L’Association des Banques du Liban (ABL) a vu son plan alternatif (présenté le 20 mai 2020) à celui du gouvernement et de sa banque-conseil Lazard (présenté le 30 avril 2020) rejeté. Ce plan a probablement été préparé par Riad Salamé le gouverneur de la Banque du Liban (BDL) qui, selon le Financial Times, aurait gonflé les actifs de la Banque Centrale et caché artificiellement sa situation nette négative dans son bilan et ses pertes dans son compte de résultat. Malgré le rejet de leur plan par le Fonds monétaire international (FMI), Riad Salamé mais aussi l’ABL et le « parti des Banques » tentent toujours de nier les pertes, d’éviter les réformes et de vendre les réserves d’or de la BDL, les biens immobiliers de l’État et la façade maritime du pays. Ils rêvent aussi d’un renflouement externe (« bail-out ») par le FMI, les États-Unis ou des pays arabes du Golfe, possibilité peu plausible pour ne pas dire impossible sauf si la contrepartie est l’implantation au Liban des réfugiés palestiniens (jadis évoquée par Rafic Hariri) voire même des réfugiés syriens. 

Reconnaître les pertes signifie pour les actionnaires des banques libanaises devoir les éponger par un effacement du capital existant (« write-off ») de celles-ci et donc la réduction de leur actionnariat à néant (« wipe-out »). Cela signifie aussi devoir réaliser une augmentation de capital (« capital increase ») grâce à une partie des dividendes qu’ils se sont distribués durant près de trente ans en contribuant au système de Ponzi en place (une pyramide nécessitant d’attirer de l’argent frais en devises pour pouvoir verser les intérêts à leurs déposants) au détriment de la plupart de leurs clients. Les banques vont également être obligées de fusionner entre elles (« mergers »). Enfin, si tout cela n’est pas suffisant alors un renflouement interne (« bail-in ») sera nécessaire avec la conversion forcée d’une partie des dépôts en instruments du capital : lors de l’annonce de sa démission, le directeur général du ministère des Finances Alain Bifani, qui a préparé le plan du gouvernement avec ses équipes et des conseillers comme Lazard ou encore Henri Chaoul, a parlé d’un « haircut » de 13% seulement sur les comptes bancaires dépassant 10 millions de dollars, soit 931 comptes sur 2,7 millions au total. 

Le FMI a confirmé le montant des pertes annoncé dans le plan du gouvernement (de même que Lazard) et conditionné son aide aux réformes. Quant à la CEDRE (Conférence économique pour le développement par les réformes et avec les entreprises), elle a conditionné le versement des fonds à un accord avec le FMI. Ce dernier considère le plan du gouvernement comme étant une base solide de négociations. En raison des blocages de la Commission parlementaire aux Finances et au Budget (ce qui a poussé Henri Chaoul puis Alain Bifani à démissionner), les négociations entre le FMI et le gouvernement avancent peu ce qui dégrade encore plus la situation économique et financière du pays et, par conséquent, accroit le chômage, la pauvreté, le risque d’un « haircut » plus important et le nombre de déposants qui pourraient le subir.  

D’après certaines sources, un autre plan alternatif (en date du 16 juin 2020 mais présenté le 17 juillet 2020) imaginé par la Levant Investment Bank (Libank) et l’ancien banquier Nicolas Chikhani serait au cœur des discussions en coulisses pour rapprocher le plan du gouvernement et celui de l’ABL. Ce plan, bien qu’intéressant et intelligent, prévoit un contrat de bail (« lease ») entre la BDL et les banques pour les réserves d’or…

Le 24 juillet 2020, le député Ibrahim Kanaan, président de cette commission, a déclaré à la chaine de télévision MTV qu’il veut « reconstituer les dépôts ». Leur disparition aurait été causée selon lui par « une pénurie due aux prêts et à la situation financière ». Reconstituer des dépôts est un concept qui n’existe pas en finance. Lorsqu’il y a des pertes et des dettes, on restructure un bilan, on ne les nie pas, on ne les cache pas… D’autre part, « reconstituer les dépôts » pourrait aussi signifier vendre les réserves d’or de la BDL, les biens immobiliers de l’État et la façade maritime du pays et favoriser les 931 comptes ayant plus de 10 millions de dollars aux dépens de 2,7 millions de déposants. 

Le 25 juillet 2020, Riad Obeji le président-directeur général de la banque BEMO a écrit dans L’Orient-Le Jour avec le professeur Jean-François Goux sa proposition de parité évolutive (« crawling peg ») entre le « lollar » et le dollar (mais aussi entre le « lollar » et la livre) qui serait défendue par le tiers des réserves en devises (20 milliards de dollars) et en or (15 milliards de dollars) de la BDL ainsi que l’abandon progressif de la livre au profit du lollar comme monnaie nationale. Pour rappel, le lollar ou « dollar libanais » est l’expression de l’ancien banquier Dan Azzi pour désigner les dollars américains apparaissant à l’écran des banques libanaises – qui ont appliqué le plus de restrictions (« capital control ») car elles ne disposent plus assez de réserves en devises (ni la BDL) pour les honorer – sur les comptes des déposants. Tout comme la défense de la parité fixe (« peg »), soutenir une parité évolutive signifie entamer les réserves de la BDL. Comme les réserves en devises de cette dernière ne sont plus suffisantes, sa proposition englobe les réserves en or… 

Le 26 juillet 2020, Henri Chaoul a tweeté un résumé des deux plans