Le 14 septembre 1982 disparaissait Bachir Gemayel, tout juste 3 semaines après avoir été élu Président de la République Libanaise, assassiné dans un attentat qui fera par ailleurs 26 autres morts. Avec son décès, la guerre civile libanaise se retrouvera malheureusement relancée pour 8 années supplémentaires.

L’assassinat, revendiqué par un membre du PSNS, Habib Chartouni, amènera, selon la version officielle, au massacre « punitif »,  de Sabra et Chatila dans la nuit du 17 au 18 septembre. Son frère Amine lui succède à la présidence, cela sous la couverture militaire de Tsahal.

Né le 10 novembre 1947, avocat de formation et possédant un diplôme en sciences politiques, Bachir Gemayel s’intéressera rapidement aux affaires publiques pour des raisons familiales, son père Pierre étant le fondateur du Parti Kataëb.

C’est ailleurs suite aux heurts dès 1969 entre Armée Libanaise et la faction armée de l’OLP de Yasser Arafat, au Liban qu’il entamera la formation d’un groupe paramilitaire aux ordres de William Hawi qui deviendra plus tard l’embryon des Forces Libanaises. C’est à cette époque également, que Bachir Gemayel sera enlevé par des militants palestiniens et emmené au camp de Tel el Zaatar d’où il sera libéré au bout de 8 heures de captivité suite à une médiation, dit-on, de Kamal Joumblatt.

Devenu le chef de ce qui s’appelait alors la Brigade BG, toujours sous le commandement de William Hawi, Bachir Gemayel appellera sous ses ordres, Fouad Abou Nader, Fadi Frem et Elie Hobeika. Bachir Gemayel entrera alors en conflit avec les instances dirigeantes du Parti Kataëb toujours dirigé par son père, notamment sur la question de l’entrée des Forces Syriennes au Liban en raison de la volonté de Damas, d’annexer le Pays des Cèdres.

Bachir Gemayel participera à la guerre civile et se verra notamment accusé d’être à l’origine du Samedi Noir, le 9 septembre 1975. Ce jour sera marqué par le massacre tant de ressortissants libanais musulmans que de palestiniens en représailles à l’assassinat de 4 membres du parti Phalangiste dans les rues de Fanar, dans la banlieue de Beyrouth. Ordonnant le déploiement de miliciens dans les rues de la capitale, la situation a rapidement dégénérée et aurait échappé à son contrôle, ont indiqué Karim Pakradouni et Michel Samaha, qui faisaient alors partis de son cercle d’amis.

Suite à cet évènement, la situation ne fera qu’empirer notamment avec le blocus imposé par les camps palestiniens autour des quartiers chrétiens de la capitale libanaise. Cela entrainera notamment la nécessaire prise des camps de la Quarantaine, le 18 janvier 1976 avec la mort de 1000 combattants palestiniens et de nombreuses victimes civiles. En représailles, les Palestiniens commettront également leurs lots de massacre avec celui de la localité chrétienne de Damour au Sud de Beyrouth, faisant également 1000 morts, essentiellement civils. Viendra ensuite le tour du camp palestinien de Tel el Zaatar et des différentes batailles qui émailleront la première phase de la guerre civile libanaise.

Toujours en 1976, le décès de William Hawi durant la bataille de Tel el Zaatar amènera Bachir Gemayel à lui succéder à la tête des forces paramilitaires du Parti Phalangiste avant qu’il ne puisse former en 1977, les Forces Libanaises.

Il s’agissait alors de regrouper “sous le fusil chrétien” les différents groupes armés chrétiens pour une meilleure coordination sur le terrain. Sous son commandement, les Forces Libanaises ne s’opposeront pas seulement aux milices palestiniennes mais également syriennes présentes au Liban.

Ainsi en 1978, l’Armée Syrienne bombardera durant 100 jours, le quartier d’Achrafieh. C’est à cette époque également que les Forces Libanaises entameront une coopération militaire avec Israël.

