Le Ministre de l’économie, Ghazi Wazni, a évoqué dans une interview au quotidien Financial Times à demi mot, l’option du bail-in qui est en réalité la transformation d’une partie de l’argent des déposants en action des banques, une sorte de haircut déguisée afin de sauvegarder les apparences.

Peut-être s’agit-il de préparer les gens à ces idées, en montant petit à petit crescendo.

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La guerre des mots est donc présente, pour décrire des choses par d’autres mots, alors qu’ils reviennent à la même chose. Ainsi, le ministre considère aussi que sur 200 000 USD, 8.5% des sommes devraient être transformées en action de ces banques, un ratio qui semble être très insuffisant par rapport aux besoins réels des banques libanaises. Ainsi, selon un rapport de la Bank of American, si le seuil était de 100 000, 25% des sommes en dépôt devraient être transformées en action, 12.5% s’il n’y avait pas de seuils.

Pour rappel, le total des dépots bancaires au Liban est estimé à 210 milliards de dollars environ. 65% de la dette publique qui atteint 92 milliards de dollars selon les derniers chiffres publiés par le Ministère des finances en janvier dernier, selon certaines études, devrait être annulée pour obtenir “un niveau soutenable”, même si des experts estiment que les chiffres devraient être encore plus importants. S’il est pratiquement impossible d’annuler la dette externe qui est de 32 milliards de dollars environ, il serait plus facile d’imposer des mesures concernant la dette interne, comme une annulation d’une grande partie de la dette détenue par les banques voire même par la BDL (ce qui cependant a d’autres désavantages puisque 70 milliards de dollars des banques libanaises sont déposées auprès de la BDL alors que les réserves monétaires brutes n’atteindraient que 29 milliards de dollars).

La restructuration du système bancaire libanais, pour faire face au défaut de paiement qui est aujourd’hui devenu réalité est estimé à 20 milliards de dollars. Le montant total des dépôts bancaires au Liban est aujourd’hui estimé à 210 milliards de dollars. Si on appliquait ce taux à tous les dépots libanais sans seuil, on obtiendrait 17 milliards de dollars, soit une somme déjà insuffisante.

Précédemment, les sources de ce dossier évoquaient plutôt 25% sur le seuil de 100 000 USD. Le Ministre probablement dans les faits, devrait évoluer vers ce niveau. Il s’agit d’une pilule qui pourrait être assez dure à avaler…

Cette méthode de bail-in a déjà été pratiquée par certains états, Chypre notamment ou encore en Grèce pour venir en aide aux banques considérées comme trop importantes pour les laisser faire faillite. Cela avait déjà été expliqué d’ailleurs dès le 14 février:

La recapitalisation du secteur bancaire chypriote avait été estimé à 50% du PIB à l’époque, pour 40% au Liban environ. Les dépôts ont été transférés à la Bank of Cyprus, première banque du pays pour en même temps condamner à la faillite la Laiki Bank, deuxième banque du Pays dont la majorité des actions étaient publiques. Concernant la Bank of Cyprus, en dessous de 100 000 USD, les dépôts bancaires ont été sauvegardés, et au-delà, transformés à 47,5% en action de l’établissement, en d’autres termes, à un haircut.

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Elle ne peut pas être techniquement appliquée à toutes les banques. Il s’agira donc de faire des choix, avec des fusions, des liquidations ou encore des faillites, ce que ne dit pas le ministre. Il y a également un problème légal à cette mesure du haircut dans le cas libanais puisque la constitution libanaise protège normalement les biens privés. Les transférer ainsi pourrait s’avérer illégal et sujet à des recours en justice importants de déposants qui s’estimeraient – juste titre – être lésés comme expliqué ensuite.

Aussi l’autre problématique concerne en effet la valeur des actions de ces banques, qui ne valent plus rien. Il suffit de voir comment Société Générale France a approvisionné une perte équivalente à la totalité des actions qu’elle possède dans son partenaire locale SGBL au lieu même que cela en soit une partie. Aujourd’hui, les actions des banques sont totalement surévaluées par rapport à leurs valeurs réelles. Il s’agit d’une autre monnaie de singe.

Cette méthode de haircut abouti également à la dilution des actionnariats présents dans les banques. Tout comme la restructuration elle-même de ce secteur, elle pourrait faire face à des réticences des dirigeants des banques plutôt soucieux de conserver un contrôle sur des établissements souvent à caractère familial, d’où également l’échec financier de ce modèle, puisqu’elles ont manqué de souligner qu’elles vendaient des produits financiers défectueux, la dette libanaise, à leur clientèle, tout en ayant étrangement évité jusqu’à présent, des poursuites légales sur ce volet…

Toujours est-il qu’on aura bien compris de ce niveau de 8.5% sur les comptes dépassant 200 000 USD ne correspond en aucune manière au minimum nécessaire pour conserver l’argent des déposants.

Cette même ambiguïté était présente en ce qui concerne l’appel au FMI pourtant nécessaire. Après l’avoir dans un premier temps totalement exclu, les autorités libanaises ont demandé une expertise technique du Fonds Monétaire International et la très grande majorité, si ce n’est pas tous les experts soulignent que l’aide financière du FMI est inévitable sans condition en raison de la gravité de la crise économique déjà précédente à la pandémie de coronavirus.

L’autre point interessant de l’interview est que le Ministre semble mettre en cause le gouverneur de la Banque du Liban, Riad Salamé, l’accusant d’être à l’origine de la crise des liquidités pour les banques, justement en ayant bloqué ces sommes dans la BDL sous forme de certificats de dépôts.

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