Les artistes français qui ont chanté leurs premiers succès au Liban lorsque ce dernier baignait dans sa belle époque, n’ont pas oublié de se déclarer solidaires de ce petit coin de paradis déchu lorsque les conflits l’ont abattu et ont accablé son peuple. Adamo, qui a démarré sa carrière internationale en chantant son succès planétaire « Tombe la neige » à l’Epi Club ou au Stéréo Club, rue de la Phénicie, n’a pas hésité, lorsque sont tombés les obus ravageurs sur le sol libanais, à dédier un album au pays des cèdres, où il commémore l’âge d’or de cette contrée, et avoue avoir la mémoire qui pleure, et qui saigne…
Né le 1er novembre 1943 en Sicile, Adamo quitte son pays natal à 4 ans avec sa famille pour s’installer en Belgique. Elève studieux et calme, il se tourne vers le chant et la musique. Il sort vainqueur d’un concours dans un radio crochet en 1959. Ses premiers 45 tours ne rencontrent pas le succès attendu, mais c’est avec « Tombe la neige », « Vous permettez, Monsieur », « Les filles du bord de mer », « Mes mains sur tes hanches » qu’il connait un grand triomphe. Il a donné des concerts sur la scène internationale, notamment au Japon où il est sacré jusqu’à ce jour chanteur romantique indétrônable, ainsi qu’à Beyrouth.
Cependant, après sa chanson mal comprise « Inchallah », il fut interdit à tort dans les pays arabes, tout comme Enrico Macias. En dépit de son discours pacifique, refusant de prendre parti pour un peuple ou pour un autre, Adamo décide de modifier « Inchallah » en 1978 et en 1993 pour la transformer en un message de paix concret ; il se rend alors en Tunisie en 2003 où il est fortement applaudi. Ces applaudissements et cet accueil tunisien ne change en rien le fait qu’il soit toujours interdit au Liban, le Liban auquel il a effectué un hommage poignant au cours de ses années de guerres avec « Les Collines de Rabiah » qu’il a lui-même écrit et composé :
J’ai la mémoire qui chante
Quand, dans Beyrouth, je me revois
La démarche insouciante
J’étais personne et j’étais roi
J’ai la mémoire qui danse
Sur les collines de Rabiah
Quand le soleil, en transparence
Dessinait mille magnolias, mille magnolias
Beyrouth alors était un rêve
J’en cueillais ma petite part
La paix ne s’appelait pas trêve
La guerre était pour bien plus tard
La mer dormait devant ma chambre
Et s’étirait comme un gros chat
Les jours coulaient leurs senteurs d’ambre
Baudelaire aurait pu vivre là
Au coeur des magnolias
Sur les collines de Rabiah
Au coeur des magnolias
Sur les collines de Rabiah
J’ai la mémoire qui pleure
Quand, sur l’écran, je te revois
En images qui écoeurent
Pauvre Liban, j’ai mal pour toi
J’ai la mémoire qui saigne
Du sang versé par tes enfants
Et tes soleils soudain s’éteignent
Et plus personne ne comprend,
personne ne comprend
Que l’on massacre l’innocence
Comme à Damour ou Chatila
Qu’on vienne d’Amérique ou de France
Mourir au nom de quel Allah
Que pour se partager tes ruines
Au plus sanglant, reste le mieux
Et c’est la paix qu’on assassine
Qu’on écartèle entre tes dieux
Au coeur des magnolias
Sur les collines de Rabiah
Au coeur des magnolias
Sur les collines de Rabiah