Lors de sa visite au Liban, le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian a tenu une réunion avec « les forces politiques du changement » (selon sa formule) :

  • des formations récentes : Taqaddom (Progrès), Tahalouf Watani (Coalition nationale), Beirut Madinati, et Massirat Watan ou encore Lika’ Techrine, Aamiyet 17 Techrine et Khatt Ahmar ;
  • des vieux partis : le parti Kataëb (représenté par l’ancien député Samy Gemayel) et le Bloc national libanais ; et 
  • des anciens députés : Michel Moawad (qui dirige le “mouvement de l’Indépendance”), Neemat Frem et Paula Yaacoubian. 

La jeune formation Marsad était invitée à prendre part à cette réunion mais s’est finalement abstenue.

Dans les sondages, ces forces n’arrivent pas à percer. D’ailleurs, beaucoup de membres du mouvement de protestation né le 17 octobre 2019 ont contesté leur représentativité. En effet, c’est le parti des Forces libanaises (FL) qui dans les sondages a gagné des points dans la rue chrétienne en raison de la perte de popularité du Courant patriotique libre (CPL) et de l’échec actuel – malgré diverses initiatives et tentatives – des membres du mouvement de protestation de se regrouper et de se structurer pour réellement peser lors des prochaines élections législatives. 

Pourtant, le bilan des députés et des ministres du parti des FL n’est pas bon. Entre 2016 et 2019, leurs ministres (ainsi que ceux du mouvement Amal et du Parti socialiste progressiste) ont même été accusés de faire obstruction. Au Parlement, le bloc parlementaire de ce parti dispose de la présidence de la commission parlementaire de l’Administration et la Justice. En effet, l’avocat Georges Adwane la préside. Il est vice-président du parti des Forces libanaises (FL) et député du Chouf. Cette commission regroupe depuis 2018 les députés suivants :

  • Georges Adwane et Georges Okaïs, membres du bloc parlementaire du parti des FL de Samir Geagea ;
  • Samir Jisr et Hadi Hobeiche, membres du bloc parlementaire du Courant du Futur du Premier ministre désigné Saad Hariri et de l’ancien Premier ministre Fouad Siniora ;
  • Ibrahim Azar, Ali Khreiss, Ghazi Zeaïter et Hani Kobeissi, membres du bloc parlementaire du mouvement Amal du Président du Parlement Nabih Berri ;
  • Georges Atallah et Ziad Assouad, membres du bloc parlementaire du CPL fondé par le Président de la République Michel Aoun et dirigé par le député Gébran Bassil ;
  • Ibrahim Moussawi, membre du bloc parlementaire du Hezbollah ;
  • Bilal Abdallah, membre du bloc parlementaire du Parti socialiste progressiste de l’ancien ministre Walid Joumblatt ;
  • Albert Mansour, membre du bloc parlementaire du Parti social-national syrien ; et
  • Moustapha Husseini qui était candidat sur la liste de l’ancien député Fares Souhaid et du parti Kataëb. 

Nawaf Moussaoui du Hezbollah, Nadim Gemayel du parti Kataëb et Paula Yaacoubian étaient également des membres de cette commission mais ont démissionné de leurs mandats parlementaires ces dernières années.

La ministre de la Justice Marie-Claude Najm a demandé à Georges Adwan d’accélérer l’élaboration de la loi sur l’indépendance de la justice réclamée par une majorité de Libanais. Cela fait déjà trois ans que le député du Chouf assure y travailler et qu’un projet sera “bientôt” présenté… Les séances de ladite commission ne sont pas publiques. Elle n’a présenté aucun projet de loi à la ministre et aux ONG comme Legal Agenda qui militent pour que le projet de loi passe au crible de la Commission de Venise, une instance européenne qui, d’après son site internet, examine “l’indépendance et l’immunité des juges, les procédures de nomination et de discipline les concernant, la composition, le mandat et l’indépendance des conseils judiciaires, les nominations à des postes de direction dans le système judiciaire” ou encore “les systèmes d’évaluation des juges, l’éthique judiciaire” ainsi que “les problèmes spécifiques de l’amnistie et des erreurs judiciaires ainsi que le problème général de la corruption au sein de l’appareil judiciaire”. La Commission de Venise “a également fourni une assistance, à la lumière des standards existants en la matière et des meilleures pratiques, en ce qui concerne les pouvoirs des procureurs et le cadre juridique pour l’organisation et le fonctionnement du ministère public, l’organisation et les pouvoirs de conseils des procureurs, ainsi que, plus récemment, des bureaux du procureurs spécialisés pour la lutte contre la corruption”.

Georges Adwan est aussi un membre de ce que les Libanais appellent communément le « parti des banques » puisqu’il tient le discours officiel de ce « parti » : il a ainsi déclaré le 3 avril 2021 à la chaine de télévision MTV que les dépôts bancaires « n’ont pas disparu », que l’argent reviendra et que le système bancaire libre sera maintenu. Les dépôts bancaires en dollars sont pourtant bien fictifs comme l’a reconnu Riad Salamé le gouverneur de la Banque du Liban (BDL) dans un entretien accordé à Bassam Abou Zeid sur la chaîne de télévision saoudienne Al-Hadath le 1er décembre 2020. Et, la valeur de la livre – arrimée au dollar depuis 1997 – s’est effondrée. L’Association des Banques du Liban (ABL) a même imposé de manière illégale (car en dehors du cadre législatif) des restrictions sur les dépôts bancaires en dollars. Dire que l’argent reviendra fait écho aux propos dénués de sens tenus à MTV le 24 juillet 2020 par le député CPL Ibrahim Kanaan, président de la Commission des Finances et du Budget, également membre du parti des banques pour des ambitions personnelles (il vise la Présidence de la République), qui déclarait vouloir « reconstituer les dépôts ». Enfin, déclarer que le système bancaire libre sera maintenu est un élément de langage du parti des banques pour faire croire que tous ceux qui sont opposés à la bancocratie sont d’affreux gauchistes. Les Libanais subissent de fait une dévaluation de la livre libanaise et une « lirification » de leurs dépôts et donc le déclassement social et la perte de pouvoir d’achat en raison du refus du parti des banques de toute restructuration du secteur bancaire public et privé (c’est-à-dire de la Banque Centrale et des banques) prévue dans le plan du gouvernement soutenu par le Président de la République dans le but de protéger les déposants et qui a été bloqué par la commission parlementaire aux Finances et au Budget ainsi que par le Président et le Vice-Président du Parlement avec le soutien du parti des banques auquel appartient le club des anciens Premiers ministres (Najib Mikati, Fouad Siniora, Tammam Salam et Saad Hariri) et Walid Joumblatt. 

Il est donc important que les Libanais en général et les chrétiens en particulier ne soient pas leurrés.

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