L’association française « Patrimoine-Tripoli-Liban » (PTL), en collaboration avec Mr. Dominique DE LEGGE, Sénateur et Président du groupe interparlementaire d’amitié France-Liban, a organisé,le jeudi 16 mai 2019, un colloque intitulé « Le rôle du patrimoine dans le renforcement de la citoyenneté » au Sénat dans la Salle Clémenceau. De nombreux spécialistes du patrimoine du Liban et de France y ont participé en présence de nombreuses personnalités, notamment des membres du groupe interparlementaire d’amitié France-Liban au Sénat, des ambassadeurs arabes et des représentants de l’UNESCO.

Mme Joumana CHAHAL TIMERY,Présidente de l’association PTL, a pris la parole pour prononcer un mot de bienvenue et expliquer les enjeux de ce colloque dans une situation géopolitique extrêmement compliquée, et des changements démographiques importants au Liban et dans la région mettant le patrimoine en danger ainsi que sa politique de préservation. 

En effet, Mme CHAHAL TIMERY a présenté les dix années de recherches dans le domaine du patrimoine que l’association a effectué à Paris en vue de trouver des moyens de sauvegarde du patrimoine de Tripoli et a donné la ligne directrice du travail de l’association « Patrimoine-Tripoli-Liban », évoquant ainsi le lien qui existe entre l’éducation au patrimoine et sa préservation, à travers la sensibilisation de la population et la mise en valeur du patrimoine. Elle a insisté sur les relations qui existent entre la France, pays pionnier en matière de préservation du patrimoine, et l’important patrimoine libanais. Elle a enfin considéré que le Liban est l’un des pays où il y a le plus de concentration de patrimoine au Moyen-Orient proportionnellement à sa taille, et que les libanais doivent être fiers de la richesse de leur patrimoine et doivent s’unir pour le mettre en valeur, s’en occuper et le protéger.

Ensuite, le Sénateur Mr. Dominique DE LEGGE, a prononcé le mot d’ouverture du colloque souhaitant la bienvenue à tout le monde en insistant sur l’intérêt qu’a la France pour le Liban. Apres avoir brossé un rapide tableau de la situation géopolitique du Liban, il a assuré de la confiance qu’il accorde au pays des Cèdres pour surmonter les problèmes et les conflits, qui le minent et qui l’entourent au vue de la situation actuelle au Moyen-Orient. Il a affirmé aussi qu’il est convaincu que les libanais sont désormais déterminés à reconstruire leur pays. Il a insisté sur le rôle du patrimoine dans la construction de la citoyenneté. 

La première séance « L’adaptation du projet éducatif à Tripoli et le Nord du Liban, et ses résultats », modérée par le journaliste et l’écrivain Mr. Walid CHMAÏT recevait les intervenants suivants : Mme Joumana CHAHAL TIMERY Présidente de PTL, Mr. Henri SIMON Président de l’association Patrimoine sans frontières, Mme Colette SABA-TOUZAIN chercheuse dans le patrimoine, et M. Mazen HAIDAR architecte du patrimoine et chercheur. 

Pour sa part, Mme Joumana CHAHAL TIMERY a parlé du programme éducatif « Tourathi Tourathak© », élaboré par PTL en collaboration avec Patrimoine sans frontières. Il vise à sensibiliser les jeunes, en milieu scolaire, au patrimoine et à sa préservation. Ce programme est incorporé dans les cursus des programmes scolaires, depuis déjà quatre ans, grâce à la collaboration du Ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur au Liban notamment Mr. Fady YARAK, le Directeur général du Ministère libanais de l’Education nationale, et est appliqué dans toutes des écoles publiques de Tripoli et ce depuis 2015.Mme CHAHAL TIMERY a montré aux participants les images du travail fourni dans les quatre ans dans le cadre du programme éducatif « Tourathi Tourathak© » dont l’objectif est la sensibilisation de la population au patrimoine en milieu scolaire et son entourage. Elle a ensuite expliqué qu’au vue du succès de cette expérience, l’association « Patrimoine-Tripoli-Liban » s’est lancée dans un projet culturel portant le même titre et visant à mettre en valeur le patrimoine découvert par les élèves et qui a donné naissance à des journées tripolitaines, annuelles, du patrimoine JDP, qui consistent à valoriser un lieu patrimonial et le faire connaitre tout en organisant des visites touristiques guidées et gratuites et différentes manifestations culturelles autour. Ce projet a été étendu à toute la région Liban Nord en 2018-2019 et les « Journées du patrimoine » ayant été fixées cette année par le Ministère de l’Éducation les 7, 8 et 9 juin. 

Ensuite, Mr. SIMON a évoqué le projet éducatif mis en œuvre par son association Patrimoine sans frontières dans plusieurs villes européennes telle que la région des Balkans, qui a vécu des guerres et la plupart de ses éléments patrimoniaux ont été détruits ; ce qui a poussé l’association à créer ce projet éducatif qui a connu un succès remarquable dans toutes les villes où il a été appliqué. Il a également félicité l’association « Patrimoine -Tripoli -Liban » qui a su jouer un rôle important dans la sensibilisation au patrimoine et a réussi son application sous le nom de « Tourathi Tourathak© » au Liban. 

