Dans son rapport semestriel, la Banque Audi prétend que la dette publique libanaise a dépassé le seuil symbolique des 100 milliards de dollars, tout en estimant que celle-ci serait inférieure à 10 milliards de dollars si ces 100 milliards sont échangés en livres libanaises au taux de la plateforme életronique de la Banque du Liban, Sayrafa. Un gros bémol à ces propos, la valeur intrinsèque des eurobonds dépasse la somme de 38 milliards de dollars à eux-seul. S’il s’agissait donc de faire ce calcul, il aurait aussi fallu considérer la part en devises étrangères de la dette publique pour la différencier de la dette libellée en livres libanaises.

C’est là précisément que le bât blesse. La dette publique libanaise, si on prenait ces critères devrait ainsi atteindre non pas 10 milliards de dollars, mais plus de 38 milliards de dollars auxquels se rajouteraient 62 milliards de dollars à 1507 LL/USD ou encore 3.6 milliards de dollars, équivalent à une dette totale de 43.6 milliards de dollars selon Sayrafa, dépassant de loin, encore une fois contrairement à ce que prétend la Banque Audi, le PIB qui est inférieur à 20 milliards de dollars. Notre taux d’endettement dépasse dont les 200% par rapport au PIB.

Il faut également rappeler que le Liban n’a toujours pas ouvert un processus de négociation avec les détenteurs d’Eurobonds et que des accords bilatéraux de protections des investissements existent avec certains pays, comme la France par exemple. Ces traités stipulent que les sommes dues par un des signataires restent estimées à la valeur précédent l’instauration de mesures extraordinaires, ici du contrôle des capitaux ayant amené au gel des dépôts. Ainsi, la dette publique libanaise même en livre libanaise doit être considérée par rapport à la valeur de la parité officielle au moment de l’état de défaut de paiement, c’est-à-dire à sa parité officielle, et non au taux Sayrafa. Evoquer des négociations aujourd’hui ne règle pas la question de la dette publique et ne permet surtout pas d’en anticiper les résultats d’autant plus que des fonds vautours possèdent d’importants volumes de dette publique libanaise libellés en devises étrangères suite à la vente d’euro bonds par les banques libanaises qui souhaitaient ainsi disposer d’un levier sur le gouvernement Diab et espérer ainsi ne pas officialiser un état de défaut de paiement pourtant technique depuis mai 2019 après l’échec du gouvernement Hariri à honorer le paiement d’eurobonds arrivés à maturité. La BdL avait, à ce moment là couvert le ministère des finances.
Ces groupes vautours peuvent ainsi bloquer tout le processus jusqu’à l’obtention de ce qu’ils désirent et leur objectif n’est surement pas de s’aligner sur le taux Sayrafa et d’être remboursés en livre libanaise mais en devises étrangères à un taux considéré comme raisonnable selon eux.

Considérant ce facteur, la dette publique libanaise reste toujours au-dessus des 89 milliards de dollars auxquels se rajoutent les 11 milliards de dollars contractés en livres libanaises après l’état de défaut. La dette publique libanaise dépasse ainsi les 90 milliards de dollars toujours à mettre en rapport au PIB qui atteint moins de 20 milliards de dollars désormais après 3 ans de crises. Le taux d’endettement, dans un tel raisonnement, est à un niveau record puisqu’il dépasse les 450% par rapport au PIB.

On peut toujours manipuler les chiffres et l’opinion publique mais les chiffres et la logique, eux, ne trompent jamais personne.

Diminuer la taille de la dette publique reste évidemment dans l’intérêt de certains qui essayent de se dédouaner de leurs responsabilité dans cette crise qui reste avant-tout financière. Cependant, diminuer la dette publique n’est pas dans l’intérêt des déposants, qui sont directement ou indirectement via leur exposition par les banques les principales victimes de cette fraude comme l’a si bien précisé la Banque Mondiale dans son dernier rapport publié en début de semaine.

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