Le siècle des Lumières représente un mouvement philosophique, littéraire et culturel  qui a rendu beaucoup de services à l’humanité en luttant efficacement contre  l’obscurantisme et en s’opposant à la superstition, à l’intolérance et aux abus des pouvoirs ecclésiastiques et étatiques.

L’obscurantiste prêche une attitude rigide de conformisme et diabolise le savoir. Il  préfère le repli, la rigidité restrictive et souvent la violence aux vérités libératrices pourtant démontrées. Il est souvent associé au moyen-âge, à L’Inquisition et aux autodafés qui ont «  récompensé » les efforts et les œuvres des savants et artistes. Voltaire en  parlait déjà de De l’Horrible danger de la lecture. Il n’en faut pas trop pour comprendre qu’il y a toujours  une relation intime entre d’une part l’ignorance et la servitude, et d’autre part  l’esprit critique et la liberté.

La liberté d’expression compte, en France, parmi les libertés fondamentales, puisqu’elle est l’objet des articles 10 et 11 de la déclaration des droits humains de 1789. La loi de 1881 abolit définitivement le délit de blasphème, même dans sa forme sécularisée d’atteinte à la morale religieuse. Cependant, il faut bien noter les réserves : «  En France, il est possible d’insulterune religion, ses figures et ses symboles, il est en revanche interdit d’insulter les adeptes d’une religion ».

Pour les expatrié.e.s, l’adaptation à une nouvelle culture est souvent perturbante. Dès 1996, Samuel Huntington avait dit du siècle, qu’il sera celui du  choc des civilisations. La liberté d’expression en France,  ne peut que puiser dans la liberté intellectuelle héritée des lumières et spécifique de l’esprit français, qui détient un record dans le culte de la liberté, depuis les siècles passés. Cela a fait de Paris, la destination privilégiée et le refuge des artistes et intellectuels du monde entier y compris des Européens parmi eux. Pour comprendre cet attachement à la liberté intrinsèque à la nation et à la langue françaises, faisons un petit tour loin des concepts religieux, dans le contexte politique et sexuel.

Le french cancan, l’un des symboles de la France et plus spécialement de Paris, a toujours eu une réputation sulfureuse. Il a toujours incarné l’audacieuse liberté parisienne dans le contexte du spectacle. Ses danseuses  acrobates nues, se meuvent sur des airs d’Offenbach dans des cabarets conçus comme des hauts-lieux touristiques, à titre d’exemple le Moulin rouge.

La statue de la liberté est construite en France et offerte par le peuple français au peuple américain pour  le centenaire de la Déclaration de l’indépendance américaine.  D’abord l’idée est celle du juriste et professeur au Collège de France Édouard de Laboulaye.  On  trouve également la signature de l’architecte Eugène Viollet-le-Duc et de l’ingénieur Gustave Eiffel dans certaines étapes de sa réalisation. La coiffe de la Liberté est directement inspirée du Grand sceau de France, symbole officiel de la République française. Le Grand Sceau de France  représente également  la Liberté sous les traits de Junon assise, coiffée d’une couronne de lauriers.

 Avant de s’en prendre à la liberté «  française » comment s’exprime-t-elle  dans la langue du vécu ? Si on considère le french Kiss, c’est un baiser universel qui met en relief la sensualité assumée. Chez les Anglo-Saxons, l’expression est même devenue un verbe: «I French kissed her».

