Toujours pas de Président de la République pour le Liban

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Depuis le 25 mai 2014, date de la fin du mandat présidentiel de Michel Sleiman, le Liban connaît la plus longue période de vacance présidentielle depuis son indépendance en 1943. Quarante-deux tentatives n’ont pas permis l’élection d’un nouveau président de la République.

Pour élire le chef de l’Etat, la Constitution libanaise exige un quorum de 86 députés sur 128, ou une majorité absolue de 64 députés. Quant au Pacte National, qui répartit le pouvoir entre les différentes communautés religieuses, il précise que le président de la République doit être absolument chrétien de confession maronite. Le Liban vit actuellement une période compliquée de son histoire moderne. Les libanais évoluent dans un contexte politique régional très tendu, avec une guerre interminable en Syrie voisine, et un flux de réfugiés sans précédent.

Les chrétiens du Liban, à l’exemple des autres chrétiens au Moyen-Orient, se sentent actuellement en danger. De ce fait les élections présidentielles constituent pour eux un enjeu politique majeur. Hiam, jeune libanaise appartenant au Courant patriotique libre affirme que : « L’arrivée d’un président fort comme le Général Michel Aoun favoriserait au moins un redressement moral et psychologique des chrétiens libanais ». Tandis qu’Elie aussi chrétien proche de la coalition dite du 14 mars pense que : « Le Général Aoun n’a que des ambitions personnelles, mais actuellement il y a un consensus autour de sa personne ». Toutefois, l’élections du Général Michel Aoun à la présidence de la République n’améliorera pas les choses du jour au lendemain. Malgré le consensus apparent sur la personne du Général ce dernier va-t-il être réellement élue ? C’est dans cela que demeure la question que beaucoup des libanais se pose ? Mais, une chose est sûre : les chrétiens du Liban ne souhaitent pas voir la présidence de la République leur échapper.

Le feuilleton des élections présidentielles libanaises devient de plus en plus complexe avec la candidature de l’ancien ministre Sleimane Frangié. Ce dernier est un allié de longue date du Général Michel Aoun, faisant partie de son bloc parlementaire « Réforme et Changement ». Carole, militante du parti Marada présidé par Sleiman Frangiè, trouve une cohérence dans la candidature de ce dernier à la présidence de la République, de par sa forte popularité notamment dans le nord du Liban ainsi que son héritage politique. Mais nombreux sont les chrétiens qui trouvent dans la candidature de l’ancien ministre une trahison envers le Général puisque lui-même réfutait dans un passé proche l’idée de se présenter comme candidat tant qu’Aoun est dans la course.

Après avoir amadouer Michel Aoun, Saad Hariri, président du parti Futur fidèle allié à l’Arabie Saoudite et considéré comme son premier relais au Liban, a courtisé Sleiman Frangié afin que ses parrains saoudiens puissent à travers son parti influencer le processus présidentiel au Liban. En définitif, Michel Aoun n’est pas un candidat du système tandis que Sleiman Frangiè a été à plusieurs reprises depuis la fin de la guerre au Liban ministre, notamment sous la gouvernance de Hariri-père assassiné en 2005.

Aucune donne politique garantie que toutes les solutions vont être trouvées lorsque le président de la Républiques sera élu. Les accords de Taëf  de 1989 ont enlevé une grande partie des prérogatives au président de la République libanaise, le seul chrétien sur les 22 pays de la Ligue arabe, au profit du premier ministre sunnite de confession. Néanmoins, pour beaucoup de chrétiens du Pays des Cèdres, la présidence de la République conditionne en partie leur participation à la vie politique libanaise.

 Tandis que les deux anciens alliés Aoun et Frangié s’affrontent, un autre leader chrétien, Samir Geagea chefs des Forces libanaises longtemps opposé à l’un comme à l’autre, soutient désormais depuis le 18 janvier 2016 la candidature du général Aoun à la présidence de la République. Il y a aujourd’hui au Liban une opportunité d’avoir un candidat de la coalition dite du 8 mars dont le Hezbollah et plusieurs forces d’oppositions font partie. Mais à force d’opposition inutiles des deux candidats cités, cette occasion pourrait s’envoler à jamais. Une question qui mérite d’être posée est pourquoi Sleiman Frangié allié du Général Aoun lui livre ce duel, tandis qu’il prône les mêmes idées que le Général, défendant le même projet politique ?

Il est regrettable que les discussions menées en ce moment par les différentes forces politiques aient lieu sur la personne du prochain président et non pas sur son programme. Le processus politique est erroné du moment que les partis s’accordent sur le nom d’un candidat et vont ensuite au parlement pour l’élire. Mais ce n’est pas la seule entorse que les politiciens libanais font à la Démocratie. Le peuple libanais demeure sans voix, il n’a pas son mot à dire dans l’élection de son président, malgré les suggestions faites par nombreux responsables politiques, afin de prendre en compte la volonté du peuple en organisant un référendum populaire, où chrétiens et musulmans choisiraient un président parmi les candidats chrétiens, respectant le Pacte national, cité plus haut. Cette idée nouvelle et unique dans son genre a été désavouée en premier lieu par des hommes politiques chrétiens. Une autre théorie aussi contestée par un bon nombre de responsables politiques libanais est le fait d’organiser des élections législatives, afin que le peuple choisisse ses représentants et ces derniers élisent un président. Les enjeux d’une telle proposition sont multiples. Les mêmes politiciens craignant le suffrage universel multiconfessionnel contestent l’idée des élections législatives puisqu’elles ne servent ni leurs intérêts, ni celles de leurs parrains au Liban. Le refus d’organiser des élections législatives signifie qu’une partie des politiciens libanais redoutent la volonté du peuple, ne souhaitent pas entendre ce qu’il a à dire. L’inquiétude des chrétiens au Liban résulte de ces manœuvres malsaines qui pour beaucoup d’entre eux n’ont qu’un but, les mettre sous tutelle en influençant d’une façon et d’une autre l’élection d’un président de la République faible et sans appui populaire.

Enfin, le manque de capacité du parlement libanais à élire un président révèle la décomposition des institutions politiques libanaises. Les chrétiens libanais espèrent beaucoup du prochain président de la République, qui tarde à être élu.


  1.  Le Pacte National permet une répartition confessionnelle de l’exécutif.
  2.  Environ deux millions de réfugiés syriens sur quatre millions d’autochtones sur un territoire de 10 000 km2
  3.  La prochaine séance d’élections aura lieu le lundi 8 août.
  4.  Le grand père de l’ancien ministre fut président de la République de 1970 à 1976.
  5.  Extrait d’un entretien télévisé de l’ancien ministre Sleiman Frangié avec le journaliste Jean Aziz sur la chaîne OTV affirmant qu’il ne présentera pas sa candidature à l’élection présidentielle tant que Michel Aoun est candidat et encore moins contre lui. Extrait en arabe posté sur You Tube le 02 février 2016 https://www.youtube.com/watch?v=j35ciE4rKDE&feature=share
  6.  Il convient de préciser que M. Hariri est actuellement en faillite financière, d’où vient aussi son insistance à trouver un candidat à la présidentielle qui accepterait de faire de lui un premier ministre une fois élu. Le blocage du processus électoral de la part de Saad Hariri laisse le doute que cela concerne d’avantage sa personne que l’élection en elle-même.
  7.  Cet accord a été signé le 22 octobre 1989, par les députés libanais à Taëf en Arabie-Saoudite mettant terme à 20 ans de guerre.
  8.  Cette proposition a été émise à une époque par Sayyed Hassan Nasrallah secrétaire général du Hezbollah. 

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