La 3V sur Le Mariage Civil au Liban

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Ce texte est une synthèse des échanges élaborés par les membres de « La Troisième Voix pour le Liban » à propos du Mariage Civil.
Le mariage civil, au delà du « phénomène amoureux », serait l’expression d’un acte social susceptible de constituer une ébauche pour l’édification d’un État laïc.
Cette laïcité pourrait donc être le reflet de la neutralité et du respect, exprimés par l’État, par rapport à toutes les opinions religieuses des citoyens. Or aujourd’hui, le régime du statut personnel libanais auquel nous avons recours dans notre vie privée ne fait que souligner nos différences.

Le mariage civil pourrait constituer un premier pas vers un changement des mentalités, en faveur d’une approche laïque. Il garantirait une égalité dans le statut personnel de tous les libanais.
Le point central du mariage civil est qu’il symbolise la liberté du choix. Le choix de deux individus qui s’autorisent à régir leur propre union et les éléments qui constituent leur mariage. C’est là aussi, où les femmes peuvent se sentir sur un pied d’égalité par rapport aux hommes et protéger ses droits sans être prisonnières des lois divines.
Le mariage civil ne constitue pas en lui-même une structure politique. Il est cependant un marqueur significatif au sein de la société qui déterminerait combien celle-ci serait prête à adopter une structure politique laïque.

L’université constitue un excellent espace de rapprochement pour les jeunes, la possibilité du mariage civil ouvrirait les portes aux mariages mixtes qui briseraient les barrières du confessionnalisme. Puisqu’il est très difficile de moderniser nos institutions politiques ou religieuses, pourquoi ne pas commencer par renforcer le pouvoir de la société civile pour qu’elle initie le changement sans avoir à demander l’autorisation des grandes institutions mais plutôt tenter de les convertir à cette cause juste. Le mariage civil serait un de ces outils permettant cette opération. Aboutir à cette étape serait déjà une avancée majeure. Le mariage civil deviendrait alors une option intéressante au service du droit légal du peuple. Il ne s’agit pas d’encourager les gens à y adhérer mais de leur donner le choix.

Commençons par faire admettre le mariage civil comme option légitime et nécessaire. Commençons par y adhérer et voyons comment toutes et tous, citoyennes et citoyens d’une même nation, nous conjuguerons avec cette option. Le travail commence avant tout, en chacun de nous, par une prise de conscience de ce qui nous définit et caractérise notre identité en tant que citoyens libanais. Car avant de parvenir à une maturation réelle du concept confessionnel, même la méritocratie comme base de la pratique politique, risque d’être contaminée par les appartenances. Elle deviendrait alors axiologique, c’est à dire pratiquée en fonction des valeurs dominantes et intrinsèques à l’exercice d’une politique religieuse.
L’institution du mariage civil ne devrait pas passer inéluctablement par l’instauration d’un régime fondé sur la séparation de la religion et de l’État. Celle-ci n’appelle guère au changement de croyance ou d’identité religieuse, mais à une volonté politique. Par ailleurs, s’il ne s’opère pas un changement au niveau des attitudes mentales, qui justement seront testées par l’adhérence au mariage civil, pousser vers un Etat laïc, risquerait d’être un enjeu menaçant et abusif pour les minorités…

Pour le moment, il est difficile d’imaginer comment un parlement sectaire peut effectivement renforcer la loi pour le mariage civil qui risque d’affaiblir le fondement même de sa légitimité.
La laïcité « orientale » garderait ses traditions orientales. En France par exemple, la laïcité impose de ne pas aller à l’école en tenue religieuse, au Liban, si nous nous aventurons dans une forme de laïcité qui ne respecterait pas la liberté de chaque individu dans ses croyances et fabriquerait un produit stérilisé, sans forme, issu d’une laïcité universelle, nous signerons peut-être un échec. C’est pourquoi, travailler sur une laïcité orientale qui pourrait être acceptée par toutes les instances actuelles, semble être un argument solide pour faire accepter cette idée.
La laïcité dans sa conception française est la séparation de la religion et de l’Etat, à distinguer du système séculaire que nous retrouvons dans d’autres pays européens. La laïcité est un vrai acte de foi en France. Cette laïcité permet à tout un chacun de croire ou ne pas croire, cette liberté de conscience relève de la sphère privée. Aucun pays arabe ne peut se targuer d’être ou d’avoir été laïc. La Turquie a trouvé un modus vivendi garanti par le poids de l’armée.

Le mariage civil pourrait donc être instauré sans nécessairement aboutir à une sécularisation immédiate et totale, il serait alors une porte entrouverte au cheminement vers cette sécularisation. Réclamons-la, mais gare à un État laïc mal conçu.

Pour résumer et pour conclure; pour certains, hélas, l’institution du mariage civil serait quasiment le prélude d’une déconstruction de notre civilisation chrétienno-musulmane, et constituerait une passerelle vers la disparition de notre identité religieuse. Il n’en est rien. Nous croyons qu’accorder le droit au mariage civil au Liban est un geste profondément humain permettant, entre autres, de mettre fin au confessionnalisme mais en aucun cas il ne se substituerait aux mariages religieux. C’est tout bonnement une alternative voire un complément optionnel de libre choix qui permettrait aux couples mixtes notamment de choisir librement leur état conjugal. Bref, égalitaire dans le bon sens.
De ce point de vue, la liberté du mariage civil est une composante de la liberté personnelle, autrement dit de la liberté individuelle que garantit expressément notre Constitution dans son article 8. C’est d’ailleurs cette liberté personnelle qui nous permet de contracter librement dans la vie de tous les jours. Pourquoi donc en-irait-il autrement en matière de mariage civil? Priver les citoyens d’une telle option, n’est-ce pas réduire leurs libertés personnelles?

Il est temps d’agir. La relation entre individus est du ressort de la société civile dans son ensemble. Celle-ci doit se prononcer à ce sujet. Si elle est prête à ce changement, ce qui est le cas en l’occurrence, l’État n’aurait alors d’autre choix que d’en fixer le cadre. Pour preuve, jusqu’en 1936, le mariage des couples libanais à l’étranger étaient encore « sans effet » au Liban. Ce n’est en effet qu’après l’entrée en vigueur de l’arrêté 60 L.R. (lois et règlements de 1936 édictés sous le mandat français), que ces mariages civils contractés hors du pays furent valablement reconnus par les Autorités libanaises. C’est d’ailleurs grâce à cette clause « échappatoire » à la communauté religieuse que ce type de mariage peut être transcrit aujourd’hui dans les registres d’état civil libanais, si bien que l’on vient à se demander s’il n’est pas injuste d’exclure de son bénéfice les couples n’ayant pas les moyens de se marier civilement à l’étranger! C’est donc à ce titre que nous croyons qu’il est essentiel que l’État libanais accorde les mêmes droits à tous ses citoyens en instituant le mariage civil pour tous au sein du Code civil libanais. Il y va du respect du principe d’égalité devant la loi qui trouve un multiple « ancrage » explicite dans le corpus constitutionnel.

« La Troisième Voix pour le Liban »

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