Le Liban s’est doté le 10 septembre d’un nouveau gouvernement mené par Najib Mikati qui a réussi à former une nouvelle équipe, 10 mois après la démission du gouvernement Hassan Diab et alors qu’il affronte une crise économique d’une ampleur du-jamais vu dans son histoire, jusqu’à être considérée comme étant l’une des 3 pires crises financières depuis 1850 dans le monde.

En cause, l’effondrement du système financier qui a montré des signes de faiblesses depuis quelques années. En mai 2019, les libanais ont du déjà subir une première crise de liquidité en dollars, quand les stations essence ne disposaient plus de stocks suffisants. Dès lors, un marché noir s’est mis en place pour se procurer des devises étrangères indispensables pour financer les importations.

Cependant, cette crise a été induite par un décalage entre valeur nominale de la livre libanaise et valeur réelle de la monnaie locale. Cette différence a encore été accentuée par l’augmentation des salaires dans la fonction publique décidée par le gouvernement Mikati II et au sein du secteur privé par le gouvernent Tamam Salam.

Ainsi, la correction a été sévère, avec une dégradation brutale et incontrôlée de la parité de la livre libanaise face au dollar. Aujourd’hui, la livre libanaise a perdu 90% de sa valeur par rapport au billet vert, amenant à une perte importante du pouvoir d’achat. Le salaire de base de représente plus que 30 USD par mois et le salaire médian 100 USD par mois, amenant 82% de la population à vivre désormais sous le seuil de pauvreté.

Par ailleurs, les prix ont parallèlement augmentés de 557% concernant la nourriture depuis octobre 2019, indique un rapport de la Banque Mondiale. Pour autant et malgré cette hausse, les produits essentiels comme les carburants, la nourriture ou encore les médicaments manquent désormais.

La levée prochaines des subventions ne devrait ainsi pas arranger les choses, surtout que désormais la majeure partie de la population vit désormais sous le seuil de pauvreté comme déjà signalé.

Par ailleurs, le Liban est désormais, depuis avril 2020 en état de défaut de paiement, les autorités locales ayant jugé être incapables désormais d’assurer le paiement de l’importante dette publique qui atteindrait près de 100 milliards de dollars désormais.

Si le secteur bancaire était déjà considéré comme insolvable depuis l’instauration d’un contrôle informel des capitaux en novembre 2019, la déclaration de défaut de l’état a amené la population à prendre conscience de l’état de faiblesse de ce secteur. La politique de la Banque du Liban avec les fameuses circulaires 154 ont mis en place une décote de 80% des comptes en dollars entérinant de facto une politique qui consiste à mettre sur le dos des déposants les pertes de ce secteur au lieu de les répartir entre actionnaires, état et déposants.

L’une des principales tâches de ce gouvernement sera d’ailleurs de relancer les négociations avec le Fonds Monétaire International en vue de permettre le déblocage d’une aide de la communauté internationale. Cependant, la nomination du directeur des opérations de la Banque du Liban Youssef Khalil, à l’origine de cette politique monétaire n’est pas un élément qui pourrait amener à instaurer la confiance auprès des institutions internationales qui l’ont fortement critiqué déjà pour ses ingénieries financières menées entre 2016 et 2018.

Cette nomination laisse d’ailleurs certains à décrire ce gouvernement Mikati III comme étant celui des banques et non celui de l’intérêt des déposants ou encore de la population.

Et la route est encore longue. Après le FMI, il s’agira également de négocier avec les créanciers détenant la dette libanaise et certains fonds vautours détiennent des parts suffisantes pour complexifier les négociations au point de les faire échouer en dépit d’un soutien du FMI

Enfin, responsable de la Banque du Liban, il fait également face au dilemme posé par l’audit juricomptable des comptes de la Banque du Liban menée par le cabinet Alvarez & Marsal. Celui-ci pourrait révéler d’importantes anomalies au niveau des comptes de la banque centrale. Le gouverneur de la Banque du Liban Riad Salamé pourra disposer désormais d’une personne ayant un parti-pris puisque également impliqué et donc d’un allié de poids pour réfuter les pertes de la Banque du Liban, estimées à 63 milliards de dollars par le FMI en raison de mesures comptables consistant à effacer les pertes de la BdL par des profits fiduciaires.

Enfin, Youssef Khalil est tout de même responsable de la forte hausse de la masse monétaire au titre des responsabilités de son poste précédent. Cette hausse a également contribué de manière importante à la dégradation de la livre libanaise.

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