A l’aéroport d’Orly, un migrant fait sa nuit sur un tapis persan.

Nous volons vers la mère. Qu’elle nous raconte “des histoires […] de princesses et de cerfs-volants “. Nous allons vers le soleil. Dis-moi maman, comment croire au père Noël quand, par-dessus nos têtes, ne reste que le firmament

Ghosn est en prison et le pays, au forceps, accouche d’un gouvernement, pour mieux creuser la dette. Et la montagne “accoucha d’une souris”, dans un pays où l’environnement est toujours en sursis et l’action de mettre au rebut est toujours coupable.
Le soleil se lève sur les lignes de crête et des monts enneigés telle une carte de noël. Le monde n’est plus que ces vallées sombres et ces villes constellées de maisons luisantes, reliées par des fils telles des traces d’escargot. Dans la mer, coulent des rivières depuis les monts enneigés et l’avion se penche pour se poser.

ici on distribue les portefeuilles comme des étrennes à des ministres portés garants de notre inféodation. Pendant ce temps, les hommes, occupés à survivre, regardent ailleurs.

Le temps s’est arrêté, en montagne, au Gargotier. Douillet comme un foyer. Le magnétophone y diffuse des rengaines de France, par cette dernière oubliées. Éclairés là-bas par la lumière d’une étoile disparue.

Tout tourne dans ce pays autour de la fonction de paraître et de recevoir. Le plus dur a été naguère d’endosser l’image à donner de soi. Tour à tour, on joue à celui qu’on invite ou celui qui reçoit. Si le Gargotier s’est mué en foyer, les maisons sont des musées, des boutiques de Noël, des cavernes d’Ali Baba. Est-ce ceci qui explique cela, quand le pays file sur son erre, dans nos murs nous sommes les rois. Nous sommes les maîtres de l’illusion. Pour vendre du rêve, il n’y a pas mieux que cette féérie d’un soir qui nous a éblouis. Des réceptions magiques telles ces formes sculptées au pied d’un lit d’hôtel, avec un drap.

On se reçoit et on se raconte. C’est une culture orale, du bouche à oreille, un téléphone arabe où s’épanouissent en paroles les plus grandes épopées. Pour graver dans le marbre, il faut vivre seul.
Dans le secret des alcôves, règnent aussi des enveloppes qui parlent comme des oracles, le temps venu. Des sacs mystérieux et des papiers jaunis, baignés jadis de larmes. Des cœurs rapiécés et la vie qui prend l’eau sur des tapis persans.

Quand élire un gouvernement est une guerre de Cent Ans, la victoire n’est jamais que celle à la Pyrrhus.

L’avion s’est posé à Orly et nous avons manqué l’applaudir.

Nada Bejjani Raad
Née au Liban, Nada Bejjani Raad est architecte et pratique son métier en France depuis 1989. Contributrice régulière dans la presse francophone, bloggeuse à l’Agenda Culturel, elle est l’auteur du roman Le jour où l’agave crie.

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