Est consterné devant les insoutenables images de l’évacuation forcée de l’avant poste illégal d’Amona, face au désespoir des pauvres colons brutalisés, leurs cris et leurs larmes, et qui défendent “leurs terres”, attribués par décret divin, avec une violence qui ferait rougir les forces de l’ordre …

Dans la foulée, les réactions effarouchées de l’extrême droite israélienne ne se sont pas faites attendre. Le député de HaBayit HaYehudi, Bezalel Smotrich a comparé l’évacuation d’Amona au viol d’une femme. Quant au ministre de l’éducation, Naftali Bennett, il a réclamé rien moins que l’annexion pure et simple de toute la Cisjordanie, appelant les habitants d’Amona des « Héros » et saluant leur détermination à rester sur leur colline « vertueuse ».

Amona est le plus large des 100 avants postes non autorisés érigés en Cisjordanie et qui sont en général tolérés par le gouvernement israélien. Il s’agit d’une colonie dite « sauvage » c’est à dire illégale même au regard du droit israélien. Cependant, l’ONU et une grande partie de la communauté internationale ne font pas de distinction et considèrent toutes les implantations israéliennes dans les territoires palestiniens occupés comme illégales.

Construite dans les années 90 sur une colline qui surplombe une vallée et des villages palestiniens cette colonie fait l’objet depuis longtemps d’un psychodrame interminable en Israël et d’une bataille juridique et politique acharnée. Pendant onze ans, cette communauté située à 35 kilomètres de Jérusalem, en territoire palestinien, “a incarné le symbole de la résistance de droite”, selon le Jérusalem Post. Son évacuation a été l’occasion d’une nouvelle mise en scène risible mise en place par le gouvernement. Mis en demeure d’appliquer l’évacuation décidé par la cour suprême il y a plus de deux ans le gouvernement après maintes tergiversations n’avait d’autre choix que de s’exécuter avant le 8 Février.

Cette expulsion n’est qu’un écran de fumé, une goutte d’eau dans la mer et l’occasion d’une nouvelle diversion. En effet dans la nuit du 1 février, au moment où se scellait le sort d’Amona, Benjamin Netanyahu et son ministre de la défense, Avigdor Lieberman, ont donné leur feu vert à la construction de 3000 nouvelles unités de logements en Judée – Samarie, nom donné par Israël à la Cisjordanie occupée, et qu’elle ne considère désormais que comme territoire « disputé ». Cette décision ressemble par ailleurs à un gage de plus donné aux colons et leurs partisans à un moment où le gouvernement n’avait plus d’autre choix que d’appliquer l’arrêté de la justice israélienne Il s’agit de la 4ème annonce du genre depuis l’investiture de Donald Trump il y a moins de deux semaines et ce en dépit de l’adoption de la résolution 2334 du Conseil de sécurité qui condamne sans appel ni équivoque les colonies et exige l’«arrêt immédiat et complet des activités israéliennes de colonisation dans les territoires palestiniens occupés», y compris Jérusalem-Est

Le communiqué du ministère de la défense, qui a juridiction sur les territoires occupés, énumère les colonies dans lesquelles la construction a été approuvée :

Alfei Menashe, 700 habitations ; Oranit, 200 ; Nofim, 50; Beit Arye, 650; Efrat, 30; Nokdim, 150; Givat Ze’ev, 150; Shavei Shomron, 70; Karnei Shomron, 100; Shilo, 100; Metzudot Yehuda, 100; Kfar Eldad, 80; Beitar Illit, 650.

Parallèlement, depuis le 20 janvier, Israël a donné son feu vert définitif à la construction de 566 logements dans trois quartiers de colonisation de Jérusalem-Est occupée et annexée, et annoncé la construction de 2.502 logements en Cisjordanie.

Jeudi 26 janvier, la municipalité israélienne de Jérusalem a donné son accord final à 153 nouvelles unités d’habitation, gelées selon elle sous les pressions de l’administration Obama.

Depuis l’avènement de Donald Trump, qui aux dires de Netanyahu représente « une chance formidable » après « les pressions énormes » de l’administration Obama, les autorités israéliennes se sont départies de leur relative retenue observée lors des dernières semaines de la présidence Obama sur leurs activités de colonisation.

“Nous construisons et nous continuerons à construire”, a promis le Premier ministre Benjamin Netanyahu. “Nous entrons dans une période nouvelle de retour à la normale en Cisjordanie et nous apportons la réponse qui convient aux besoins quotidiens de la population”, a déclaré dans le communiqué le ministre israélien de la Défense.

Pour couronner le tout, la semaine prochaine doit se tenir à la Knesset un vote sur un projet de « légalisation » d’un nouveau lot d’avants postes illégaux construits sur des terres palestiniennes privées.

Il n’en demeure pas moins que l’enthousiasme trop prononcé et l’assurance arrogante affichée de la droite israélienne risquent de mettre le nouveau président américain dans l’embarras. D’ores et déjà certains espoirs, dont celui du transfert de l’ambassade américaine à Jérusalem ainsi que la nomination de certaines figures pro israéliennes au sein de la nouvelle administration, semblent s’évanouir. Le 2 Février, la Maison Blanche est sortie pour la première fois de son silence et a annoncé son opposition à la construction de nouvelles habitations dans les territoires palestiniens :

“Si nous ne pensons pas que l’existence de colonies est un obstacle à la paix, la construction de nouvelles colonies ou l’expansion de celles existantes au-delà de leurs frontières actuelles pourrait ne pas aider à atteindre cet objectif.”

Si cette annonce constitue une surprise et une déception pour certains membres de la droite israélienne elle ne représente qu’un revirement relatif qui comporte sont lot de bonnes nouvelles pour la droite. En effet, et c’est là le plus grave, elle indique clairement, en rupture avec les administrations précédentes, que les colonies ne sont pas en elles-mêmes un obstacle à la paix.  Quant à la formulation « au delà de leurs frontières actuelles » elle renvoie à la position de l’Administration de Georges W. Bush en 2004 et qui considère qu’il serait irréaliste de s’attendre à ce qu’Israël restitue les colonies majeures dans le cadre d’un accord final, tout en sous entendant l’éventualité en contrepartie d’un échange mutuel de territoires.

Camille Najm
Analyste, chercheur, consultant et journaliste politique basé entre Genève et Beyrouth. Auteur d’études, de rapports, d’articles de presse et pour revues spécialisées, d’éditoriaux, de chroniques. D.E.A en Science politique et relations internationales – Université de Genève. Domaines de spécialisation : Les rapports entre la culture, la religion, identité et la politique – Les minorités religieuses, culturelles, ethniques du monde arabe – Les relations islamo-chrétiennes – le christianisme dans le monde arabe – Laïcité, communautarisme et multiculturalisme – Le Vatican – Le système politique libanais, les institutions et la démocratie – De nombreuses problématiques liées au Moyen Orient (Liban, Syrie, conflit israélo-arabe).

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