Quand tenter l’impossible si ce n’est au moment où cet impossible devient l’unique issue ? Quand oser franchir le pas de l’engagement citoyen, si ce n’est lorsque ce pas devient une nécessité vitale ?

Des jours, des mois, des années, puis des décennies, le libanais a supporté. Des jours, des mois, des années, puis des décennies, ce triste bougre a laissé faire. Il a supporté l’humiliation, affronté le mépris, vécu l’inimaginable, l’ignominieux, et le scandaleux. Mais il a laissé faire. Il a vu la corruption ronger ses institutions, le clientélisme tuer sa croissance, le communautarisme achever sa démocratie. Mais il a laissé faire. Les députés sans élection ont gelé la vie institutionnelle de son pays. Les politiques sans politique l’ont trainé dans la boue. La poubelle s’est entassée sur ses rues nauséabondes. Mais il a laissé faire. Il est au fond des abysses mais il creuse encore, même qu’à ce rythme-là il devrait avoir atteint le pétrole des profondeurs. Mais il est là, il regarde, se plaint, se goinfre de bons mets orientaux, s’enivre à l’arak, et oublie tout ce qui l’entoure. Il ne sent plus les odeurs à mourir debout, ne voit plus les paysages défigurés, ne pense plus au temps perdu, ne rêve plus d’un avenir meilleur, ni même d’un présent d’ailleurs, il est là satisfait de sa petitesse, heureux de sa médiocrité, et fier de sa mesquine résilience.

Et puis un jour, sorti de nulle part, émerge de toutes ces ténèbres, un groupe de gens honnêtes, compétents, et consciencieux, pour proclamer que Beyrouth leur appartenait. Un groupe qui affleure, comme par providence, pour redonner de la vie, redessiner un sourire aux lèvres, et combler de positivisme, ce pauvre libanais désabusé. Puisque oui, c’est uniquement de cela qu’il lui fallait à ce misérable, un peu d’espoir, de rire, et de rêve. Le pays du miel retrouve enfin sa splendeur. Il regarde vers l’avant pour retrouver son passé. Tant de réformes sont à faire au niveau de l’état bien sûr, mais il faut toujours commencer par le plus ostensible, la ville, son patrimoine, et ses habitants. En réconciliant l’homme avec sa ville, la dignité reprend sa place. L’harmonie s’installe. L’avenir est plus luisant.

Après cette étape, tout redevient possible. Le libanais hébété voit déjà… Les transports en commun creusant les artères du centre-ville. Les librairies poussant comme des champignons à chaque coin de rue pour faire face à une population avide de savoir. Les hôpitaux, écoles, et universités, rejoignant leur lieu naturel : l’Etat, la gratuité étant instaurée. Et puis aussi… Les armes jetées. La nature respectée. Les émigrés rapatriés. Le mariage civil légiféré. Les libertés sexuelles accordées. Les impôts récoltés. Le livre d’Histoire édité. La science glorifiée. La littérature vénérée. L’art, la musique, la peinture, érigés en fierté nationale. Oui, tout devient possible lorsque le citoyen se révolte contre l’injuste ordre établi.

Beyrouth, la ville mille fois ressuscitée, émergera à nouveau de ses cendres ce 8 mai 2016, si ce libanais se décide à voter contre la corruption et la médiocrité. Elle retrouvera son surnom de Paris d’Orient, si ce libanais refuse pour la première fois de s’humilier par le vote traditionnel imbu de clientélisme et de sectarisme.

En avant, citoyen Beyrouhtin, tu es et tu resteras le fer de lance de la modernité et du renouveau du pays. Donne l’exemple à tes concitoyens. Une lente révolution démocratique est en marche. Sois à sa hauteur. Vote Beirut Madinati si tu souhaites retrouver un tant soit peu de dignité !

Emmanuel Ramia
Ingénieur et économiste pétrolier, Franco-Libanais, féru de littérature, de géopolitique, et de philosophie. Passionné par l'Histoire de son pays d'origine et celle de son pays d'adoption, il rédige ses articles sur l'actualité avec un soin particulier accordé à la dimension historique et philosophique.

Un commentaire?