Charbel Nahas

Le secrétaire général du Mouvement “Citoyens et Citoyennes dans un Etat”, économiste et ancien ministre Charbel Nahas, a répondu depuis la place des martyrs, au discours du secrétaire général du Hezbollah Sayyed Hassan Nasrallah en l’invitant à davantage de lucidité en ce moment d’éveil du peuple. Pour Nahas, cette révolution entreprise par le peuple libanais depuis le 17 octobre est un moment béni, qui permettra aux Libanais d’aboutir à un pouvoir légitime, qui se traduit par un gouvernement de transition disposant de prérogatives exceptionnelles. Voici la traduction de son discours initialement prononcé en arabe :

C’est un moment de clarté, alors soyons clairs,

Aujourd’hui, nous sommes témoin au Liban de la simultanéité de deux évènements sans précédents. Une crise financière atroce qui touche toute la société, présageant d’énormes catastrophes sur les plans social et sécuritaire, ainsi qu’un relâchement sans précédent des loyautés confessionnelles, faisant en sorte que des centaines de milliers de Libanais sont descendus dans la rue, non seulement à Beyrouth, mais aussi et surtout, dans toutes les régions libanaises.

Ces deux évènements ne sont pas séparés, en dépit du fait que le comportement des différents composants au pouvoir à leur égard fait preuve d’un manque de discernement quant à la capacité de les lier entre eux. Ainsi, le résultat devient une cause, et la cause une circonstance fortuite, sans fondement ni cause et forcément sans responsabilité aucune envers sur ce qui est déjà advenu et notamment sur ce qui risque d’advenir.

Nous avons abordé précédemment les apparitions télévisées du Premier ministre et du Président de la République ; hier, le secrétaire général du Hezbollah a fait son apparition pour la deuxième fois consécutive en une semaine. Même s’il n’occupe pas un poste officiel dans la composante formelle de l’Etat libanais, son impact sur la scène politique libanaise n’est un secret pour personne. Ainsi il est indispensable de discuter ses lectures et ses prises de positions.

Le discours du Sayyed Nasrallah prend comme point de départ une lecture avançant que l’évènement majeur est la descente du peuple dans la rue ; et par conséquent, il cherche à examiner comment gérer cet évènement avec ses points forts et ses points de faiblesse, et de ce fait, par ce qu’il présente comme défis et opportunités ; il aboutit aux mêmes conclusions en tant qu’issues de sortie à cette situation, les mêmes promues par le président Michel Aoun et le président du Conseil des ministres Saad Hariri, bien que soutenu par une meilleure crédibilité de la part du peuple, résultant du cumul des exploits opérés par son parti, à savoir la résistance, la libération, la dissuasion face à l’ennemi israélien.

Notre mouvement « Citoyens et Citoyennes dans un Etat » est en désaccord avec les principes et la prise de position du Sayyed Nasrallah par rapport aux circonstances actuelles que nous vivons aujourd’hui au Liban, et par conséquent, il est naturel que nos conclusions diffèrent.

Le peuple est descendu dans la rue à cause de la crise financière qu’il a commencé à subir, que ce soit à cause des crédits dus aux banques, aux jougs énormes pesant sur la vie des gens en raison du tandem Livre/Dollar et l’existence de deux taux de change sur le marché, aux restrictions sur les retraits et les transferts, et enfin aux faillites des petites et des grandes entreprises, etc.

Ceci est une donnée politique, loin d’être d’ordre technique ou économique séparé de la politique, parce que la politique est la gestion des affaires du peuple en tant que société et non en tant qu’individus, dans toutes ces facettes ; ce qui était remarquable dans le discours du Sayyed Nasrallah, c’était de faire en sorte d’assurer que la dimension politique soit sujette à suspicion.

Si ce qu’il veut dire par politique c’est la relation entre les partis du pouvoir sectaire avec ce qu’elle comprend comme alliances, oppositions, et rationnements, au sein du système politique qui a gouverné le Liban depuis trente ans, eh bien ce n’est pas cela la politique ; c’est un système de répartitions de bénéfices et d’inquiétudes imposant des revenus extérieurs continus. Or ce système a expiré non pas grâce à ceux qui s’y opposent, ni à la descente du peuple dans la rue, mais en raison d’une cause objective qui est le tarissement de ses sources d’approvisionnement. C’est la raison de la crise actuelle dans ses deux volets, financier et revendicateur.

La principale préoccupation exprimée par Nasrallah est la peur du vide, il est impossible pour toute personne sensée ou pour tout responsable que son programme soit l’instauration du vide.

Le projet politique que propose le mouvement de « Citoyens et Citoyennes dans un Etat » est l’antonyme du vide et du chaos. Il n’est certainement pas le projet idéal que prédilectionnent les puissances au pouvoir aujourd’hui, mais il est le seul projet possible qui protège tout le monde, et ce tout le monde c’est la société libanaise.

