Au pays des Cèdres, impossible n’est pas libanais. Illogique, illégal, et insensé non plus. C’est du moins ce que l’on puisse dire concernant l’édification d’un complexe balnéaire privé de plus de cinq mille mètres carrés sur le littoral beyrouthin, censé être public. Paradoxalement, en toute légitimité, mais surtout en toute insolence.

Le soulèvement des collectifs et des associations contre la disparition du dernier espace encore accessible au public n’a aucunement gêné les promoteurs, encore moins le Mohafez ou gouverneur de Beyrouth, Ziyad Chebib. Ce dernier avait cet été, levé l’interdiction de construire sur cette plage publique, alléguant la surélévation du terrain par rapport au niveau de l’eau, et augurant ainsi le feu vert au projet.

Les activistes n’ont cependant pas baissé les bras : une manifestation a eu lieu durant le weekend, et une campagne virtuelle adressée au gouverneur Chebib a été lancée depuis plusieurs jours par le collectif Beyrouth Madinati, avec des photos où une ou plusieurs personnes tiennent un bout de papier sur lequel on peut lire  : “Mohafez Beyrouth, sauvegarde la plage de Beyrouth”.

Dans le même sillage de cette campagne, trois personnes, férues de Beyrouth, ont eu une idée qui sort du lot pour réclamer la protection de Ramlet el Baida. Trois femmes exactement. Chacune à sa façon, œuvre et lutte pour le bien du patrimoine local. La première est architecte restauratrice. Elle connait Beyrouth beaucoup, passionnément, voire sur le bout des doigts, presque pierre par pierre, pour avoir comme complexe mission la protection des bâtisses traditionnelles. La deuxième est archéologue et professeur à l’Université libanaise, tandis que la troisième est également archéologue.

«pour lancer une bouteille à la mer, il faut au moins que la mer soit là» écrivait Jules Vernes (1).

Ainsi, puisque la mer est encore là, avant que la civilisation du béton ne coupe tout accès au domaine public maritime de Beyrouth, Oussama Kallab, Nada Kallas et Marie-Antoinette Gemayel, ont lancé une bouteille à la mer, appelant le Mohafez de Beyrouth à sauvegarder la dernière plage de la capitale.

A l’issu d’un sinistre, lorsque tout espoir est perdu, le naufragé lance une bouteille à la mer. Si Beyrouth est en train de perdre son dernier front de mer public, il faut rappeler que le littoral libanais, long de 220km, manque gravement de plages publiques, les constructions privées ayant dévasté le territoire maritime. Si cet appel concerne Beyrouth, il est également valable à l’attention de tous les gouverneurs, des municipalités des villes et villages côtiers, pour protéger ce qui reste des espaces publics maritimes.

(1) VERNE, Jules, Les Enfants Du Capitaine Grant, Livre de poche, p. 100.

Marie Josée Rizkallah
Marie-Josée Rizkallah est une artiste libanaise originaire de Deir-el-Qamar. Versée dans le domaine de l’écriture depuis l’enfance, elle est l’auteur de trois recueils de poèmes et possède des écrits dans plusieurs ouvrages collectifs ainsi que dans la presse nationale et internationale. Écrivain bénévole sur le média citoyen Libnanews depuis 2006, dont elle est également cofondatrice, profondément engagée dans la sauvegarde du patrimoine libanais et dans la promotion de l'identité et de l’héritage culturel du Liban, elle a fondé l'association I.C.H.T.A.R. (Identité.Culture.Histoire.Traditions.Arts.Racines) pour le Patrimoine Libanais dont elle est actuellement présidente. Elle défend également des causes nationales qui lui touchent au cœur, loin des équations politiques étriquées. Marie-Josée est également artiste peintre et iconographe de profession, et donne des cours et des conférences sur l'Histoire et la Théologie de l'Icône ainsi que l'Expression artistique. Pour plus de détails, visitez son site: mariejoseerizkallah.com son blog: mjliban.wordpress.com et la page FB d'ICHTAR : https://www.facebook.com/I.C.H.T.A.R.lb/

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