À l’occasion de l’Assomption, le patriarche maronite, Mgr Béchara Raï, a affirmé que tout nouveau Pacte politique doit reposer sur l’« aspect définitif de la nation », l’« identité libanaise » du Liban et « son affiliation arabe » mais aussi « la parité islamo-chrétienne » et « la neutralité active et la décentralisation élargie, ainsi que les lois civiles ». 

Depuis la démission du gouvernement de Hassan Diab, sont évoqués pour le remplacer un gouvernement « neutre », un gouvernement « d’union nationale » (rassemblant les grandes formations politiques) ou encore un gouvernement de « technocrates/spécialistes indépendants ». 

Le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a rejeté dans son dernier discours tout gouvernement neutre, estimant qu’il n’existe pas de personnalités neutres. Il s’est prononcé en faveur d’un gouvernement d’union nationale « ayant la plus large représentation politique et populaire » ou d’un cabinet composé de personnalités politiques et de technocrates/spécialistes. 

Plusieurs noms ont été avancés pour le poste de Premier ministre qui serait désigné mais c’est bien celui de Saad Hariri qui semble tenir la corde car c’est celui que souhaite le Président du Parlement Nabih Berri même si son départ le 29 octobre 2019 est le principal acquis des manifestants. 

En transférant le pouvoir exécutif de la Présidence de la République (fonction dévolue à un chrétien maronite) au Conseil des ministres et au premier d’entre eux (fonction dévolue à un musulman sunnite), l’accord de Taëf n’a pas seulement vidé la Présidence de ses prérogatives (depuis 1990, le Président n’est plus le chef de l’Exécutif), il a également fait du gouvernement une sorte de chambre haute (Sénat) où existe une opposition et toute décision est conditionnée par un vote. C’est pourquoi les gouvernements successifs et surtout les décisions et les réformes sont paralysées. Cela est encore plus visible lorsqu’un gouvernement d’union nationale (comme ceux de Saad Hariri) est en place. Or, dans la plupart des pays où il existe deux chambres, c’est la chambre des députés qui a le dernier mot. Le président du Parlement libanais (fonction dévolue à un musulman chiite) se retrouve alors avec un pouvoir important. Cela est particulièrement visible lorsqu’un gouvernement de technocrates/spécialistes (comme celui de Hassan Diab) est en place.

Toute parité islamo-chrétienne requiert donc un rééquilibrage des pouvoirs exécutif et législatif, un Président de la République chef de l’Exécutif et la constitution d’un Sénat représentant les différentes communautés mais aussi la dissociation du pouvoir judiciaire du pouvoir politique et la fin des conflits d’intérêts entre les élus et les banques. 

En rendant la décision collégiale, les parrains étrangers de l’accord de Taëf, ont condamné le Liban à subir leurs ingérences dans ses affaires et les Libanais à souffrir de la mauvaise gestion de l’État et même de son racket par un grand nombre de ceux qui le dirigent. Pour recouvrer son indépendance, sa souveraineté et sa liberté, mettre un terme aux ingérences étrangères et à la lutte des communautés pour le pouvoir, le Liban doit donc adhérer à la neutralité qui doit être positive comme le Sultanat d’Oman ainsi que permanente et reconnue par les Nations Unies comme le Turkménistan. 

L’accord de Taëf a imposé au Liban une identité arabe sans en définir le sens. La Ligue Arabe doit respecter le Protocole d’Alexandrie qui reconnait l’indépendance de la politique étrangère du Liban. 

La décentralisation administrative préconisée par l’accord de Taëf est totalement ratée. En effet, l’accord de Taëf prévoit la création d’assemblées au niveau du caza destinée à assurer la participation locale mais elles seraient présidées par le caimacam (représentant de l’État central) à qui les pouvoirs seraient transférés. En réalité, tout ce qu’énonce l’accord de Taëf sous le libellé « décentralisation administrative » ne relève que de très banals mécanismes de « déconcentration administrative ». Or, une véritable « décentralisation » consiste à confier des pouvoirs autonomes à des organes et instances représentatives élues qui ne sont pas subordonnées au pouvoir central. C’est pourquoi il faut absolument adopter le régionalisme qui va plus loin qu’une simple décentralisation administrative. 

L’accord de Taëf envisage de supprimer le confessionalisme politique. Avant cela, il faudrait commencer par le bas, c’est-à-dire par la mise en place d’un code civil unifié du statut personnel (mariage civil, etc.) ainsi que par l’adoption de la circonscription uninominale et le scrutin majoritaire pour les élections législatives. Une telle loi électorale serait d’ailleurs la seule à assurer une parité islamo-chrétienne et une transition à la suppression du confessionalisme politique.