« Coupés de la vie elle-même », La défaillance du Liban concernant le droit à l’électricité

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L’électricité est l’élément vital de la vie moderne. Elle est indispensable dans presque tous les aspects de la vie et de l’implication dans les sociétés actuelles. Elle permet aux ménages d’être productifs, d’avoir une activité économique, d’éduquer leurs membres, de consulter des informations nécessaires, de préserver leur santé et de se divertir. Elle est essentielle pour l’éclairage, l’accès aux soins de santé, aux médicaments et aux aides fonctionnelles, l’approvisionnement en eau potable, la réfrigération des aliments, le chauffage et la climatisation des habitations, le transport, le fonctionnement des médias et l’accès à l’information.

Human Rights Watch en déduit que le droit à un niveau de vie suffisant protégé au niveau international comprend le droit de toute personne, sans discrimination, à une électricité suffisante, fiable, sûre, propre, accessible et abordable. L’accès à l’électricité est primordial pour garantir d’autres droits fondamentaux, y compris, mais sans s’y limiter, les droits à la santé, au logement, à l’eau et à l’éducation, et devrait être reconnu comme un droit humain à part entière. Les États ont le devoir de veiller à ce que toute personne se trouvant sur leur territoire ou sous leur juridiction ait accès à l’électricité. Cela implique de mettre en œuvre une production et un approvisionnement en électricité ainsi qu’une coopération internationale adéquats et pérennes pour garantir une électricité fiable, abordable et disponible pour l’utilisateur final.

Depuis près de 30 ans, les autorités libanaises sont dans l’incapacité de gérer correctement la compagnie d’électricité publique, Électricité du Liban (EDL). Cela entraîne des coupures d’électricité généralisées qui violent le droit de la population libanaise à l’électricité de même que ses droits secondaires à un niveau de vie suffisant, à l’éducation, à la santé, à la libre circulation et à un environnement sain. L’adoption de politiques non durables et l’incurie dont ont fait preuve les autorités pendant des décennies dans le secteur de l’électricité sont le résultat de l’accaparement par les élites des ressources de l’État, de la corruption et des intérêts particuliers. Elles ont provoqué l’effondrement complet du secteur sur fond de crise économique persistante, privant le pays d’électricité la grande majorité du temps.

S’appuyant sur une enquête représentative auprès de plus de 1 200 ménages, des entretiens avec des experts en énergie et un examen de la littérature technique, ce rapport met en lumière la façon dont les habitants du Liban font face à l’incapacité de l’État à fournir plus d’une à deux heures d’électricité par jour, le pourcentage du revenu des personnes qui sert à acheter de l’électricité d’origine privée, la manière dont ce système exacerbe les inégalités dans le pays et enfin l’impact que le manque d’électricité a sur la capacité des personnes à réaliser leurs droits les plus fondamentaux, les faisant davantage sombrer dans la pauvreté. Le rapport se penche ensuite sur les raisons de la désintégration du secteur de l’électricité et explique pourquoi le secteur a été si réticent face aux réformes. Enfin, le rapport formule des recommandations à l’intention du Liban et de ses bailleurs de fonds internationaux sur la forme que devrait prendre un secteur de l’électricité durable, abordable et respectueux des droits.

Depuis la fin de la guerre civile en 1989, la mauvaise gestion, la corruption, la négligence et l’incapacité à reconstruire l’infrastructure électrique ont progressivement empêché EDL de produire assez d’énergie pour répondre à la demande. Au lieu de cela, EDL a eu recours au rationnement de l’électricité, alimentant les habitants en électricité pendant 12 à

21 heures par jour jusqu’en 2021, avec un rationnement variable selon les régions mais plus sévère dans les zones éloignées de la capitale, Beyrouth. Entre 2008 et 2018, EDL est passée d’une production d’environ 78 % des besoins en électricité du Liban à environ 55-64 %.

Si les coupures d’électricité constituent un problème persistant depuis des décennies, elles ont débouché sur une véritable crise à l’été 2021, lorsque l’État libanais n’a pas réussi à se procurer les devises étrangères nécessaires pour acheter du carburant. Depuis cette période, EDL a du mal à fournir plus d’une à trois heures d’électricité par jour. Marché lucratif, mais très coûteux et très polluant, les générateurs diesel ont compensé le déficit d’approvisionnement pendant des décennies, mais leur production n’est accessible qu’à ceux qui en ont les moyens. L’électricité au Liban est effectivement devenue un service que seuls les plus riches peuvent s’offrir ; cette situation accroît les inégalités profondément marquées dans le pays et fait basculer davantage de personnes dans la pauvreté alors que le pays vit une des pires crises économiques de l’histoire moderne.

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Le rapport en anglais

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