Du monologue au dialogue.

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“N’écoutons pas qui croit que la colère est de droit contre des adversaires et prétend que cet emportement atteste de la grandeur d’âme et du courage. Rien au contraire ne mérite plus l’éloge et n’est plus digne d’un homme supérieur qu’une humeur accommodante et clémente.” Ciceron, des devoirs, p143, Flammarion,1967.

Un rêve obsède les libanais;  Celui de voir les chefs des partis, observer respectueusement leurs pensées réciproques, réaliser une communication bienveillante et initier un dialogue national constructif. Va t-on pouvoir, réconcilier le rapprochement des convictions tenaces avec des mentalités réfractaires, accepter de se détacher provisoirement des préjugés “autosuffisants” et reconnaître le partenaire dans la cohérence de ses diversités idéologiques,  culturelles et religieuses?  Comment se regarder autrement qu’à travers l’écho de nos résonances; individuelle et communautaire? Que faire pour dégager nos élans humains des appartenances aveugles et orienter nos réflexions vers l’exploration des intelligences?

Va t-on continuer à condamner la personne pour le mot dit ou s’arrêter pour réconcilier enfin en nous l’initiative de l’écoute et entendre l’homme?  Les craintes essentielles, les aspirations fondamentales ne sont ils pas ces non dits qui alimentent tant de sous entendus et de malentendus? On néglige cependant les expressions de leurs silences: les demi mots, les allusions et les subtils jeux de mots. On gagnerait à les reconnaître et à les considérer pour mieux comprendre la raison de ces inlassables monologues défensifs et offensifs cadrés par; la forte tension, la colère et les dépendances aux influences locales et régionales.

Nos politiciens et responsables causent abondamment ces jours ci au sujet des perspectives d’ententes, de nouvelles coalitions et de révisions éventuelles concernant certaines stratégies suivies. On ne daigne pourtant réviser certaines habitudes peu acceuillantes: Elles concerneraient; l’exposition verbale de slogans déjà bien connus de tous, l’insistance de conditionner l’autre camp à chaque prémisse de dialogue et les louanges à chaque réunion partisane. Elles demeurent néanmoins chargées de profondes mésententes et de graves méfiances, peu propices à l’esprit de la convivialité libanaise.

Ainsi, les monologues longtemps adoptés arrivent aujourd’hui à maturation et à saturation. Il nous faudrait probablement, avant qu’il ne soit trop tard, rompre avec les inhérentes solitudes et initier une distantiation avec les forteresses intérieures. On pourrait alors mieux percevoir le partenaire de la nation non seulement comme un adversaire coriace mais en tant que citoyen libre,  responsable et incontournable. C’est avec lui qu’on oeuvrerait bon gré, malgré, pour la difficile mais vitale cohabitation. Sinon, il ne resterait plus qu’à réserver les pensées et le langage de certains à la tour des monologues continus. Ses murs épais indiqueraient le choix de la surdité face à la tolérance du partage, du dialogue et de la coexistence.

Joe Acoury

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