La vie privée des personnalités politiques, a fortiori d’un président de la République, est en France, une affaire personnelle qui ne devrait ni choquer la presse  ni le public, tandis qu’aux États-Unis, cela appartient au domaine public et constitue une source  en radotages et ragots pour les médias ainsi qu’une menace pour le président. Les Français sont habitués à respecter les liaisons privées des hommes publics.  En 1989, un journaliste demande à François Mitterrand  de commenter la rumeur sur sa fille biologique, le Président le remet à sa place avec  son dédaigneux « Et alors ? » et passe à la question suivante. Aucune loi n’impose  cette « retenue » médiatique mais les Français eux-mêmes contribuent à la banaliser, à l’habiller de discrétion, grâce à leur tradition de respect de la vie privée. Ce qui n’est pas du tout  le cas aux USA, où tout le monde se rappelle  l’aventure de Bill Clinton avec Monica Lewinsky  très mal reçue par les Américains, faisant office de scandale planétaire, qui s’est soldée finalement par les excuses publiques du chef de L’Etat. Comment les médias étrangers jugent l’histoire de François Hollande entré aux bras de sa compagne (ou «  sa maîtresse » dans d’autres cultures) au palais de l’Elysée et entretenant une relation d’amour avec l’actrice Julie Gayet ? Le très sérieux quotidien allemand Handesslblatt a évoqué « la surprenante réaction unanime des hommes politiques français qui condamnent la violation de la vie privée  du chef de l’Etat, sans essayer de l’exploiter médiatiquement ». Est-il besoin de rappeler le mariage du Président Macron avec son aînée de vingt-cinq ans et sa professeure, qui a abandonné son mari pour lui, sans que cela ne fasse tache ni dans sa famille, ni aux yeux de la société ?

Il y a chez les Français et plus spécialement les Parisiens, cette gouaille, ce sens de la liberté, de l’humour et de la répartie qui s’inscrit  dans leur langue fleurie et  même dans leur accent. Chez nous en Orient, ce n’est pas sans nous rappeler les blagues licencieuses des Zahliotes au Liban, ou les expressions populaires égyptiennes, dans certains milieux et certaines régions du pays des Pharaons. De même, la liberté qui a caractérisé  le 7ème art égyptien, depuis plus d’un demi-siècle, dans les scènes d’amour explicites et sensuelles à souhait, constituait une exception dans les pays arabes y compris pour le Liban,  considéré comme le plus moderne et le plus «  occidental », parmi tous les autres pays de la région. Jusqu’aujourd’hui, on ne trouve point un réalisme pareil au cinéma libanais bien que  notre pays se situe à l’avant-garde des idées et des modes. Depuis toujours, le Paris de Montparnasse, de Montmartre, de Saint-Germain des Prés, représente la possibilité pour les artistes venus du monde entier de vivre leur vie tant sur le plan  artistique, politique , sexuel qu’INTELLECTUEL.  La capitale française ne peut renier sa vocation naturelle pour la liberté. Elle ne peut renier son statut éternel de république mondiale des lettres et par conséquence, son tribut à la liberté d’expression. On l’aura compris, l’esprit français des Lumières, c’est la liberté mais c’est également les valeurs de fraternité et d’égalité, car l’une ne va pas sans l’autre.   « Aujourd’hui nous recevons trois éducations différentes ou contraires : celles de nos pères, celles de nos maîtres, celle du monde. Ce qu’on nous dit dans la dernière renverse toutes les idées des premières ».

Par suite, il faut s’ouvrir au monde, connaître et respecter les spécificités des identités pour qu’elles ne deviennent ni meurtries, ni «  meurtrières ».

Carol Al Ajami
Carol Ziadé Ajami, est l’auteure du Best-seller Beyrouth ne pardonne pas, Editions Erick Bonnier. Conférencière en français et en arabe, elle est intervenue dans des colloques internationaux et ses livres ont été enseignés dans des établissements prestigieux au Liban. (Notre-Dame de Jamhour, Les Saints-Cœurs Sioufi, La Sagesse, l’UL, l’USEK etc ..…) Ses deux romans Beyrouth ne pardonne pas et Père pourquoi m’as-tu abandonnée ont fait l’objet de dizaines d’articles dans la presse francophone et arabophone libanaises. Le 7 octobre 2019 elle fut l’invitée d’honneur de la 34èmeédition de la cérémonie de remise des prix Méditerranée et Spiritualité à Perpignan. En France, elle a déjà été l’invitée de l’ambassade du Liban à Paris en octobre dernier, de France 24 le 4 octobre 2019 et de Radio Orient. Pour la sortie de son manifeste Beyrouth Connection, Les Fossoyeurs du Liban éditions Erick Bonnier, elle sera en direct sur les antennes de TV5 Monde le 9 octobre prochain.

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