Analyse des différents soulèvements populaires et « révolutions » arabes depuis décembre 2010

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Il nous semble prématuré de nous lancer dans l’explication de l’avenir de ces « révolutions » sans avoir au préalable parfaitement compris ce qui s’est réellement passé pour en arriver là et ce qui est entrain de se passer.

Des soulèvements populaires dans les différents pays arabes comme une traînée de poudre à commencer par la Tunisie ; mais personne n’a rien vu venir de cette première révolution avec l’effondrement du régime de Ben Ali qui a été suivie par l’autre puis les autres « révolutions arabes ».  Ni les politiques, ni les diplomates, ni les députés, ni les ministres, ni les présidents des différentes républiques démocratiques occidentales ou arabes, modérés ou extrémistes, ni les politologues, ni les géopoliticiens, ni les différents services secrets à moins que ces derniers n’aient donné l’alerte aux politiques sans que ces derniers n’aient réagi, cru, voulu ou pu réagir…

Un point commun à tous ces soulèvements :

Il s’agit partout de régimes totalitaires à la tête desquels des présidents, de père en fils, à vie ou des guides non soumis au suffrage du peuple. Bref ce que l’on appelle des dictateurs.

Vous remarquerez que le Liban ne figure pas dans notre analyse, n’étant pas une dictature même s’il occupe une position, peu enviable, coincé entre Israël d’un côté et la Syrie de l’autre et bien que sa situation géographique soit propice à l’émergence d’une dictature – qui n’a jamais vu le jour – .

D’ailleurs paradoxalement, le Liban n’est pas en ébullition comme les autres pays arabes. Ceci dit, il n’est pas du tout à l’abri de secousses dérivatives pour d’autres pays répondant à  la même logique que celle qui a prévalu pendant 15 années quand  il a été le théâtre des guerres des autres.

Je n’inclus pas, non plus, dans cette analyse, les différentes agressions d’Israël à l’encontre du Liban en 1978, 1982 et l’occupation du sud du pays  jusqu’en 2000 et puis la dernière en date de juillet et août  2006.

Je ne parlerai pas non plus de la Palestine, d’Autorité palestinienne, du Hamas ou de conflit israélo palestinien. La  première « Intifada » (soulèvement) date des années 80 sans répercussion positive ni pour les palestiniens des territoires occupés ni pour la bonne marche d’un hypothétique processus de paix.

Les dictateurs sont là, pour la quasi totalité, depuis plus d’une trentaine d’année, c’est-à-dire depuis la dernière guerre arabo israélienne de 1973. La date ici  est importante à retenir parce que depuis, plus aucune guerre n’a été tentée par ces pays arabes à l’encontre d’Israël, pas même lorsque les palestiniens de Gaza ont été lâchement et longuement bombardés, hermétiquement coincés par Israël certes mais surtout  par l’Egypte de Moubarak.

Probablement pour des raisons évidentes de déséquilibre des forces à l’avantage d’Israël évidemment.

Il faut rappeler à ce propos que depuis la création de l’Etat d’Israël, 4 guerres arabo israéliennes ont eu lieu, toutes à l’avantage de l’Etat hébreu (1948, 1956, 1967, 1973).

Le monde entier s’était accommodé de ces dictatures quand l’Occident (USA, Europe) n’a pas été directement à l’origine de leur installation.

Une question que l’on pourrait  se poser : Pourquoi des pays aussi  avancés socialement et économiquement, peuvent-ils être à l’origine de la mise en place de dictatures un contre modèle de celui qu’ils prônent partout et qui défend les droits de l’homme ?

Ces dictateurs ont même été des partenaires économiques ainsi que des  amis des démocraties (voire les démêlées qui ont eu raison de Michèle Alliot Marie, celle qui a payé pour tous).

Parmi les dictatures arabes il y a celles qui ont du pétrole :

Irak (Saddam Hussein renversé en deux temps et pays occupé par les USA), l’Arabie Saoudite (clan des Saoud et grand allié des USA), les pays du Golfe (Koweit pour lequel la coalition occidentale autour des USA s’est rapidement mise en place au moment où Saddam l’avait envahi), Bahrein, …), la Libye (Kadhafi et son régime tribal en proie aux bombardements de la part de  l’OTAN), L’Algérie (Bouteflika).

Parmi celles qui n’ont  pas de pétrole, il y a celles qui entourent Israël : l’Egypte (Moubarak renversé et lâché par les USA), la Jordanie (Roi Hachémite, sous perfusion US), la Syrie (clan Assad en proie à des boulversements)

et celles qui n’entourent pas Israël, de la péninsule arabique et de l’Afrique du Nord : Oman, Yémen (Saleh), Tunisie (Ben Ali) , Maroc (Roi Mohamed VI).

Pourquoi cette séparation entre les dictatures ?

Parce que nous pensons que selon que le pays  possède ou pas du pétrole, le sort qui lui est réservé sera différent. Et selon qu’il est ou non limitrophe d’Israël la donne ne sera pas la même.

L’implication par la force militaire et l’occupation du terrain des puissances occidentales ne sera pas la même.

Alors que les populations réclamant toutes la démocratie et la liberté partout dans ces pays arabes.

Comment de telles dictatures ont-elles pu résister autant de temps ?

Un double mensonge peut en grande partie l’expliquer.