C’est aussi à cette époque que débuteront des tensions au sein des Forces Libanaises et notamment avec Tony Franjieh, fils de l’ancien président de la république Sleiman Franjieh, proche du régime syrien, et qui dirigeait à l’époque la Brigade des Marada. A l’issue d’une opération destinée à capturer des miliciens Marada ayant assassiné des membres du Parti Kataeb, Bachir Gemayel enverra un escadron à Ehden. Tony Franjieh, toujours présent sur les lieux en raison de la panne de son véhicule sera tué le 13 juin 1978.

De même, différents clash entre milices chrétiennes du PNL de Dany Chamoun et membres du Parti Kataëb amènera au massacre de Safra en 1980.   La bataille de Zahlé ou s’opposeront 92 combattants des FL envoyés de Beyrouth en plus des habitants de la localité contre les Forces Syriennes permettra à Bachir Gemayel de prendre une stature internationale. Cette bataille s’achèvera avec le déploiement des FSI dans la ville et le retrait des 92 combattants.

Avec le soutien militaire d’Israël et suite à de nombreuses réunions avec Ariel Sharon, alors Ministre de la Défense, Bachir Gemayel sera informé de l’opération israélienne visant à mettre fin à la présence de l’OLP au Liban. C’est ainsi qu’en août 1982 sera marqué par l’opération Paix pour la Galilée qu’il tentera cependant d’éviter, informant un représentant de l’organisation palestinienne Hani Al Hassan, de se retirer du Liban. Cette mission sera cependant marqué par un échec.

C’est durant cette invasion que Bachir Gemayel annoncera sa candidature à la Présidence de la République avec le soutien des USA. Il refusera également une coopération officielle entre les Forces Libanaises et Tsahal, tout en rencontrant officieusement des membres des autorités israéliennes.

Seul et unique candidat, Bachir Gemayel sera élu le 23 août 1982. Président de la République, il se rendra à Nahariya à la rencontre du Premier Ministre israélien Menachem Begin, le 1er septembre 1982, qui exigera la signature d’un traité de Paix entre le Liban et Israël, faute de quoi, Tsahal restera déployé au Paix des Cèdres. Furieux, Bachir Gemayel refusera ce chantage, indiquant que tout traité de paix avec l’état hébreu ne peut être tributaire que d’un accord consensuel entre les dirigeants et les différentes confessions libanaises. C’est alors une période ou la Paix Civile semblait être possible au bout de 7 ans de conflit fratricide. L’Armée Libanaise se déploiera le 4 septembre dans la partie Ouest de Beyrouth puis le 9 dans le camps palestinien de Bourj Barajneh. L’aéroport international de Beyrouth reprendra également ses activités le 13 septembre, un jour avant son assassinat.

Le 14 septembre 1982, Bachir Gemayel se rendra au QG du Parti Kataëb à Ashrafieh pour une dernière réunion avant qu’il ne prenne officiellement son poste de Président de la République. C’est alors que la bombe placée dans l’appartement en dessous de la permanence explosera. lui coûtant la vie.

Contacté par Libnanews, Antoine Sfeir a expliqué que le journaliste Alain Ménargues a décrit la vérité sur les massacres de Sabra et Chatila et a confirmé s’être trompé dans son livre “Israël survivra-t-il?: entretiens” qu’il a co-écrit avec Théo Klein en 2008 quant il a affirmé que Fouad Abou Nader aurait été présent le matin du 16 et aurait donné l’ordre de déploiement autour du camp à ses troupes. Il a confirmé le fait que Fouad Abou Nader se trouvait au Metn-Nord ce jour-là.

