Au cours de la semaine dernière, Riad Salamé a entamé sa défense dans les affaires intentées contre lui au Liban et en France, en contestant la légitimité de la représentation de l’État. Selon son argument principal, l’Autorité des litiges (ou ” هيئة القضايا “) a initié des poursuites en son nom propre, sans avoir reçu d’instruction explicite du ministre des Finances, qui est censé être le ministre de tutelle de la Banque du Liban. Salamé a réitéré cette défense par l’intermédiaire de son avocat français, affirmant que la représentation de l’État par des avocats français nommés par l’Autorité des litiges et le ministre de la Justice constituait un “abus de pouvoir”.
Contexte de la défense de Salamé
L’argument avancé par Salamé repose sur l’idée que l’Autorité des litiges n’aurait pas obtenu l’autorisation préalable du ministère des Finances, bien que ce ministère soit directement responsable de la Banque du Liban. Le ministre des Finances, Youssef Khalil, étant lui-même un ancien fonctionnaire de la Banque du Liban, cet aspect complique davantage la situation et soulève des interrogations sur les éventuels conflits d’intérêts qui pourraient freiner les poursuites contre l’ancien gouverneur.
L’analyse de Legal Agenda
L’analyse de Legal Agenda met en lumière plusieurs points cruciaux dans cette affaire. Tout d’abord, l’Autorité des litiges a décidé d’agir indépendamment, en l’absence de directives explicites du ministère des Finances. Selon Legal Agenda, cette décision a été prise après plusieurs sollicitations des autorités judiciaires européennes et un silence prolongé du ministère des Finances. En agissant ainsi, l’Autorité des litiges a tenté de remplir son rôle en défendant les intérêts de l’État, même en l’absence de directives claires.
Selon le cadre juridique libanais, l’Autorité des litiges, qui dépend du ministère de la Justice, a la responsabilité de protéger les intérêts de l’État devant les tribunaux, qu’il s’agisse d’une affaire où l’État est plaignant ou défendeur. D’après Legal Agenda, l’indépendance de l’Autorité des litiges est essentielle pour éviter que les intérêts publics ne soient sacrifiés en raison des pressions politiques ou du manque de coordination avec les autres ministères, comme celui des Finances dans ce cas précis.
Legal Agenda souligne également un changement stratégique important : plutôt que de dépendre d’une autorisation expresse des ministères, l’Autorité des litiges a considéré que le silence du ministère des Finances équivalait à une approbation tacite, ce qui lui a permis de poursuivre ses démarches. Ce mode d’action renforce l’autonomie de l’Autorité et pourrait potentiellement libérer cette dernière des influences politiques qui tendent à dominer les autres institutions de l’État.
Les questions soulevées par cette affaire selon Legal Agenda
- Indépendance de l’Autorité des litiges
Legal Agenda met en avant que l’Autorité des litiges doit disposer d’une indépendance réelle pour protéger les intérêts de l’État. Le fait qu’elle ait pris l’initiative d’agir face au silence des autres ministères, sans attendre de directives spécifiques, démontre cette volonté d’autonomie. Legal Agenda rappelle que selon la loi, l’Autorité des litiges est mandatée pour représenter l’État sans avoir à obtenir l’approbation préalable des ministères concernés. Cette autonomie est cruciale pour garantir que les intérêts publics soient défendus, même en cas de manquement des ministères responsables. - Compétence du ministère des Finances
Une question soulevée par Legal Agenda est de savoir quel ministère est compétent dans cette affaire. Étant donné que le ministère des Finances a la tutelle sur la Banque du Liban, il pourrait sembler logique qu’il soit directement impliqué dans cette procédure. Cependant, Legal Agenda souligne que dans les affaires de corruption flagrante, c’est bien le ministère de la Justice, et non le ministère des Finances, qui doit prendre les mesures nécessaires pour protéger les intérêts de l’État. Cela renforce l’idée que l’Autorité des litiges n’avait pas besoin d’attendre une directive du ministère des Finances pour agir. - Le rôle du ministre des Finances, Youssef Khalil
Legal Agenda met également en lumière le rôle ambivalent de Youssef Khalil, actuel ministre des Finances et ancien fonctionnaire de la Banque du Liban. Ce lien direct avec l’institution concernée complique la situation et soulève des soupçons quant à une possible réticence à poursuivre Salamé, dont les actions ont été au centre de plusieurs scandales financiers. Legal Agenda pose la question de savoir si Khalil finira par soutenir l’Autorité des litiges ou continuera à garder le silence, ce qui pourrait compromettre les efforts de récupération des fonds détournés.
Les enjeux à venir
L’affaire Salamé pourrait bien constituer un tournant dans la manière dont le Liban traite les affaires de corruption et de détournement de fonds publics. Si l’Autorité des litiges parvient à maintenir son indépendance, elle pourrait établir un précédent pour d’autres affaires similaires, dans lesquelles les intérêts de l’État sont souvent sacrifiés au profit de l’influence politique.
Cependant, l’incertitude plane toujours sur la position que prendra Youssef Khalil et, plus largement, le gouvernement libanais. Le soutien explicite du ministre des Finances à l’Autorité des litiges pourrait renforcer considérablement la crédibilité des poursuites contre Salamé. À l’inverse, son silence pourrait être perçu comme un signe de complicité, ou du moins de négligence, face à l’un des plus grands scandales financiers de l’histoire récente du Liban.
L’affaire Riad Salamé et la contestation de la légitimité de l’Autorité des litiges mettent en lumière des enjeux complexes concernant l’indépendance des institutions publiques au Liban. Comme l’a analysé Legal Agenda, l’indépendance de cette autorité est cruciale pour garantir la défense des intérêts de l’État, notamment dans des affaires aussi sensibles que la corruption et le détournement de fonds publics. Il reste à voir si le ministre des Finances, Youssef Khalil, soutiendra cette indépendance ou continuera à jouer un rôle ambigu dans cette affaire, au risque de compromettre les efforts de récupération des fonds détournés.