Génocide 1915 : Un nouveau béatifié, Mgr Flavien Mikhael Melki

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Le Liban accueille sur son sol ce samedi, une cérémonie exceptionnelle de béatification d’un martyr du génocide assyrien de 1915, Monseigneur Flavien Mikhael Melki. Le diacre Youssef Dergham, membre du comité patriarcale pour la béatification du Mgr Flavien Mikhael Melki présidé par le patriarche de l’Eglise Syriaque Catholique sa béatitude Mar Ignace Joseph III Younan,  a bien voulu accorder une interview exclusive pour Libnanews, en dépit de sa course contre la montre avec des préparatifs pour une cérémonie de béatification en moins d’une vingtaine de jours…

  1. Le Moyen Orient ce samedi, plus précisément l’Eglise Syriaque catholique, va avoir un nouveau bienheureux. En quelques mots, qui est Flavien Mikhael Melki.

L’évêque Flavien Mikhael Melki est né en 1858 à Kalaat Maara à Mardine en Turquie et y est est décédé en 1915 ; nous pouvons le considérer comme l’évêque de toute la Turquie car il n’y avait pas d’autre évêque syriaque catholique en Turquie à l’époque. Le nouveau Bienheureux Mikhael Melki était également le compagnon du Bienheureux évêque arménien Ignace Maloyan, également martyr.

Au cours de l’été 1915, en plein dans le génocide arménien et assyrien orchestré par les Ottoman, Mgr Melki avait reçu maintes menaces de mort et avait été pressé de quitter sa paroisse. N’acceptant point d’abandonner ses paroissiens en détresse, qui enduraient misères, famine, et injustices, et à l’image du Christ, il prit un verset de l’Evangile pour devise : « Je verse mon sang pour mes brebis » et vend tout ce qu’il possède, même ses vêtements liturgiques, afin d’aider les démunis. Il est arrêté par les autorités turques qui lui donnent le choix entre la mort ou la conversion à l’Islam. Refusant de nier sa foi en Jésus Christ, il opte pour le martyre. Il est alors battu à mort puis décapité et jeté dans le fleuve du Tigre.

  1. Quelle leçon peut-on tirer de la vie du Mgr Melki qui a vécu en plein dans une période de persécution des Chrétiens au Moyen Orient?

Mgr Melki est un martyr de la foi, et les persécutions subies par le peuple chrétien depuis cent ans se perpétuent malheureusement de nos jours. A son exemple, les Chrétiens sont appelés à effectuer un témoignage de leur foi, qui est l’ultime témoignage auquel chaque vrai chrétien aspire.

  1. Le 29 août est le centenaire du martyr de l’évêque Melki, et comme nous le savons, cette année l’Eglise universelle commémore également les 100 ans du génocide des peuples du Proche et du Moyen Orient (arménien, assyrien, chaldéen, syriaque, grec). 100 ans plus tard, ces mêmes peuples endurent les mêmes fléaux avec des persécutions quasi identiques. Que représente cette béatification pour ces peuples qui souffrent ?

Les Chrétiens en Irak et en Syrie vivent une tragédie presque similaire à celle que leurs ancêtres ont vécue il y a cent ans : l’exode massif, les conversions forcées à l’Islam, les martyrs pour la foi. Ce nouveau béatifié vient rappeler à ces Chrétiens la force du témoignage qu’ils peuvent fournir avec leur foi, et vient également leur donner la force, par son intercession. Il peut également être invoqué en tant que patron de ces victimes qui abandonnent leur foyer, leur pays, et qui sont tués au nom de leur foi.

  1. On apprend que la décision de la béatification a été prise le 8 Août, lors d’une rencontre entre le Pape François et le Cardinal Angelo Amato, préfet de la Congrégation des causes des Saints. Vous aviez très peu de jours pour préparer un évènement d’une telle ampleur. Comment avez-vous fait ?

Le temps manquait énormément pour préparer un évènement d’une telle ampleur, mais nous sentions à chaque moment que le bienheureux Flavien Mikhael Melki nous accompagnait et nous aidait dans chaque pas et dans chaque étape. Nous avons insisté que le 29 août soit le jour de la béatification, même si la décision n’a été émise que le 8 août, parce que le 29 août est le jour de son martyr.