Puis Mme SABA-TOUZAIN a parlé du rôle des institutions liées au patrimoine au Liban. Son intervention intitulée « Le Patrimoine entre vénération et absence de considération » a consisté à évaluer le travail fourni dans le domaine de la préservation du patrimoine par ces institutions ainsi que celui des ONG peu nombreuses au Liban, détaillant ainsi les avantages et les inconvénients de chaque méthode. 

Et Mr. HAIDAR, quant à lui, a montré à travers des images poignantes les nouvelles clés de la lecture du patrimoine du XXIe siècle au Liban tout en sensibilisant à l’importance de sa sauvegarde pour préparer l’avenir.

Après une courte pause, la deuxième séance intitulée « Le rôle du patrimoine dans le renforcement du sentiment de citoyenneté » a démarré avec la participation de Mr. Bahjat RIZK écrivain et attaché culturel de la Délégation du Liban à l’UNESCO, Mme Sophie CLUZAN archéologue et conservatrice générale du patrimoine au département des Antiquités orientales du Musée du Louvre et Mme Dominique FORT-SCHNEIDER Secrétaire Générale d’ICOMOS France. Cette deuxième table ronde a été dirigée par Mr. François ZABBAL historien et directeur de la revue Qantara, revue de l’Institut du monde arabe. 

Mr. RIZK, dans son intervention « Le Rapport du culturel et du politique », a souligné l’importance de l’éducation et de la culture dans la documentation de la citoyenneté. Il a affirmé que la création d’un patrimoine partagé est le projet idéal pour donner à l’être humain sa dignité et ses droits complets qui le protègent des transgressions idéologiques et confessionnelles qui se passent pendant les crises. Pour Mr. RIZK, le patrimoine vise à structurer l’identité particulière d’une catégorie donnée et à valider sa légitimité à travers une lecture objective de l’histoire. Et il considère la  citoyenneté comme un processus philosophique et politique lié aux changements culturels et économiques.

Quant à Mme CLUZAN, dont le sujet était « Un autre regard sur les fondements de la nation libanaise : le patrimoine en jeu », a brièvement abordé l’histoire de la région et du Liban. Elle a décrit sa situation actuelle comme un pays  qui vit une période difficile, et dont la mémoire collective, la richesse et la diversité culturelle sont menacées malgré les programmes préparés sur certains aspects du patrimoine culturel libanais. Mme CLUZAN considère qu’il y a un certain retard dans la prise de conscience de la réalité de la nature commune de la propriété du patrimoine. Selon elle, ce retard revient à plusieurs raisons comme la situation politique du pays depuis l’indépendance, la guerre qui a éclaté en 1975, les difficultés et les obstacles rencontrés sur les niveaux local, régional ou religieux, l’existence des complications au sein de la communauté ou entre ses membres et la différence de leurs intérêts, sans oublier le rejet du triste passé, qui peut être appelé le recours collectif à l’oubli. Pour cette raison, elle appelle la communauté libanaise à entreprendre une mission d’introspection afin de trouver des solutions convenables pour surmonter les étapes difficiles.

MmeFORT-SCHNEIDER, quant à elle, a parlé de la symbolique de la reconstruction dans la société. Ainsi, après avoir donné des informations sur son institution, qui vise à protéger, préserver, utiliser et mettre en valeur les monuments archéologiques, elle a affirmé que lorsque nous parlons de patrimoine, nous parlons d’homme… Il est impossible qu’une personne ne ressente pas une certaine tristesse quand un site patrimonial important est démoli, a-t-elle dit. Elle a donné à titre d’exemple la cathédrale Notre-Dame de Paris, dans laquelle un incendie a éclaté récemment, ce qui a touché, attristé et ému des gens de toutes les religions et de toutes les croyances. La perte d’un site patrimonial est aussi la perte de la culture d’un pays, d’une nation et d’un peuple. C’est pourquoi,  la reconstruction de l’édifice démoli est considérée comme un nouveau départ ou transformation, et cette transformation devient une responsabilité envers les générations futures dans la mesure où elle leur permet de reconnaitre ce passé.

Enfin, Mme Bariza KHIARI, ancienne vice-présidente du Sénat, vice-présidente du Conseil de fondation de l’Alliance pour la réhabilitation du patrimoine dans les zones de conflits (ALIPH), et Présidente de l’institut des cultures de l’islam de Paris a prononcé le mot de clôture. Elle a salué la qualité des interventions du colloque, qui lui ont fourni des informations intéressantes sur le patrimoine. Après avoir parlé de ses expériences réussies dans la préservation de quelques sites ayant été démolis suite aux conflits du Moyen Orient (Palmyre et Moussol), elle a présenté le Conseil créé récemment suite à la demande du Président de la République Emmanuel Macron, afin d’aider les régions qui ont vécu des guerres et des conflits  dans la reconstruction de leur patrimoine démoli. Mme KHIARI a ensuite invité les institutions qui souhaitent réhabiliter des sites patrimoniaux ayant été détruits par les conflits à se manifester. 

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