Après que le ministère libanais des Affaires étrangères a publié un communiqué condamnant l’invasion de l’Ukraine par la Russie, une controverse a éclaté au sein même du gouvernement.

Pour rappel, la Russie est très présente possédant par ailleurs des intérêts économiques importants au Liban, avec son implantation au Nord du Liban via le contrat de gérance des installations de stockage pétroliers de Tripoli ou la présence de ses entreprises au sein du consortium en charge d’explorer et d’exploiter les ressources pétrolières et gazières qui seraient possiblement présentes dans les zones maritimes exclusives.

Moscou est intervenu par ailleurs en Syrie pour combattre au côté du Hezbollah, de l’Iran et du régime syrien, les forces de Daesh et d’Al Nosra. L’armée russe possède plusieurs bases militaires dont celle du port de Lattaquieh ou la base aérienne de Hamanieh.

L’ambassadeur russe au Liban Mikhaïl Bogdanov aurait ainsi demandé à son homologue libanais à Moscou mais présent au Liban s’il avait été consulté quant à la déclaration publiée ou si celle-ci avait été effectuée à l’insu du Président de la République et du premier ministre. Cette déclaration a été pourtant publiée à l’issue de consultations entre les 2 hommes. Quant au président de la chambre, Nabih Berri, il indique ne pas avoir été informé préalablement du texte, provoquant ainsi un nouvel incident entre les différents pôles du pouvoir.

Le ministre du travail Moustapha Bayram, un de ses proches, a publiquement rejeté cette déclaration lors du conseil des ministres, estimant que celle-ci viole le principe de neutralité adopté par le gouvernement libanais.

Le Hezbollah a également réagi rappelant la présence d’un nombre important d’étudiants et les investissements libanais en Russie, estimant que la déclaration libanaise intervient à la demande des Etats-Unis et estime qu’il y une neutralité sélective, note le député Ibrahim Moussaoui.

Côté suite, Les ambassadeurs de France et d’Allemagne ont salué la déclaration libanaise condamnant les opérations russes en Ukraine mais n’ont pas obtenu gain de cause concernant la suite, les autorités libanaises annonçant qu’elles ne voteront pas la résolution condamnant la Russie devant le conseil de sécurité de l’ONU et réservent leur réponse concernant le vote devant l’Assemblée Générale de l’ONU. Ce vote sera effectué en conformité avec les décisions des autres pays arabes, annonce le ministre des affaires étrangères Abdallah Bou Habib

“La légitimité internationale et le droit international représentent la principale garantie de protection de la paix et de l’ordre internationaux et de l’intégrité territoriale des petits pays, en particulier que le Liban a beaucoup souffert de l’occupation israélienne et de ses violations continues jusqu’à présent”, rappelle le ministre avant de poursuivre, estimant que “la position libanaise n’est pas ciblée contre la Fédération de Russie ni contre d’autres nations amies ; c’est plutôt une position de principe et ferme que le Liban a adoptée et adoptera toujours pendant toute crise similaire”.

Focus: l’importation de blé par le Liban menacé

Le Liban important 55% du blé consommé localement d’Ukraine, pays touché actuellement par la guerre avec la Russie, de nombreuses inquiétudes se font entendre à Beyrouth en raison des capacités réduites actuellement du stockage suite à l’explosion du port de Beyrouth, le 4 août 2020. Pour rappel, les silos à blé du port de Beyrouth avaient alors été totalement détruit.

Si les réserves actuelles que possède le Liban atteindraient 1 mois et demi de consommation – des réserves considérées comme parmi les plus basses dans le monde arabe, l’Egypte par exemple disposant de 9 mois de réserves et le Maroc de 5 mois – et que 5 navires sont actuellement attendues, des difficultés de paiement de la Banque du Liban et l’effondrement du système financier inquiètent certains responsables locaux sous couvert de l’anonymat. Ils notent ainsi que les principaux pays exportant leur blé au Liban sont l’Ukraine mais également la Russie qui pourrait être touchée par d’importantes sanctions financières réduisant le commerce avec elle.

Par ailleurs, l’aide internationale pourrait être rendue difficile, les difficultés d’approvisionnement augmentant pour de nombreux pays.

Ainsi, Beyrouth pourrait ainsi devoir payer plus cher son blé afin de répondre à la demande locale, alors que les réserves monétaires de la Banque du Liban sont aujourd’hui largement ponctionnées par la politique d’injection de devises étrangères pour stabiliser la monnaie locale.

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