Cet article est inspiré par la réédition de l’appel de Marie-Josée Rizkallah parue dans Libnanews en mars 2012 concernant la sauvegarde du port phénicien de Beyrouth. Il s’en veut une leçon et un guide. Les vestiges de ports phéniciens au Liban ne représentent pas seulement un patrimoine historique, ils peuvent être un levier pour une autre orientation économique et sociale.
Liban: Le port phénicien de Beyrouth égrène ses dernières heures après 2500 ans d’existence

Le respect de soi-même commence, dit-on, par le respect de l’autre. Il commence aussi par le respect de sa propre histoire. Les monuments, les vestiges, les traces physiques qui ont survécu aux aléas et vicissitudes sont des témoignages et des marqueurs de notre histoire comme d’un potentiel de notre devenir. Ils sont ainsi notre patrimoine, et c’est ce patrimoine selon que nous l’honorons ou l’effaçons que nous construisons notre avenir.

Le mouvement social qui a surgi du très-fond du peuple libanais en octobre 2019, et qui perdure malgré tout sous des formes même les plus anodines et silencieuses, a marqué d’un fer rouge le refus des politiques et pratiques de décennies de corruption qui a fini par gangrener l’ensemble du corps social, de financiarisation de l’économie, de spéculation foncière, d’un mépris hautain, y compris lorsqu’il s’exprime dans sous forme de sympathie paternaliste, de tout acte dont le but ne serait pas le gain sonnant et trébuchant. 

Que pourraient alors peser des ports phéniciens vieux de 2500 ans noyés dans ce jeu d’hyènes en mal de pâtures pour de juteuses spéculations foncières au profit de nantis de bas étage ?

Protéger, conserver et restaurer les ports phéniciens du Liban, c’est non seulement respecter son histoire, c’est dire aussi que l’on a entendu le soulèvement inédit, par sa forme comme dans son contenu, d’octobre 2019. C’est dire non, dans le quotidien de la vie économique et sociale, à l’ère des spéculations en tous genres de ces dernières décennies. C’est donner un gage fort d’une volonté de réorientation de l’action des pouvoirs publics en faveur d’autres valeurs. 

Et ces valeurs ne sont pas seulement historiques ou patrimoniales. Elles sont un sens du choix économique et social que l’on veut promouvoir.

La conservation, la restauration et la mise en valeur des ports phéniciens peuvent se révéler en outre un véritable trésor pour le Liban et le guide d’une nouvelle orientation par :

– la valorisation du tourisme en mettant le levier vers un tourisme durable et lieu de brassage des différentes communautés libanaises qui viendraient ainsi de différentes régions du Liban, auraient la possibilité d’être accueillies chez l’habitant, créant ainsi une ressource financière appréciable tout autant qu’un rapprochement humain intégrateur.

– la création d’une école navale publique puisant dans le génie naval des Phéniciens, le valorisant et le modernisant des savoir faire les plus avancés. Cela créerait des compétences à différents niveaux dans les techniques de construction navale comme dans les technologies électroniques et numériques.

– la création d’une entreprise nationale publique de chantiers navals spécialisés dans la construction de bateaux de pêche comme de plaisanciers inspirés des bateaux phéniciens. Cela créerait une industrie spécifiquement libanaise, produit d’un savoir-faire ancestral, source de créativité technologique et d’emplois de tous types de qualification.

Cela serait un exemple et une direction vers une économie libanaise fondée sur la création de valeur, de compétences, de respect de soi-même, de son patrimoine et de son histoire, une économie génératrice d’emplois pour une jeunesse hautement qualifiée.

Scandre Hachem

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