  1. Un nouveau tableau du béatifié sera révélé au public lors de la cérémonie de béatification, ainsi qu’une nouvelle statue abritant ses reliques. Pouvez-vous nous en parler d’avantage ?

Nous avions heureusement en notre possession une photo en noir et blanc du Mgr Melki. Avec l’aide précieuse de l’artiste Mme Pascale el Corm, nous avons réussi en un temps record, à effectuer un tableau illustrant le portrait du béatifié en couleur. C’est ce tableau qui sera adoptée officiellement lors de la cérémonie de la béatification, et nous tenons à remercier l’artiste pour sa collaboration.

Tandis que la statue, nous avons également réussi en un temps record, à réaliser une statue en bronze, avec sa réplique en résine. Cette statue, que j’ai sculptée par mes propres soins, renfermera les reliques du béatifié et sera introduite au sein de l’église lors de la cérémonie ce samedi. Elle sera ensuite installée dans le vieux monastère de Charfet.

  1. Pourquoi avoir choisi le monastère Notre-Dame de Charfé pour déposer les reliques du Bx Melki et pour l’organisation de la cérémonie officielle de béatification ?

Comme vous le savez, le monastère Notre Dame de Charfé est le siège patriarcal de la communauté Syro-Catholique d’Antioche et de tout l’Orient, abritant en même temps un séminaire. C’est dans ce séminaire que le bienheureux Melki est venu faire ses études en théologie, avant de devenir prêtre. C’est pour ces raisons que notre patriarche ainsi que les Pères du Synode, ont choisi le monastère de Charfet pour accueillir un tel évènement.

  1. Quel message aimeriez-vous adressez aux Libanais, qui accueillent cet évènement de très grande importance sur leur sol, dans le haut-lieu historique qu’est N. D. de Charfet, voisine du sanctuaire de N. D. du Liban. 

Le béatifié ne peut être limité dans l’espace et le temps. Il vient donner un témoignage de foi au peuple chrétien aux quatre coins du globe. Cependant, au Liban, terre de sainteté et patrie des héros de la foi, je m’adresse à tous les Libanais qui s’attache encore à leur terre et à leur foi, et les invite à prier à ce nouveau bienheureux et à suivre ses pas en témoignant leur foi par les paroles et par les actes. Et j’invite tout le monde, demain, samedi à 6h30 à Charfet pour participer à la messe solennelle de béatification. Des bus seront disponibles au parking Fouad Chehab à Jounieh,  au parking du sanctuaire de Harissa ainsi qu’au parking de la Forêt Ghosta pour faciliter l’accès à Charfet.

  1. Enfin, si vous avez une prière à adresser à Dieu par l’intercession du Bx Flavien Mikhael Melki, quelle serait-elle ?

Je m’adresse à lui en lui implorant de nous accorder la force qu’il a eu à supporter la misère, l’injustice et la persécution, et le prie de nous enraciner dans notre foi pour qu’elle soit inébranlable, à l’image de sa foi et de son martyr.

Propos recueillis par Marie-Josée Rizkallah pour Libnanews.com

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Marie Josée Rizkallah
Marie-Josée Rizkallah est une artiste libanaise originaire de Deir-el-Qamar. Versée dans le domaine de l’écriture depuis l’enfance, elle est l’auteur de trois recueils de poèmes et possède des écrits dans plusieurs ouvrages collectifs ainsi que dans la presse nationale et internationale. Écrivain bénévole sur le média citoyen Libnanews depuis 2006, dont elle est également cofondatrice, profondément engagée dans la sauvegarde du patrimoine libanais et dans la promotion de l'identité et de l’héritage culturel du Liban, elle a fondé l'association I.C.H.T.A.R. (Identité.Culture.Histoire.Traditions.Arts.Racines) pour le Patrimoine Libanais dont elle est actuellement présidente. Elle défend également des causes nationales qui lui touchent au cœur, loin des équations politiques étriquées. Marie-Josée est également artiste peintre et iconographe de profession, et donne des cours et des conférences sur l'Histoire et la Théologie de l'Icône ainsi que l'Expression artistique. Pour plus de détails, visitez son site: mariejoseerizkallah.com son blog: mjliban.wordpress.com et la page FB d'ICHTAR : https://www.facebook.com/I.C.H.T.A.R.lb/

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