Dans sa chronologie de « l’opération cerveau de fer », Alain Ménargues précise que trois équipes se succédèrent dans les camps Palestiniens de Sabra et Chatila : la première Israélienne, la seconde de l’ALS et la troisième des Forces Libanaises. Les massacres durèrent trois jours et firent plusieurs centaines de victimes : 483 selon la Croix Rouge internationale. Ménargues qui fut, avec deux autres journalistes Français, Sorj Chalandon de Libération et François Luizet du Figaro, parmi les premiers journalistes à pénétrer dans les camps, raconte : « J’ai réussi à me procurer des documents et à retrouver des témoins qui attestent que, le 15 septembre, un premier groupe de militaires sont entrés dans les camps. Ils étaient Israéliens et il s’agissait de trente membres de l’unité spéciale Sayyeret Makkal, chargée de la liquidation ciblée des activistes Palestiniens. C’est d’ailleurs toujours la même unité qui opère aujourd’hui dans les territoires autonomes. Cette unité était commandée par un certain « colonel Ouri » qui avait en main une liste de 120 personnes à « liquider » que lui avaient procuré A’Amal, les renseignements militaires. Les soldats Israéliens disposaient d’informations précises sur ces personnes, savaient exactement où les trouver et se déplaçaient dans le camp selon des itinéraires soigneusement préparés. Ils se sont fait ouvrir les portes des domiciles à perquisitionner ou les ont forcées, et quand ils trouvaient la personne qu’ils cherchaient, ils la faisaient sortir et l’exécutaient séance tenante d’une balle dans la nuque. Ces informations, plusieurs fois recoupées, m’ont été confirmées par un médecin légiste militaire Libanais, le docteur Marcel Prince, qui était venu examiner les corps après les massacres. Il a trouvé dans les blessures trois types de balles de calibres différents correspondant aux armes utilisées par les trois équipes. Autre fait troublant qui avait d’ailleurs été relevée par la commission Kahane , alors que les Israéliens ont toujours nié avoir pénétré dans les camps : on y avait retrouvé la cartouchière et les papiers d’un sergent chef, Benny Haïm . La version officielle est que ces objets avaient été apportés là après coup pour incriminer les Israéliens. En fait, il avait sauté sur une mine Israélienne largué par l’aviation et avait été grièvement blessé. Selon les résultats de mon enquête, les Israéliens ont ainsi « liquidé » 63 des 120 personnes qui figuraient sur leur liste. Après quoi ils ont envoyé la deuxième équipe, composée d’une demi-compagnie de l’Armée du Liban sud du commandant Haddad qui était stationnée à Choueifat. Ce deuxième groupe était commandé par un chrétien, le capitaine Camille Khoury (ou Salah ? ), mais il était essentiellement composé de chiites qui avaient eu à souffrir de certaines exactions des combattants Palestiniens installés dans le sud du Liban depuis Septembre noir. Le général Israélien Raphaël Eytan leur avait donné lui-même donné l’ordre de « nettoyer les camps » en leur demandant de faire en sorte que « ceux qui les verraient s’enfuient et ne reviennent jamais ». Ceux-là connaissaient beaucoup moins bien le terrain que leurs prédécesseurs Israéliens. Certains se sont d’ailleurs trompés de direction en sortant de Chatila, ce qui fait qu’ils se sont fait tuer par les soldats Israéliens qui encerclaient les camps pour empêcher les Palestiniens de fuir et les curieux de venir voir ce qui se passait. Une fois que ce deuxième groupe a eu terminé son travail, les Israéliens se sont rendus à la Quarantaine, où se déroulait une réunion d’état-major des Forces Libanaises. Les phalangistes avaient d’autres préoccupations que les camps de réfugiés Palestiniens : ils discutaient de la succession de Bachir Gemayel, assassiné deux jours plus tôt, et des moyens de bloquer la candidature d’Amine, dont ils ne voulaient pas. Les Israéliens ont interrompu les débats pour demander à Hobeika d’envoyer une équipe (Georges Sukkar (Jessy) se chargea de la liaison entre Tsahal, les quatre groupes aux ordres de Elie Hobeika : le groupe de Joseph Asmar, le groupe de Georges Melko, le groupe de Michel Zouein et le groupe de Maroun Machaalani et enfin, les autres unités des FL qui y participèrent) finir le nettoyage des camps, ce qu’il a fait (Après avoir obtenu les renseignements nécessaires de Johnny Abdo). Les premiers habitants qu’ont trouvé ses hommes sur