Le mensonge interne ou local de la part des politiciens locaux, qui ont renversé les régimes en place, il y a 30 ans grâce à des coup d’états. Ils ont mobilisé les masses populaires sous des slogans hostiles à Israël en vue d’une guerre globale pour récupérer la terre spoliée à la Palestine. Ils ont fait peur à leurs populations et ont fait croire à leurs opinions publiques que la meilleure préparation à ce conflit majeur était une organisation militaire et dictatoriale. L’économie a été détournée dans les poches des familles régnantes avec leurs lots de corruptions inhérents à ce genre de régime. Les différents pays ont été appauvris.

À signaler que plus aucune guerre avec Israël n’a eu lieu depuis, c’est-à-dire depuis 1973  soit 38 années.

Le mensonge externe ou international de la part, cette fois-ci, des occidentaux (USA, France, Italie, Royaume-Uni essentiellement). Ils ont  justifié ces régimes totalitaires et ont fait croire à leurs  opinions publiques que de tels régimes rigides sont de véritables remparts contre l’extrémisme religieux (frères musulmans), l’obscurantisme et la dégradation de la condition humaine. Ce qui  leur a fait fermer les yeux sur les arrestations, emprisonnements, exécutions d’opposants modérés ou non à ces régimes comme le massacre de Hama en Syrie au début des années 80 contre les frères musulmans (on parlerait de plus de 20 000 morts) qui ont osé s’opposer au régime d’Hafez El Assad.

Mais ce massacre est resté secret dans la ligne politique adoptée par l’occident probablement pour ne pas heurter les consciences démocratiques.

Il s’est agit durant toutes ces années, de 1970 à nos jours, de museler toute critique, discussion ou liberté d’expression de ces populations avec l’approbation pour ne pas dire la connivence des démocraties occidentales.

L’individu, partout dans ces pays énumérés, n’a jamais été considéré en tant que tel. Il a été fondu dans un cadre plus grand manipulable et manipulé en tant qu’opinion publique.

La liberté individuelle réclamée par tous les manifestants montre à la fois cette volonté et ce besoin d’accéder à ce qui est communément usité en occident : la démocratie et la liberté d’expression, de pensée, d’écriture, de vote pour changer de régime ou de réaliser de profondes réformes en plus de la lutte quotidienne pour se nourrir et vivre décemment.

Des documents sortis du secret sont venus révéler des documents officieux à tous les pays, petit à petit, non seulement le langage diplomatique, souvent qualifié de « langue de bois » mais aussi les supercheries dont sont victimes essentiellement ces populations.

Elles se sont rendu comptes qu’elles étaient manipulées.

Les documents « WikiLeaks » ont été révélateurs de mensonges mettant mal à l’aise les officiels – qui ne font pas ce qu’ils disent et ne disent pas ce qu’ils font pour des « raisons d’état » -. L’on s’est rendu compte également que les ennemis jurés de toujours sont en fait des partenaires commerciaux ou économiques et que les populations ont été laissées pour compte et ne pouvaient plus espérer évoluer pour améliorer leur niveau de vie.

Et puis il y a indéniablement le véhicule de l’information représenté par « Facebook et Twitter », ces outils de communication sociaux qui ont permis d’exprimer ce qui a toujours été interdit : son opinion, de la partager à grande échelle au sein d’un pays, voire au delà, puisque les mêmes motivations ont conduit à se rendre compte que toutes les populations étaient logées à la même enseigne, celle de la pauvreté économique et culturelle imposée pour les rendre soumises et malléables.

La prise de conscience de ce décalage a rendu possible de tels soulèvements qui allient des besoins vitaux alimentaires, économiques et culturels non assouvis avec des responsables clairement identifiés que sont les différents régimes et les gouvernants en place depuis plus de trente ans, corrompus jusqu’aux os.

Il est à remarquer que  jusqu’à aujourd’hui aucun slogan anti israélien n’a été scandé dans les très nombreuses manifestations à travers le monde arabe depuis décembre 2010.

Le problème du moment n’est pas Israël ni la Palestine mais le besoin de s’alimenter et de liberté.

Il reste cependant beaucoup de questions sans réponse, en voici un échantillon :

– Quelle est la place exacte, dans ces soulèvements arabes, des services secrets des différents pays démocratiques ?

– Est-ce que l’immolation par le feu de ce malheureux tunisien, suffit pour mettre le feu à cette traînée de poudre qui est partie de la Tunisie pour s’arrêter on ne sait où ?

– Est-ce que le bombardement, franco-britannique relayé par l’OTAN, de la Libye n’a d’autre but que de venir en aide aux insurgés qui le leur demande et en passe d’être massacrés ?

– L’avenir politique de la Syrie sera-t-il démocratique et auquel cas l’OTAN interviendra-t-elle pour déloger Bachar El Assad si les insurgés le lui demandait ?

– Que dire d’Israël, tire-t-il son épingle du jeu ? L’avenir lui sera-t-il favorable comme l’ont été les 60 dernières années ?

Israël, un pays démocratique particulier.

À quand le soulèvement populaire en Israël, non pas des arabes israéliens mais des  israéliens eux-mêmes, que leurs dirigeants font vivre en permanence en état de tension permanente depuis plus de 60 ans.

À quand le soulèvement populaire israélien contre leurs propres dirigeants, démocratiquement élus, qui usent et abusent aussi de slogans mensongers et guerriers dans un but d’expansion territoriale agressive, inacceptable et injuste le mettant en permanence dans un état de guerre au détriment de la Palestine et de son peuple dont aucune des grandes nations démocratiques et protectrices des droits de l’homme ne se soucie guère.

Dr Riad JREIGE

Montpellier le 31/03/2011

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