Les consultations parlementaires obligatoires ont débuté ce jeudi 22 octobre à 9 heures du Matin au Palais Présidentiel de Baabda, avec comme seul candidat officiellement déclaré en lice, l’ancien Premier Ministre Saad Hariri. Le Président de la République, le Général Michel Aoun, devrait ainsi successivement recevoir les députés libanais.

Certains partis, comme les Forces Libanaises ont déjà annoncé leur boycott du processus. D’autres comme le Courant Patriotique Libre pourraient envoyer une délégation réduite pour marquer leurs désapprobations de la situation actuelle.

Cette candidature fait, en effet, l’objet d’une vive opposition, y compris dans son propre camps et dans la rue, alors que le Liban est toujours sans gouvernement depuis la démission du gouvernement Hassan Diab, le 10 août dernier suite à l’explosion du Port de Beyrouth.

Une nomination incertaine

Sauf surprise de dernière minute, le Courant Patriotique Libre, les Forces Libanaises, le Parti Socialiste Progressiste, le Bloc du Rassemblement Consultatif et les députés indépendants comme Chamel Roukoz, Ossama Saad ou encore Fouad Makhzoumi et Jamil Saayed ont indiqué qu’ils ne donneront aucun nom lors du processus visant à nommer le prochain premier ministre. Il seront rejoints par le Parti Socialiste National Syrien alors que Saad Hariri a pourtant contacté un de ses députés Assaad Hardan pour tenter d’obtenir leurs suffrages, alors qu’il se considérait comme leur ennemi juré.

Autre surprise, le Hezbollah a également indiqué ne pas accorder son soutien à l’ancien premier ministre contrairement au mouvement Amal, marquant ainsi sa solidarité avec le Courant Patriotique Libre et allant à l’encontre de son allié Amal.

L’ancien Premier Ministre pourrait jouir du soutien du Bloc du Courant du Futur, du bloc du développement et de la libération (Amal), du mouvement Marada, du Rassemblement Démocratique, du Bloc National, et de certains députés indépendants comme celui de l’ancien Premier Ministre Tamam Salam ou du Vice-Président de la Chambre Elie Ferzli.

Par ailleurs, les manifestants sont retournés hier au centre-ville de Beyrouth pour exprimer leurs désaccords à voir l’ancien premier ministre revenir au Grand Sérail. Un face-à-face avec des partisans du Courant du Futur qui ont incendié le fameux poing de la Révolution, mis en place place des Martyrs, au centre-ville de Beyrouth, a lieu. Les Forces de Sécurité Intérieure ont procédé à l’arrestation de 4 personnes.

Dans la nuit du jeudi 17 octobre au vendredi 18 octobre, un petit groupe de manifestants sera présent au Centre-Ville de Beyrouth pour dénoncer le projet d’instauration de nouvelles taxes notamment portant sur les communication téléphoniques mobiles gratuites comme WhatsApp. Suite à un grave incident avec les gardes du corps du convoi du Ministre de l’Education, Akram Chehayeb, qui tireront en l’air puis sur le sol à proximité des protestataires, de nombreuses routes seront bloquées sur les axes majeurs avec des pneus en feu, Jal el Dib, Zouk-Adonis, Ghazir, Okaibeh, Jbeil jusqu’à Tripoli.

Le 21 octobre, Saad Hariri présentera un plan de réforme ambitieux, avec l’annulation de toute taxe et de tout relèvement tarifaire sensé contenir le déficit budgétaire à 0.6% en 2020. Cependant, ce plan rend perplexe les experts qui notent que ce dernier s’appuie par exemple sur l’aide promise par CEDRE et qui pourtant est actuellement suspendu, voire annulé ou encore sur une baisse des taux d’intérêts qui restent pour l’heure élevés avec la dégradation des notes obligatoires libanaises.

Le Premier Ministre Saad Hariri, annonçant sa démission, le 29 octobre 2019. Source Photo: Dalati & Nohra
Le Premier Ministre Saad Hariri, annonçant sa démission, le 29 octobre 2019. Source Photo: Dalati & Nohra

Finalement, c’est suite à d’importants incidents au centre-ville de Beyrouth, devant la tombe même de son père entre protestataires et une centaine d’individus identifiés par certains comme faisant parti du mouvement Amal et du Hezbollah, que le Premier Ministre Saad Hariri démissionnera le 29 octobre 2019, au 13ème jour d’importantes manifestations dans l’ensemble du pays.

Une situation inédite et un risque d’enlisement du Liban

La nomination de Saad Hariri, qui pourrait ne pas jouir de la majorité du suffrage des députés, comme prochain premier ministre, pourrait aboutir à une situation inédite constituant une jurisprudence au Liban. Ainsi, la constitution libanaise ne prévoit pas ce cas de figure. On ignore pour l’heure si le Président de la République, le Général Michel Aoun, pourrait nommer un nouveau premier ministre dans un tel cas où s’il choisira d’appeler à d’autres consultations jusqu’à ce qu’une majorité absolue des députés choisisse un candidat.

Par ailleurs, même nommé, Saad Hariri pourrait ne pas jouir de l’appui d’une majorité des députés, un préalable nécessaire pour la formation du prochain gouvernement alors que le temps manque en raison de la crise économique et politique, prolongeant ainsi la crise politique que traverse le Liban alors que la situation économique continue à se détériorer et que les réserves monétaires disponibles de la Banque du Liban, servant à financer l’achat de produits de première nécessité s’amenuisent.

Hassan Diab a démissionné le 10 août 2020, suite à un bras-de-fer avec le président du parlement Nabih Berri au sujet de la responsabilité de l’explosion du port de Beyrouth, le 4 août 2020. Quelques jours plus tôt, Hassan Diab avait évoqué la possibilité d’organiser des élections législatives anticipées

Tout comme son prédécesseur, le prochain premier ministre fera l’objet d’immenses pressions tant en interne en raison de la crise social économique que traverse le pays des cèdres mais également externes, avec le refus de la communauté internationale de débloquer une aide tant que les réformes économiques, monétaires ou encore financières ne sont pas mises en place, en raison des obstacles posés par une classe politique économique qui refuse ainsi de toucher à ses propres intérêts.

La principale mission sera en effet de débloquer les négociations avec le fonds monétaire international, des négociations jugées nécessaires à l’obtention de l’aide financière visant à relancer l’économie locale. Cependant, le déblocage de ces négociations est jugé difficile en raison du refus de certains intérêts, notamment à reconnaitre l’ampleur des pertes du secteur financier.

Le 31 août dernier, Mustapha Adib a été ainsi nommé à la veille de la visite du président français Emmanuel Macron. Cependant, sa mission à former un nouveau gouvernement a échoué suite à l’exigence par le Mouvement Amal principalement, soutenu par le Hezbollah, à maintenir son influence sur le ministère des finances, un ministère clé dans le cadre des prochaines réformes à mener.

Ce dernier a finalement jeté l’éponge, le 26 septembre dernier, faute d’avoir pu mener sa tâche, prolongeant la crise politique.

Finalement, le 8 octobre 2020, l’ancien premier ministre Saad Hariri se déclare candidat à ce poste, allant jusqu’à accepter l’attribution du porte-feuille du ministère des finances à un candidat chiite lors d’une interview télévisée.

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