Le premier réflexe serait de vous souhaiter une bonne année, n’est-ce pas ?

Non, je ne souhaiterai la bonne année à personne. Non, elle ne le sera pas… si vous ne vous investissez pas activement dans le grand courant du changement. Votre pays, (parce qu’il m’est devenu tellement dur d’accepter l’évidence de notre appartenance commune) est une gigantesque ordure de 10452 km2. Ce n’est pas moi non plus qui vais vous faire avaler la salade du Liban-vert, des 4 saisons, des montagnes et des plaines, des boîtes de nuit huppées etc… bien que cela soit en partie vrai. L’illusion ou la désillusion dans laquelle vous vivez est asphyxiante. Elle étouffe tous ceux qui en ont par dessus la tête de se faire humilier à chaque moment et en tout lieu dans cet épouvantable pays.

2019 et pourtant….

Toujours pas d’électricité, pas d’eau, internet marche…lentement mais sûrement, les routes sont lamentables, le trafic est mortifère, la vie coûte très cher, le chômage atteint les 50% pour certaines tranches de la société, les droits et les libertés tous et toutes bafouées… et la liste est bien longue.

C’est à peine si nous arrivons à faire les choses les plus basiques de la vie. Et nous devrions, à entendre certains savants, nous espérer heureux et “remercier Dieu” pour les miettes que l’on nous jette à intervalles réguliers pour nous faire taire.

8 ans après une législation ahurissante et illégitime, nous avons eu droit à une élection scandaleuse, faisant suite à des semaines d’une campagne houleuse, d’un niveau médiocre de stimulation intellectuelle (dépourvue de débats d’idées, de propositions concrètes, rien….) mais des slogans d’égo, de soit-disant demi-dieu et tout cela dans les pires conditions imaginables (triche, soudoiement, menaces,…) aboutissant à une pièce de théâtre manigancée par ceux-là mêmes qui vous avaient noyés dans les ordures et les cancérigènes pendant des mois interminables. Et l’ironie, ils sortent grands vainqueurs et sont applaudis par les observateurs internationaux, les ambassades “occidentales” et les ONG de tous bords (au point de nous demander si nos gouvernements servaient leurs intérêts…).

Nous voici 7 mois plus-tard, en pleine crise sociale, économique et politique. Ou dirais-je une crise de régime.

1- Le mandat du président de la république est bourré d’échecs multiples et successifs englobant tous les domaines et les secteurs de la vie politique, sociale et économique du pays. Le bureau de la présidence de la république qui s’était donné pour principale mission la lutte contre la corruption et ayant nommé un ministère à juste titre peine à y retrouver une affaire (une seule) de corruption. En même temps, politicards de tous bords sont d’accord pour avouer une corruption d’Etat de premier degré. Et cela ne choque personne comme d’habitude dans notre merveilleux Liban.

2- Le premier ministre chargé de former son équipe de brillants ministres peine à former un gouvernement depuis des mois, aux dépens de l’urgence socio-économique qui nous guette. Il a même été jusqu’à démissionner de sa fonction l’an dernier, au cours d’une émission télévisée et en dehors du territoire libanais, foutant la honte aux 5 millions de citoyens détenant le passeport du Cèdre, où il aurait été — selon certaines évidences- enfermé, maltraité et obligé à présenter sa démission immédiate et effective. Tout cela, avant de voir le président Macron à la rescousse de l’indignité habituelle signée Liban. Une mascarade sans fin où l’épisode suivant aura été une visite au prince saoudien, un échange de sourires, en se serrant la main avec ce petit bonheur de la belle entente.

3- Certains ministres et députés (et certains occupant les deux fonctions…exemplarité de la transparence sauce libanaise) ont même avoué avoir commis des infractions juridiques scandaleuses, des actes de corruption terribles, des intentions de crimes pire que Daesh. Et surprise, ils ne se feront ni interroger par la justice, ni confisquer de leurs avantages et leur immunité parlementaire et restent acclamés par leurs foules de veaux… tout cela pour préserver l’équilibre des communautés et pour que nul ne crie à la rébellion.

