Il faut le faire! Enfoncer le clou alors qu’il a déjà atteint les limites de l’humainement enfonçable. 

Au lieu d’en parler, Mme Diab aurait peut-être gagné à donner l’exemple en renvoyant ses propres ouvriers et ouvrières (là, je jette un caillou dans l’eau mais je parie qu’elle en a plusieurs) et en faisant le nettoyage sous caméra chez la cigale, sa voisine, pour montrer qu’elle-même ne trouve pas le métier humiliant.

Mais bon, on est au pays où tu n’as pas besoin d’herbe pour planer. C’est pourquoi toutes les personnes concernées – c’est-à-dire la classe moyenne – n’ont pas senti que le message s’adressait avant tout à eux. Parce que, jusque-là, cette classe (la classe!) pense qu’elle pourra survivre avec ses millions de dollars transformés en lollars de banque et la maigre pitance de trois millions de livres monopolyaises que leur accorde généreusement le nouvel ordre économique. 

Fini le grand rêve libanais d’envoyer ses enfants travailler dans des hôtels, des restaurants ou des petits commerces à l’étranger, pour arrondir leurs fins de mois, alors qu’on leur paie leurs études à la Sorbonne, à Dauphine, à Harvard, à Stanford, ou même en Russie, pour ensuite ouvrir des entreprises en Europe, au Golfe ou aux Etats-Unis et renvoyer des milliers de dollars chaque mois au pays, avant d’ouvrir une succursale au Liban pour faire travailler des jeunes diplômés.

Le rêve maintenant, c’est de travailler chez une «famille bien» ou de devenir «pompiste du mois».

Mme Diab aurait peut-être dû se demander pourquoi nos confrères égyptiens, bangladeshiens ou philipinnais, viennent se planter chez nous loin de leur pays natal, de leurs familles, à dormir dans des usines délabrées transformées en dortoirs avec des conditions d’hygiène frôlant les MST. Elle aurait dû savoir que si nul n’est pompiste en son pays, il y a une raison. Les deux cents ou trois cents dollars qu’on paie à ces grands hommes (aucune ironie) c’est pour qu’ils puissent assurer une vie digne à leur famille et qu’ils envoient leurs enfants à l’école pour qu’ils n’aient jamais à travailler comme pompiste à leur tour. Une publicité en France (prix Méditransport 2019** – Secours populaire) annonçait qu’il faillait 6 générations pour sortir de la pauvreté. Le Liban l’avait fait. Nos arrière-grands-pères et arrière-grands-mères avaient travaillé comme domestiques, fermiers, ouvriers, artisans, pour qu’on puisse aujourd’hui être un peuple hautement cultivé et compétent pour contribuer à construire les pays du Golfe, pour impacter profondément tous les domaines scientifiques dans le monde entier, pour toucher plus que 200$ par mois, pour aller partout dans le monde et ramener, pendant des années, des milliards de dollars au Liban.

Merci pour les moralistes de vouloir nous ramener 6 générations en arrière. 52% de la société libanaise est bien au-dessous du seuil de pauvreté mais, Mme Diab ne le sait peut-être pas, envoier un enfant sur trois, à tour de rôle, faute de moyens (des fois par manque de chaussures ou de prix de taxi-service), chaque année, étudier, parce qu’elle rêve d’un avenir meilleur pour son fils ou sa fille.

La politique des dernières années nous a complètement isolés du monde (soit financièrement, soit politiquement, soit économiquement) et nos diplômés aujourd’hui sont persona non-grata partout dans le monde (ou du moins là où il fait bon aller).

Ils étaient notre pétrole pendant des siècles. Alors, par pitié, ne leur proposez pas de biscuits, rendez-leur leurs rêves.

* Blonde is a state of mind, not a hair color
** Prix décerné à @hermine ancel et @carla maiorana

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