place était un groupe de Libanais, qu’ils ont massacrés. Au total, il y a eu 119 Libanais tués par les FL dans les camps (Dans L’Humanité du 14 septembre 2002)». Interrogé sur les raisons pour lesquelles il avait demandé de maintenir l’article de l’hebdomadaire Français « L’Evénement du jeudi » du 22 juin 1995 l’ayant impliqué dans les massacres de Sabra et Chatila et qui devait être censuré au Liban, Elie Hobeika alors ministre répondit : «Je n’ai pas honte de mon passé. J’ai participé à la guerre et je devais, normalement, y prendre part. J’ai nié ma participation à Sabra et Chatila, mais j’avoue avoir accompli certains faits. D’aucuns me jugent et me condamnent, alors que je considère avoir accompli mon devoir. Je dirais, enfin, que de pareils articles ne me font pas peur, car ils ne changent rien à la réalité. Les faits que la revue Française évoque sont maintenant du passé (Dans la Revue du Liban du 31 Mai 1997)». Quant à son second, Assaad Chaftari, il explique : « participants à une mission de police dans les camps de Sabra et Chatilla à la demande des Israéliens, les troupes dépendantes de HK et des autres unités des FL se trouvèrent embourbées dans un scandale (ou un complot ?) qui s’il s’avère vrai serait la honte des Libanais: un présumé massacre de nombreuses personnes Palestiniennes civiles. Des combattants racontent être rentrés dans des zones déjà jonchées de cadavres. Ces mêmes combattants racontent aussi avoir été la cible de tirs ennemis et avoir du réagir… Mais la vérité est que la commission Israélienne Kahane nomma Elie Hobeika comme seul responsable des abus ou du massacre présumé. Lui attribuant un ordre direct donné par TSF de s’attaquer aux civils, le monde entier retransmis cette nouvelle et ces accusations sans jamais donner la chance à cet homme de s’expliquer. C’est à se demander comment un expert dans les renseignements tel que Hobeika aurait commis la balourdise de donner des ordres pareils en clair sur une bande de fréquence que quiconque pouvait intercepter ». Pour Dib Anastase, il ne fait aucun doute : « Israël a planifié les massacres et Saad Haddad les a exécutés, ses hommes ayant revêtu la tenue des agents de la police Kataeb. Quand nous avons appris la nouvelle, nous avons mis en garde contre les usurpateurs qui se faisaient passer pour des représentants des Kataeb ( Dans la Revue du Liban du 22 janvier 2000)». En l’espace de quelques jours, Bachir Gemayel avait été assassiné et Ariel Sharon dût présenter sa démission en raison des conclusions du rapport Israélien Kahane. Celui-ci accusait les « phalangistes » (comprendre ici, les FL) d’avoir commis les massacres à Sabra et Chatila sans qu’Ariel Sharon ne cherche à les stopper. Yasser Arafat ne s’exprima jamais à ce sujet, sans doute en raison du rôle important qu’aurait joué Pierre Rizk (Surnommé « Akram » au sein des Forces Libanaises dans lesquelles il fût en charge des relations internationales sous la tutelle du Amn d’Elie Hobeika avant d’obéir à Amine Gemayel et ensuite et surtout à Samir Geagea, il est le conseiller financier de Souha Arafat, l’épouse du chef Palestinien. A Sabra et Chatila, il fût en charge de sélectionner les combattants du Amn devant entrer dans les camps).

De son épouse Solange Gemayel, Bachir avait 2 enfants, Nadim et Youmna, en plus de Maya, assassinée, le 23 février 1980, lors d’un attentat.

Succédant à son frère, Amine Gemayel sera rapidement élu Président de la République. Les Forces Libanaises prendront leur indépendance du Parti Kataëb et formeront une structure à part.

C’est ainsi que sera relancé la guerre civile, qui se poursuivra jusqu’en 1990.

Aujourd’hui, le rôle de Bachir Gemayel durant cette période noire du Liban fait toujours l’objet de vives polémiques, certains l’adulant pour ses actions en faveur de la souveraineté du Pays des Cèdres et son combat contre l’occupation tant palestinienne que syrienne et d’autres critiquant vivement son rôle dans différents massacres ou pour sa coopération avec Israël.

Depuis son assassinat, après une laborieuse procédure judiciaire, Nabil Alam et Habib Tanios Chartouni accusées de son assassinat ont été condamnés le 20 octobre 2017 par contumas à la peine de mort, conformément aux lois libanaises en la matière. Cette peine reste pour l’heure non effective, ces derniers ayant disparus.

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