L’affaire de Riad Salamé, ancien gouverneur de la Banque du Liban, prend une nouvelle dimension avec la transmission de son dossier à la Cour de cassation française, marquant une étape clé dans une série d’enquêtes internationales visant à faire la lumière sur des accusations de blanchiment d’argent et de détournement de fonds publics. Le ministre libanais de la Justice, Henri Khoury, a confirmé que Salamé fait l’objet d’une enquête préliminaire en France, soulignant l’importance de ce développement dans le cadre des efforts visant à démanteler les réseaux de corruption au sein du secteur financier libanais.
Contexte de l’arrestation de Riad Salamé au Liban
Le 3 septembre 2024, Riad Salamé a été arrêté au Palais de Justice de Beyrouth sur décision du procureur général par intérim Jamal Hajjar, après des mois de pressions nationales et internationales. Cette arrestation s’inscrit dans une série de scandales révélant les méthodes utilisées par Salamé pour dissimuler les pertes financières de la Banque du Liban et enrichir ses proches. L’enquête sur Forry Associates Ltd et Optimum Invest, deux sociétés offshore impliquées dans des opérations de blanchiment d’argent, a révélé des montages financiers complexes, contribuant à l’effondrement de la stabilité économique du Liban.
Les enjeux de l’affaire Optimum et Forry
L’affaire Optimum Invest a notamment permis de mettre en lumière un système de “round-tripping” impliquant des prêts de la Banque du Liban à Optimum pour acheter des obligations d’État libanaises, puis leur rachat à un prix majoré. Ce procédé a généré des gains fictifs évalués à environ 8 milliards de dollars, masquant les pertes croissantes de la Banque centrale libanaise, tout en enrichissant des acteurs au cœur de ce système. De plus, la société Forry Associates Ltd, dirigée par Raja Salamé, frère de Riad, est accusée d’avoir perçu des commissions illicites lors de la gestion des réserves de la BDL, avec des montants estimés à plusieurs centaines de millions de dollars.
Les investigations menées en Europe, notamment par le Parquet National Financier (PNF) en France, se concentrent sur la traçabilité des fonds utilisés pour l’acquisition de propriétés de luxe à Paris et dans d’autres grandes villes européennes. Ces biens immobiliers, appartenant à Salamé et à ses proches, seraient issus de fonds détournés lors de son mandat à la tête de la BDL.
Implications pour le secteur bancaire libanais
Les ramifications de cette affaire ne s’arrêtent pas à Salamé. Plusieurs banquiers libanais ont également été interrogés dans le cadre de ces enquêtes, notamment Marwan Kheireddine, ancien ministre et directeur de la Banque Al-Mawarid. Kheireddine est suspecté d’avoir joué un rôle crucial dans le transfert de fonds illicites à l’étranger, profitant de la crise économique libanaise pour réaliser des profits colossaux au détriment des déposants.
De plus, les enquêtes visent à déterminer l’implication de certaines banques libanaises, accusées d’avoir contourné les restrictions sur les retraits de devises et de permettre des transferts massifs vers l’étranger alors que le pays était en pleine crise de liquidité. Les banques Audi, Fransabank et la Société Générale de Banque au Liban (SGBL) figurent parmi les établissements visés par ces enquêtes, avec leurs dirigeants dans le viseur des procureurs européens et libanais.
Une coopération judiciaire internationale
La coopération entre la justice libanaise, française, et d’autres juridictions européennes est cruciale dans cette affaire. Le mandat d’arrêt international émis contre Salamé en mai 2023 par la juge française Aude Buresi, suivi de la notice rouge d’Interpol, témoigne de la volonté des autorités internationales de poursuivre Salamé et de récupérer les fonds détournés. Riad Salamé, qui a annoncé qu’il ferait appel de ces décisions, continue de nier les accusations portées contre lui, affirmant que son patrimoine est légitime.
Cependant, la gravité des accusations et la pression croissante de la communauté internationale, notamment des États-Unis et de l’Union européenne, augmentent les chances que cette affaire aboutisse à un procès en France ou au Liban. Pour l’heure, Salamé est détenu en attente de son audience prévue pour le 11 septembre 2024, où il devra répondre aux questions des enquêteurs concernant ses transactions financières et son rôle dans la dégradation de l’économie libanaise.
Vers une justice transnationale ?
L’affaire Riad Salamé est bien plus qu’un simple dossier judiciaire ; elle symbolise la lutte contre la corruption systémique qui gangrène le Liban depuis des décennies. Avec des ramifications touchant à la fois les sphères économiques et politiques, cette affaire pourrait redéfinir la manière dont les enquêtes sur la criminalité financière sont menées au niveau international. Alors que la Cour de cassation française poursuit ses investigations, les révélations sur les pratiques bancaires et les détournements de fonds publics continuent d’ébranler les bases du secteur financier libanais, promettant des répercussions durables.