Je m’adresse à tous les médias, journalistes et photographes avides de scoops sanguinaires, et les invite à relire le code de l’éthique journalistique, voire même humaniste : Arrêtez de faire de gros plans sur les blessés, les cadavres, les défigurés !

Mettez-vous une seconde à la place des familles de ces victimes – vous pourriez l’être un jour avec la fréquence des attentats au Liban – je suis sûre que vous refuseriez que les corps de ceux que vous aimez soient exposés à ce voyeurisme morbide !

NON je ne veux pas voir les restes du corps du terroriste responsable de l’attentat de Dahié.

NON je ne veux pas voir de zoom in sur les blessures des victimes de l’attentat du Hermel.

NON je ne veux pas voir les corps calcinés des victimes de l’attentat de Tripoli.

NON je ne veux pas voir le corps des militaires baignant dans leurs blessures, je ne veux pas voir le corps d’un Mohammad Chaar déchu ou la dépouille de Maria el Jawhari, je ne veux pas voir les blessés qui geignent devant vos yeux cruels à travers vos objectifs alors que vous auriez pu vous avancer pour les aider.

JE NE VEUX PAS VOIR NON PLUS LA VIOLENCE ET LE BARBARISME DES SYRIENS DANS SES MOINDRES DÉTAILS ! CES IMAGES SONT CENSÉES ÊTRE UTILISÉES DANS LES TRIBUNAUX SPÉCIALISÉS ET NON DIFFUSÉES EN MASSE SUR LES TÉLÉS, DANS LES JOURNAUX ET LES RÉSEAUX SOCIAUX, ET DISPONIBLES AUX YEUX DES HUMAINS DE 1 À 99 ANS !!!

Trente ans de conflits et de violences au Liban, nous n’avons pas été témoins d’images imprégnées de tant de voyeurisme et d’obscénités. Parce qu’en dépit de l’atrocité de notre guerre civile, au siècle dernier, les journalistes eux, étaient professionnels et avaient une valeur qui brille par son absence aujourd’hui : le respect de l’Humain.

Dites-vous qu’à 20h, les moins de 18 ans n’ont pas encore fermé les yeux, et la violence au quotidien les suffit. Pensez que tout comme il existe des criminels, les âmes sensibles existent encore et ont pleinement le droit de ne pas voir les horreurs que vous montrez avec autant de sang-froid, et que vous vous plaisez à décrire par-dessus le marché dans leurs moindres détails – et souvent, sans même avertir au préalable !

Ne pensez pas qu’en montrant cela vous choquez pour corriger. Avec cette banalisation de la terreur dont vous êtes en grande partie responsables, les crimes et les victimes ne font qu’augmenter.

NOS CORPS NE SONT PAS DES MARCHANDISES, DES SCOOPS, DES OUTILS DE MARKETING !

Je veux garder le meilleur souvenir de mes compatriotes et des personnes que j’aime, et je refuse la violence même si elle refuse de nous lâcher !

Je ne sais pas s’il y a une instance juridique auprès de laquelle on peut se plaindre pour que le journalisme ne se transforme pas en un club de charognards. Je ne sais pas non plus si l’éthique journalistique est enseignée dans les boutiques universitaires de nos jours.

Mais ce que je sais, c’est que si quelqu’un de ma famille, ou si je meurs un de ces jours dans un attentat puisque ceci est une chose très probable parce que la violence est monnaie courante, je refuse catégoriquement que mes restes ou mon corps (ou ceux de mes proches) soient exposés aux yeux du public. Ceci est un avertissement par écrit, et les concernés se chargeraient du nécessaire.

Par Marie-Josée Rizkallah

P.S. Il y a certainement encore des journalistes qui respectent les valeurs humaines, je ne généralise pas, mais leur silence vis-à-vis de ces pratiques perverses n’est pas en leur faveur. Dénoncez et interdisez cette banalisation de la violence !

Marie Josée Rizkallah
Marie-Josée Rizkallah est une artiste libanaise originaire de Deir-el-Qamar. Versée dans le domaine de l’écriture depuis l’enfance, elle est l’auteur de trois recueils de poèmes et possède des écrits dans plusieurs ouvrages collectifs ainsi que dans la presse nationale et internationale. Écrivain bénévole sur le média citoyen Libnanews depuis 2006, dont elle est également cofondatrice, profondément engagée dans la sauvegarde du patrimoine libanais et dans la promotion de l'identité et de l’héritage culturel du Liban, elle a fondé l'association I.C.H.T.A.R. (Identité.Culture.Histoire.Traditions.Arts.Racines) pour le Patrimoine Libanais dont elle est actuellement présidente. Elle défend également des causes nationales qui lui touchent au cœur, loin des équations politiques étriquées. Marie-Josée est également artiste peintre et iconographe de profession, et donne des cours et des conférences sur l'Histoire et la Théologie de l'Icône ainsi que l'Expression artistique. Pour plus de détails, visitez son site: mariejoseerizkallah.com son blog: mjliban.wordpress.com et la page FB d'ICHTAR : https://www.facebook.com/I.C.H.T.A.R.lb/

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