été ordonné diacre orthodoxe.

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