4- La milice armée “des soldats de Dieu” et leurs voyous partenaires de la bande délinquante “espoir” étendent leur influence — autrefois limitée à certains quartiers et une masse de pauvres citoyens, oubliés par l’état et les services publics – pour enfin confirmer une légitimité politique conférée et appuyée par les oranges cinglées et enragées, en haussant ainsi leurs effectifs au parlement du centre-ville de Beyrouth. À notre grande joie.

Réveillez-vous

Un phénomène m’a toujours frappé dans la politique libanaise. C’est le flambeau de la justice que s’échangent à tour de rôle les partis du système pour ainsi noyer l’opinion publique dans leur tour de passe-passe. Il y a quelques années, c’était le CPL qui se voulait le premier de classe… avant d’être démasqué au grand jour par ses intentions douteuses et sa soif de pouvoir dénuée de tout “changement et réforme”. Ils ont été suivis par les Kataëb dans la période électorale, intraitables sur certains dossiers de corruption… mais ayant disparu depuis, sans aucun signe de vie, soupçonnés de mauvaise foi et d’une lutte à deux poids deux mesures. C’est finalement les FL qui se prétendent les progressistes et réformateurs après le succès fou que leurs derniers ministres ont apparemment (et selon eux) obtenu. À ce qu’il parait, certains politiciens suédois ont accroché leurs portraits dans leurs bureaux, symbole de la transparence, de la justice et de la sagesse.

Crise écologique et sanitaire

J’en appelle à la raison et l’intelligence des Libanais pour distinguer l’urgence sanitaire et écologique à laquelle nous assistons. Nos dirigeants sont partis il y a quelques mois mendier des millions de dollars aux gouvernements du monde entier au cours d’une conférence appelée CEDRE (faisant suite à Paris1, Paris2 et Paris 3) et d’une seconde tournée mondiale aux cours des semaines précédentes pour collecte de fonds servant à masquer les désastres qu’ils ont perpétré pendant des décennies. Je me suis toujours demandé pourquoi est-ce que ces Etats nous aideraient au prix de ne jamais revoir un centime de dollar revenir vers eux. Et bien, il suffit de “follow the money trail”, le porte-feuille ministériel de l’environnement pour comprendre la magouille et le pétrin dans lequel nos dirigeants prévoient de nous engouffrer. Il parait que les incinérateurs magiques et écologiques que notre parlement a approuvés vont bientôt servir à accueillir les poubelles hideuses des pays bénévoles pour les incinérer chez nous, et en payer nous mêmes les conséquences avec notre Santé publique et nos vies.

Et maintenant… le peuple !

Les amis, il est grand temps de déployer tous les moyens dont nous disposons pour mettre la pression sur cette caste folle, irresponsable et déchaînée sur ces propres citoyens. Dans cet objectif, et après la vague populaire de mécontentement initiée en France, nous allons nous servir de tous les moyens que la raison et les valeurs vertueuses de notre société nous confèrent.

Les vendredis après les fêtes sont les RDV que se sont donnés les citoyens libres* pour manifester dans les rues de Beyrouth et du Liban entier, ainsi qu’une grève générale comme moyen de pression optimale sur nos ignobles dirigeants.

Sur ce… je vous souhaite une bonne année.


Joseph AL AJAMI
Joseph AL AJAMI, 23 ans, est un anciendu collège notre-Dame de Jamhour, étudiant de médecine à l’USJ et interne à l’Hôtel-Dieu de France de Beyrouth. Il est militant pour les droits de l’Humain, activiste au coeur de la “société civile”. Son combat politique se centre sur la justice sociale, les libertés individuelles et la laïcité de l’État libanais qu’il considère être des priorités dans l’établissement un État de droit.

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