Nous n’en sommes pas au stade du choix, mais au stade de la répartition des pertes et de la limitation de leurs conséquences.

Un gouvernement pour gérer la période de transition, avec des pouvoirs législatifs, pour une durée suffisamment longue pour mener à bien cette mission mais à la fois limitée afin d’être capable de renouveler la légitimité constitutionnelle, constitue la solution.

Nous ne banalisons pas les dernières décisions du Conseil des ministres, ou ce qui fut intitulé une feuille de route réformatrice, nous avons lu ce qui n’est pas convaincant et nous l’avons décrit tel qu’il est.

Les places et les routes appartiennent au peuple, lorsqu’il décidera d’ouvrir ou de bloquer quelques-unes ou leur totalité, ceci est sa décision Nous sommes une petite communauté, nous nous connaissons suffisamment ; les dangers résultant d’ingérences internes ou externes sont perpétuellement présents, et deviennent particulièrement manifestes lorsque les présomptions deviennent un pari perdu. Nous sommes bien conscients des percées pernicieuses dans notre société, mais la responsabilité de couper court à ces percées suspectes ne peut pas tomber exclusivement sur ceux qui tentent avec toutes leurs dispositions limitées de protéger cette société. La responsabilité est commune, surtout avec ceux qui, dictés par leur nature confessionnelle, s’imposent, en partant d’une bonne intention, des alliances captivantes, alors que son compte est la libération et son grand titre est l’affranchissement.

Le discours de tout leader confessionnel y compris Sayyed Nasrallah, destiné à son milieu ou son public, est délibérément ou involontairement une confrontation à un milieu et un public différent. Notre milieu et notre public dans le mouvement « Citoyens et Citoyennes dans un Etat » est constitué de toute la société libanaise, et nous sommes responsables de cette société et de sa protection surtout lorsqu’elle est férocement ciblée à l’intérieur ou à l’extérieur. Cette responsabilité s’amplifie lorsque le ciblage s’amplifie, envers ceux qui sont visés premièrement en tant que libanais, comme tous les libanais et les libanaises, et deuxièmement parce qu’ils ont été sélectionnés par les puissances externes afin de les séparer du reste des libanais.

Face à tous nos problèmes internes et à tous les défis et les dangers externes : l’Etat laïc est la solution.

Charbel Nahas,

Secrétaire Général du Mouvement « Citoyens et Citoyennes dans un Etat »

Marie Josée Rizkallah
Marie-Josée Rizkallah est une artiste libanaise originaire de Deir-el-Qamar. Versée dans le domaine de l’écriture depuis l’enfance, elle est l’auteur de trois recueils de poèmes et possède des écrits dans plusieurs ouvrages collectifs ainsi que dans la presse nationale et internationale. Écrivain bénévole sur le média citoyen Libnanews depuis 2006, dont elle est également cofondatrice, profondément engagée dans la sauvegarde du patrimoine libanais et dans la promotion de l'identité et de l’héritage culturel du Liban, elle a fondé l'association I.C.H.T.A.R. (Identité.Culture.Histoire.Traditions.Arts.Racines) pour le Patrimoine Libanais dont elle est actuellement présidente. Elle défend également des causes nationales qui lui touchent au cœur, loin des équations politiques étriquées. Marie-Josée est également artiste peintre et iconographe de profession, et donne des cours et des conférences sur l'Histoire et la Théologie de l'Icône ainsi que l'Expression artistique. Pour plus de détails, visitez son site: mariejoseerizkallah.com son blog: mjliban.wordpress.com et la page FB d'ICHTAR : https://www.facebook.com/I.C.H.T.A.R.lb/

1 COMMENTAIRE

  1. Bravo monsieur NAHAS pour cette lettre en réponse au discours du chef spirituel chiite . Le Liban appartient à tous ses enfants de toute couleur ,confession , appartenance politique etc…. et il n’est pas du droit des chefs politiques ou spirituels de dicter leur volonté à tout un peuple .
    Voilà une voix différente , responsable et consciente de la gravité du problème national qui se lève pour manifester l’existence d’autres communautés à appartenances diverses .
    La solution d’un pays laïc est profitable à tous les citoyens sans aucune différence , ni privilège pour les uns ou les autres . Il faut croire que les chefs ont peur de perdre leur “aura ” en libérant le choix de tout un chacun pour la foi comme pour l’appartenance politique . La diversité est la richesse d’une nation , à condition que nous soyons tous sous la même bannière .
    Vive le Liban libre et maître de son peuple .

    Commentaire d’un émigré depuis plus de 50 ans

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