Depuis que le Président Aoun a annoncé que nous allions en enfer, je ne peux m’empêcher de penser que le Aounisme politique n’est finalement que l’incarnation – volontaire ou involontaire, mais fatale – du dicton “le chemin de l’enfer est pavé de bonnes intentions”.

La déclaration d’intention du parlement quant à l’audit juri-comptable vient ajouter une goutte d’eau au vase depuis longtemps débordé de promesses vaines pour confirmer que la descente aux enfers se poursuivra, de bataille don-quichottesque en bataille don-quichottesque, tant que les mêmes sont au pouvoir.

Pourtant, peut-on blâmer des courtisans et courtisanes qui sont convaincus qu’avoir de l’eau courante un camion-citerne sur deux, de l’électricité 18h sur 24 les jours saints, des carrières sur le littoral, un Internet à peine plus rapide que la poste, de la pollution en mer et en l’air, qui doivent travailler jusqu’à leur dernier jour ou mourir dans la misère, faire les 35 heures mais 2 fois par semaine, subir un haircut financier à partir des jambes, c’est “vivre trop bien”?

Peut-on aussi, blâmer les mobilettards à qui on a offert emploi et sécurité dans l’administration publique et un ticket vers le paradis en première, ou qu’on a décomplexé en les mettant au-dessus de la constitution et de toutes les règles et les lois? S’il faut blâmer quelqu’un, c’est bien ces sloganneurs du dimanche de la société incivile qui ont fait leurs études en Angleterre ou en Europe et qui se croient en Suisse. Par exemple, et par pitié, qu’on m’explique c’est quoi l’ensemble mathématique des “Kellon ya3ni kellon”*? Parce que, plus j’écoute ces gens-là, plus je réalise que kellon, c’est “tous sauf moi”.

Que reproche-t-on à Samy Gemayel? un héritage politique lourd? A Neemat Frem? D’être un homme d’affaires? A بولا يعقوبيان Paula Yacoubian? A Camille AbouSleiman – كميل أبو سليمان? Et, est-ce que Ziyad Baroud, Demianos Kattar et Charbel Nahas, en tant qu’ex-ministres, affiliés ou pas, font partie du Kellon ?En fait, en écoutant mes amis, je réalise que le Kellon, c’est « tous sauf moi et sauf les armes illégales». Pourtant, les spectateurs en boucle de « Winter on Fire » ont oublié que la révolution du 18 octobre a commencé avec les mobilettards du 17 qui sont descendus montrer au gouvernement qu’il aurait à choisir entre la résistance (le Liban-résistant) et les sanctions américaines, arabes et européennes (le Liban-message).

Ceux-là même qui ont dit, à force de baston, à partir du 25 octobre 2019, que le gouvernement Hariri ne chutera pas et qui le ramènent aujourd’hui avec la même bande au pouvoir.

Rien de ce qui arrive aujourd’hui n’a pas fait l’objet d’alertes répétées depuis la fin des années 1980, mais surtout en 2005, 2006 (en caractères gras), 2018 (en caractères encore plus gras), et depuis le 18 octobre. Le 17 octobre n’est pas le début de la révolution mais le passage du Liban-Message au Liban-Résistant. “Un pays ne meurt pas quand il est occupé, c’est quand sa culture meurt qu’il meurt vraiment” aurait dit mon ami Alexandre Najjar.

Faut-il désespérer ? Le Liban se remettra même si les dégâts faits à l’écologie, à l’économie, à l’infrastructure, à la société, à la justice, à la fonction, au patrimoine, et surtout à la culture, depuis une dizaine d’années, et surtout depuis le passage de la troïka et de l’accord quadripartite, au clan des 6, n’ont jamais atteint ce niveau de décadence.

Même si la pratique prouve le contraire, en théorie, le temps rend plus intelligent et le fait qu’on entend de moins en moins le crépitement des Kalashnikov lorsque tes zaïms prêchent la bonne parole, prouve l’une de deux choses : soit ton zaïm n’a plus beaucoup de cartouches, soit son audimat a chuté plus bas que celui de Télé-Liban et ses sbires regardent Netflix pendant qu’il nous éclaire de sa savante sagesse.

Comme beaucoup l’ont annoncé avant la crise financière, le système n’est pas « maintenable » (sustainable) et l’équilibre fragile des dinosaures ne tiendra pas le coup face au réchauffement politiquo-climatique et les microscopiques virus que sont les idées transmises sur le réseau mondial de la génération Z.Ce pays en a connu bien d’autres et personne n’aurait parié sur le départ des 30 mille soldats de l’armée syrienne en 2005, ni au désarmement de la Résistance Libanaise qui avait tenu tête à cette même armée syrienne pendant une décennie et demie, à 10 contre un.

Surtout, même s’il a été ralenti par la crise du COVID, le monde évolue aujourd’hui à la vitesse de l’Internet. L’avenir n’est plus à ceux qui savent attendre, mais aux jeunes. L’intelligence artificielle remplacera lentement la bêtise naturelle et, lorsque les robots feront la sélection surnaturelle, il y a fort à parier que les zaïms au pouvoir, certains tribuns de la société incivile, et les tenants de la masturbation intellectuelle (stérile – faut-il le préciser), seront éliminés à la naissance.Gardons espoir.

* Tous sans exception

Un commentaire?